Arlette entendait des voix à l'étage inférieur. Peut-être était-ce un voisin, ou un ami qui venait lui rendre visite.
Son réveil affichait presque onze heures. Elle avait dormi d'un sommeil profond pendant près de quatorze heures.Elle se leva, s'appuyant sur le mur, et, ouvrit la porte. Elle se sentait terriblement vide : plus de trace ni de sa souffrance, ni de la joie de vivre de naguère. Depuis sa tentative, elle errait dans un méandre, désertée par toute forme de sentiments.
La jeune fille traversa lentement le couloir baigné de lumière, abritant de sa main son visage livide, puis descendit l'escalier au quatre à quatre.
Enfin, arrivée au rez-de-chaussée, elle s'avança pour se positionner dans l'encadrure sans porte qui donnait sur la cuisine, et se figea en apercevant qui était là.
Le regard de Joseph se tourna vers la jeune fille, qui venait d'apparaître, l'expression stupéfaite.
Elle était d'une grande pâleur : ses traits étaient tirés, ses yeux étaient cernés et éteints. Ses cheveux ébouriffés cascadaient librement sur ses épaules.
Il avait beau être environ onze heures du matin, elle sortait apparemment du lit : elle portait un pyjama gris trop grand pour elle, représentant un koala, et ses yeux ensommeillés se plissaient dans la lumière matinale.
Il avait beau savoir qu'elle n'était pas en danger, la voir ainsi, bien vivante, lui fut d'un immense soulagement. Remué, il sourit et se leva, tandis qu'elle restait figée sur place, puis rajusta ses lunettes.
Ce geste si précis, l'adolescent l'avait vu faire des centaines de fois, mais aujourd'hui, il y avait quelque chose d'encore plus singulier dans chacun de ses mouvements.
Arlette eut soudain très chaud, et fut touchée en plein coeur par l'afflux de sentiments qui lui faisaient défaut depuis quelques jours. Soudain, ses poumons se gonflèrent, son cœur s'accéléra, et ses joues rosirent, comme si elle respirait, vivait, ressentait à nouveau.
Qui se levait encore, de nos jours, pour saluer un nouvel arrivant, surtout quand celui-ci était une adolescente en pyjama, à part lui ? Elle sentit son coeur se réchauffer, infiniment émue.
- Vous êtes venu... murmura-t-elle, n'osant pas y croire.
- Mais oui, confirma-t-il, son regard bleu se faisant d'une douceur exquise.
Arlette ne pensait plus à ses remords, à tout ce qui l'avait poussé à tenter de sauter. L'instant était si prenant qu'elle ne pouvait que se noyer dans ses yeux.
- Tu aurais pu t'habiller pour descendre, la houspilla sa mère de l'autre côté du plan de travail, interrompant leur échange silencieux. Ce n'est pas très présentable !
Aussitôt, la jeune fille rougit brutalement, baissant les yeux.
- Il n'y pas de mal, je débarque tout-à-fait à l'improviste, et j'en suis désolé, fit-il plus pour rassurer Arlette, qui passait d'un pied sur l'autre, mal-à-l'aise, que pour sa mère. Comment vas-tu, Arlette ?
- Bien, merci, répondit-elle en attrapant sur une étagère une tasse avant de venir s'asseoir face à lui.
Elle attrapa avec des gestes précautionneux la bouilloire devant elle, tandis que son père lançait une remarque sur la nette amélioration du temps, reprise par les adultes, tandis que l'adolescente sirotait son thé et observant Joseph, mais le sujet fut rapidement épuisé.
S'en suivit un instant de silence où chacun cherchait quelque chose à dire. Et bien sûr, Gabrielle, comme à chaque fois qu'elle ne savait que dire, se mit à morigéner sa fille :
- Tu devrais sortir. Ce n'est pas en restant enfermée dans ta chambre à longueur de journée que tu vas aller mieux !
- Je... Je ne veux pas... toute seule, soupira la jeune fille sans lever la tête, le nez plongé dans sa tasse.
- Eh bien, je dois aller chercher Sidonie, et ton père est occupé, alors...
Joseph se racla la gorge, une idée traversant son esprit.
- Excusez-moi... mais, si vous n'y voyez pas d'inconvénient... et qu'Arlette est d'accord, naturellement, je peux l'accompagner.
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- Dissimilarity -
Romance{ HISTOIRE TERMINÉE } Arlette, jeune passionnée de musique d'à peine dix-sept ans, vit la tête pleine de rêves, et comme dans toutes les histoires d'adolescents, elle est amoureuse ; rien de très étonnant. Si l'on oublie le fait que cet amour soit d...