Chapitre XXVIII : Revivre

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Joseph l'avait accompagnée jusqu'à la bouche de métro, l'abritant sous le parapluie ample.

Arlette, vraiment troublée, ne sut tout d'abord pas quoi dire, de peur de passer pour un idiote. Elle s'était déjà suffisamment répandue en excuses pour lui faire perdre son temps, et en remerciements.

Mais elle bouillonnait de s'ouvrir à son compagnon du questionnement qui la rongeait, ce qu'elle finit par faire.

- Dites... Aheemm... Vous... vous avez dit tout-à l'heure que j'étais... talentueuse.

balbutia-t-elle, rompant le silence.

- Certes, répondit-il, haussant un sourcil.

- Je me demandais... Le pensiez-vous vraiment ? demanda timidement la jeune fille, levant vers lui de grands yeux.

Dans ce regard plein de doute qui le troublait profondément, il pouvait lire un manque de confiance flagrant. Il sourit pour la rassurer, la regardant par dessus les verres de ses lunettes pour que rien ne se mette en travers de leurs regards.

- Bien sûr que je le pense. Je peux même te dire que rencontrer quelqu'un comme toi est assez rare.

Il atténuait un peu la réalité, naturellement : il n'avait jamais rencontré quelqu'un comme elle.

Mais ce qu'il lui dit sembla la ravir au plus haut point. Elle rentra la tête dans les épaules, sûrement pour cacher le brusque changement de couleur de son visage, et un large sourire étira ses lèvres, tandis que ses yeux pétillaient.

Joseph, devant cette réaction charmante, sentit son coeur s'accélérer, et il se concentra sur lui-même pour faire en sorte qu'elle ne s'aperçoive pas à quel point sa présence à côté de lui le troublait.

Il sentait des dizaines d'oiseaux affolés s'agiter dans sa cage thoracique. Tout comme quand il avait vingt ans.

Mais ce n'était plus le cas, et il ne devait pas l'oublier.

- Je te suis vraiment reconnaissant, Arlette, reprit-il, un sourire qu'il n'arriva pas à contenir apparaissant sur son visage.

- Ah oui ? Pourquoi ?

- Parce que... Tu préserves mes poumons. Je serais sûrement en train d'entamer un deuxième paquet de cigarette si tu n'avais pas été là, seule sous la pluie, plaisanta-t-il.

Trait d'humour qu'il avait sortit au moment adéquat. Ce qu'il avait eut envie de dire était bien plus déplacé, quelque chose qu'il n'aurait jamais pu dire à une adolescente de trente-cinq ans sa cadette.

Tu me fais revivre, Arlette.

Il n'en pensait pas moins.

Arlette, ignorante de ses pensées douloureuses, se mit à rire, ses prunelles flamboyantes brillant encore plus à la lumière grise du jour en déclin. Des éclats clairs, un peu brisés, comme des grelots. Un son doux qui fit rater à son pauvre coeur, déjà bien malmené, un battement.

Le musicien ignorait que, de son côté, Arlette, sentant une drôle de chaleur se répandre dans tout son être, la respiration un peu désordonnée, était dans un état comparable.

Il faisait désormais presque nuit, et la lueur froide des lampadaires seule leur permettait d'avancer dans la brume et la pluie.

Mais, côte à côte, ils voyaient une immense lumière irradier autour d'eux.

Les deux musiciens virent alors apparaître au milieu du brouillard la bouche de métro, béante, et, en quelques pas, eurent atteint le haut de l'escalier, pour s'abriter de l'averse. Joseph replia le parapluie, et, immobiles, face à face, ils se mirent soudainement à rire.

Peut-être était-ce toute cette pression qui se relâchait, ou le soulagement d'être ensembles, mais ils rirent un moment de concert.

Puis, se redressant, Arlette avait eut un sourire rayonnant qui le fit se perdre à nouveau dans ses yeux sombres, à la nuance si particulière.

De même, se perdant dans ses yeux bleus rêveurs, Arlette crut défaillir. Puis, ses pupilles prenant une lueur espiègle, elle avait tendue sa main froide au musicien :

- Merci beaucoup, et n'hésitez pas à me redemander mon aide si vous voulez éviter un cancer des poumons.

Celui-ci, s'interdisant de rire, la saisit dans la sienne, tentant d'ignorer les sensations incontrôlables que le contact de sa peau faisait naître en lui.

- Avec grand plaisir, répondit-il, entendu.

La jeune fille fit glisser sa main dans la sienne, très lentement. Au fond d'elle, elle cherchait à tout prix à faire durer cet innocent contact, et se tourna lentement, lui souriant une dernière fois.

- Au revoir, Joseph, dit-elle doucement.

Il avait envie de lui crier de rester, d'écouter tout ce qu'il voulait dire. Mais il fit taire ses voix intérieures et hocha seulement la tête.

En la voyant s'éloigner, sa chevelure brune flottant derrière elle, puis disparaître, avalée par la bouche de métro, il se rendit compte que c'était la première fois qu'elle l'appelait par son prénom.

* Petite scène entre nos deux protagonistes, j'avais vraiment envie de l'écrire, celle-ci. Parce que c'est dérangeant, mais on voit bien leurs sentiments l'un envers l'autre et leur attitude lorsqu'ils sont ensemble. Ce serait une scène à la guimauve, dégoulinante de cutitude ( terme scientifique inventé par moi-même, dérivé de l'anglais "cute", d'une grande objectivité ) , dans une romance banale, si la situation était différente. Mais je n'aime pas les romances clichées et cette scène, dans le contexte du roman, prend une autre tournure, vous ne trouvez pas ?

Alors, permettez-moi ( je me permets, en fait XD ) de vous poser quelques questions :

- Comment trouvez-vous leurs liens ? 

- Les revirements dans l'attitude de Joseph ?

- Comment évolue, selon vous, leur relation ?

- Sont-ils arrivés à la limite, au point de non-retour ?

- Comment aimeriez-vous voir évoluer cet aspect de l'histoire ?

Je vous souhaite une bonne journée/soirée/matinée/après-midi, un joyeux noël/anniversaire/Pâques/nouvel an.

Je me la joue trop là.

En média, Cécilia Bartoli, une grande chanteuse d'opéra, dans l'air de Caldara que j'ai chanté pour mon audition, et qui m'a inspiré ce chapitre. C'est juste magnifique, non ? 

Bon, c'est tout, je crois.

Bref, à plus !*

                             Jeanne Flamingo

- Dissimilarity -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant