Chapitre XLI : Parler

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Le jour suivant, ce fut pareil. Du début à la fin de la répétition, Arlette évita le regard de Joseph et s'esquiva dès que sonnaient six heures sans lui adresser un mot. 

Mais cette fois-ci, plus clairement que le jour précédent, il sentit émaner d'elle quelque chose de profondément douloureux.
Mais que pouvait-il faire ? Arlette le fuyait. Et lui n'en dormait plus, car la pâleur et le regard triste d'Arlette le hantait. 

Celle-ci n'allait guère mieux.

Cacher sa peine, sa douleur et son angoisse était épuisant. Et d'autant plus lorsque Joseph était face à elle. Chaque jour, c'était la boule au ventre qu'elle se rendait en cours, s'attendant à de nouvelles insultes, de nouvelles humiliations à subir. 

Arlette sombrait lentement. 

Et Sabrya tentait en vain de la raisonner. 

- Pourquoi tu ne veux pas en parler, Arlette ? lui demanda-t-elle le Vendredi suivant, dans les toilettes du lycée, lorsque les deux amies avaient trouvé le sac de cours d'Arlette couvert de blanco, avec une inscription au feutre noir : " Elle aime les vieux ".  Si tu en parlais, tout ça s'arrêterait ! Je vais finir par y aller moi-même...

Arlette lui jeta un regard plein de reproches, arrêtant un instant de frotter son sac avec une feuilles d'essui-main trempé pour tenter de faire disparaître les mots cruels  :

- C'est hors de question. Et si tu y vas, tu sais très bien que les choses ne vont qu'empirer. Tu... tu imagines ma honte ? Tout le monde sera au courant ! Et ça va forcément revenir aux oreilles de...

Elle s'arrêta net, trop émue pour continuer.

- Silbervolgen. acheva Sabrya, son emportement ayant disparu au profit d'une expression peinée. 

Les épaules d'Arlette tressautèrent. Elle retenait un sanglot. 

Sabrya serait tout de suite allée parler au proviseur de ce que subissait son amie, mais elle avait déjà fait ressortir, contre le gré d'Arlette, son secret une fois. Et, si elle récidivait, elle avait peur de définitivement détruire son amie.

- Arlette ? Et si c'était cela, la solution ? reprit la jeune algérienne, hésitante.

- Pardon ?

Arlette la fixait de son regard cerné.

- Et si... si tu lui parlais ?

Arlette sembla prête à bondir au plafond tant elle fut choquée. Son visage pâlit, puis elle rougit brusquement, ses doigts se crispant sur le tissus qu'elle nettoyait. 

- C'est absolument hors de question, asséna-t-elle froidement, se reprenant.

- Pourquoi ? Vous êtes assez proches, et c'est... une sorte de mentor, pour toi, non ? Et il arrive qu'on tombe amoureux sans le vouloir de...

- Je... je ne veux pas !

- Tu es une adolescente, Arlette. Il comprendrait. Et il t'aiderait, j'en suis certaine. 

Son amie, s'appuyant sur le rebord blanc du lavabo, évitait son regard. Assurément, elle ne lui parlerait pas. Pas de son plein gré.

Sabrya était écartelée, tout en ayant les mains liées. Plus les choses évoluaient, plus la situation paraissait inextricable. 

Après un instant de silence, Arlette se redressa et passa son sac, encore passablement blanchi, sur ses épaules, attrapant les quelques cahiers qu'elle avait laissé sur le bord du lavabo dans ses bras, et elles sortirent sans dire un mot. 

Dans la cour, il n'y avait presque personne, mais les deux jeunes filles sentirent leur sang se glacer en voyant approcher Andreas, accompagné de deux de ses sbires. 

Lisa marchait derrière lui, les épaules voûtées et la tête baissée.

- Mais regardez qui voilà, lança son bourreau, un sourire sournois apparaissant sur son visage. Tu es libre ce soir, Arlette ?

- Dissimilarity -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant