Chapitre LX : Temps

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Arlette tapotait nerveusement sur ses genoux. Qu'est-ce qui lui avait pris de demander cela ?

Mais c'était fait.

Il y a deux jours, elle avait tout raconté à Joseph, après avoir appris que ses sentiments étaient réciproques. Une véritable délivrance, non exempte de douleur, mais apportant une certaine paix à l'esprit de la jeune fille. Tout les pans de l'histoire, des circonstances avaient été recollés. 

Ce soir, cela allait faire trois semaines. Trois semaines qu'elle avait tenté de ses jeter de l'immeuble. Elle avait l'impression que c'était il y a une éternité, et le souvenir de l'enivrant appel du vide sous elle s'estompait déjà dans sa mémoire. Mais peut-être y avait-il certaines choses qu'il valait mieux oublier.

Ensemble, ils avaient décidé que tout cela n'avait que trop duré. 

Elle avait choisi de rassembler tout le monde : ses amis, sa famille, Joseph. Et de dérouler l'histoire, pour mieux la laisser en arrière. Elle avait souffert des mois, alors il était temps. 

Joseph était revenu le jour précédent. Ils s'étaient soigneusement tenus l'un à l'écart de l'autre, trop gênés après leur étreinte, leurs déclarations mutuelles. Mais étonnement, en se voyant, le dégoût d'eux-même et la honte semblaient s'être atténués.

Ensemble, ils avaient soigneusement prévu ce qu'ils allaient révéler, dans quel ordre, et ce qu'ils allaient passer sous silence. Toute l'histoire, en somme, mais en "oubliant" certaines parties trop sensibles, trop incompréhensibles. A commencer par leurs sentiments. Il était temps.

Cela avait été plus facile à dire qu'à faire. La veille, elle avait appelé ses amis : Sabrya, Charlie, puis Timothée. Tous avaient promis de venir, sans poser de question. 

Et maintenant, assise dans le salon, alors que son appréhension montait en flèche, elle attendait que chaque protagoniste vienne pour recoller les pièces du puzzle.

- Tu ne veux vraiment pas me dire pourquoi tu as voulu organiser cette réunion ? demanda Gabrielle, la sortant de ses pensées. 

- Tu vas tout comprendre, Maman, je te le promet. Je vais tout expliquer. Mais il faut que tout le monde vienne. 

Sa mère soupira, et posa les tasses sur la table du salon :

- Et je suppose que tu ne veux pas me dire non plus pourquoi il est si important que M. von Silbervolgen soit là, pas vrai ?

Arlette rougit sous le regard suspicieux de sa mère, mal-à-l'aise, mais se reprit rapidement ;

- Il a aussi des choses à dire. Sa présence est vraiment importante...

Gabrielle ouvrit des yeux étonnés et scruta sa fille, le regard interrogateur. 

- Il a un lien avec tout cela ? Dans quel sens ?

- Tu vas voir, Maman, répondit Arlette, évitant son regard. 

Soudain, une voix résonna dans le couloir, et Auguste entra, l'ordinateur portable dans les mains. Il le tourna, laissant apparaître sur Skype le visage de son fils aîné. 

- Alexandre ! s'écria Arlette, ravie. Depuis sa tentative, elle lui avait parlé quelques fois par visioconférence. Son frère était définitivement la personne qu'elle préférait : discret et prévenant, il n'avait rien cherché à savoir, cherchant à la divertir pendant son séjour à l'hôpital malgré la longue distance qui séparait la France et l'Angleterre, où il vivait.

- Bonjour, Arlie, s'écria-t-il. Il portait encore sa blouse médicale, il venait sûrement de voir un patient. 

Elle se mit à discuter avec animation avec son frère, tentant de détourner son esprit de l'angoisse qui montait en elle à l'idée de ce qu'elle allait faire. 

Une vingtaine de minutes plus tard, la porte sonna, et Arlette ferma les yeux. Il était temps.

- Dissimilarity -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant