- J'ai peur, j'ai peur... Oh mon Dieu, je ne peux pas le faire ! s'écria Arlette, les mains agrippées à la chaise sur laquelle elle était assise, coiffée, maquillée et habillée sous le peignoir blanc destiné à protéger sa tenue, prête pour le concert.
- Allez ! s'écria Sabrya. Tu devrais déjà être en coulisse, les numéros d'avant vont se terminer !
Elle secoua la tête, pâle comme un linge, et Sabrya verdit. Elle n'avait aucun moyen d'aider son amie à surmonter sa panique. C'était bientôt le tour d'Arlette de monter sur scène, et celle-ci perdait toute cohérence, trop effrayée.
La jeune flûtiste réfléchit un instant. Il lui fallait rejoindre l'orchestre, et elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait faire.
A moins que...
Sabrya ouvrit la porte de la loge, traversa le couloir et se mit à longer les portes en lisant les écritoires. Elle s'arrêta en lisant le nom qu'elle cherchait, et frappa à la porte.
°*°*°
Arlette était tétanisée.
Il était bientôt l'heure qu'elle monte sur scène, et elle était incapable de faire un mouvement.
Toutes ses insécurités revenaient à cet instant à la charge, et encore une fois, elle déchantait.
Encore une fois, elle se retrouvait en haut de l'immeuble, face au vide.Soudain, la porte de la loge s'ouvrit à la volée, et elle eut la surprise de voir entrer Joseph, Sabrya à sa suite. Celle-ci jeta à son amie un regard inquiet, articula un encouragement, et fit volte-face pour aller rejoindre son orchestre.
Le violoncelliste ne portait pas ses lunettes, avait les cheveux en bataille et sa chemise n'était pas boutonnée jusqu'en haut.
Arlette se raidit et ouvrit de grands yeux quand il riva son regard inquiet au sien.
Le musicien se précipita vers elle, et s'agenouilla vers elle :
- Tout va bien ?!
Elle secoua la tête, la gorge trop serrée pour répondre, et eut honte d'être si peu courageuse.
Il sembla comprendre en lisant dans son regard :
- Oh, je vois... Le trac est tout à fait normal, ne t'inquiète pas.
- Mais... haleta-t-elle, la voix hachée, je n'ai jamais senti...
Il posa ses mains sur ses épaules, l'air grave, et elle sentit un frisson parcourir sa peau.
- Arlette, penses-tu sérieusement que je t'aurais poussée sur le devant de la scène si je ne pensais pas que tu en avais les capacités, et plus encore ?!
Elle parut hésiter, trop préoccupée. Mais la franchise absolue et magnifique de son regard délavé eut raison de ses réticences.
- Si, finit-elle par balbutier.
- Et pense-tu que j'aurais pu me tromper sur ce que j'ai discerné ?
Son regard ferme et doux ne souffrait aucune opposition. Il avait raison, évidemment.
Il restèrent un instant les yeux dans les yeux, juste pour se donner du courage.
- Bist du bei mir, geh' ich mit Freuden... murmura-t-il au bout d'un moment, un sourire rassurant aux lèvres.
- ... Zum Sterben und zu meine Ruh*, reprit-elle avec un accent épouvantable, rougissante. Ces mots, tirés d'un célèbre air allemand, avaient le pouvoir de lui redonner la vie. Elle essaya d'ignorer que cela ressemblait fort à une déclaration d'amour.
Troublé par sa proximité, Joseph se releva maladroitement, et lui tendit une main ferme, qu'elle attrapa sans hésitation.
- Prépare-toi, et nous nous retrouverons en coulisse, dit-il.
Elle hocha la tête, la gorge nouée, mais revigorée par ses mots.
Ils échangèrent un sourire, plein d'appréhension pour elle, confiant pour lui.
*Bist du bei mir, Heinrich Stözel
Si tu restes avec moi, alors j'irai en joie
Vers ma mort et mon doux repos.
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- Dissimilarity -
Romance{ HISTOIRE TERMINÉE } Arlette, jeune passionnée de musique d'à peine dix-sept ans, vit la tête pleine de rêves, et comme dans toutes les histoires d'adolescents, elle est amoureuse ; rien de très étonnant. Si l'on oublie le fait que cet amour soit d...