Chapitre XIV : Brouillard

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Arlette, un sourire triste sur les lèvres, regardait tomber la pluie par la fenêtre. Elle avait cru voir un rayon de soleil traverser la mer de nuages gris, puis plus rien. Seul apparaissait le rideau de brume et d'eau.

Elle réfléchissait à la journée qui venait de s'écouler: ce souvenir aurait pu la combler de joie, si elle n'avait pas senti une culpabilité dévorante l'envahir.

Elle pensait, quelques jours auparavant, que finalement, côtoyer Joseph von Silbervolgen aurait été bénéfique : elle se serait rendue compte qu'il était quelqu'un de normal, loin de ses idéaux fantasmés, et que non, elle ne pouvait pas l'aimer.

Elle ne se doutait pas qu'au contraire, elle ne l'aimerait que plus en le redécouvrant. Il ne collait pas aux versions rêvées qui envahissaient la tête d' Arlette: il était au moins milles fois mieux. Quant à ses sentiments, ses maudits sentiments, ils semblaient encore plus vifs, et le trouble dans lequel un événement en particulier l'avait jetée ne faisait que confirmer cela.

Joseph semblait maintenant réel, quelqu'un qu'elle pourrait réellement aimer, et quelqu'un sur lequel elle se mettait maintenant inconsciemment sur un pied d'égalité. Et ça l'en rendait presque malade, car c'était tout le contraire de ce qu'elle aurait souhaité.

Elle revécut encore une fois cette scène qui aurait semblé tout à fait banale à un regard extérieur, mais qui, pour elle, relevait presque de quelque chose d'aussi miraculeux qu'incongru.

*°*°*

Joseph et Arlette avaient pris l'habitude, chaque soir, après les conférences et répétitions de l'après-midi, de se retrouver dans le studio. Là, le chef se mettait au clavecin et faisait travailler quelques passages de sa partition à la jeune fille. Navré de faire travailler l'adolescente comme chanteuse alors qu'elle aurait dû perfectionner sa direction par son observation, il lui montrait quelques mouvements. Dans son regard plein d'émerveillement, il se revoyait, bien des années auparavant.

Ce soir-là, ils avaient travaillé particulièrement dur, du fait que le lendemain était un jour de pause pour les jeunes artistes, mais le maestro s'était montré particulièrement satisfait du petit choeur formé par les étudiants, et, plus tard, du travail fourni par Arlette.

- Parfait, dit-il avec une pointe de contentement dans la voix, c'est tout pour aujourd'hui. Si tu relis ce passage, pense bien à compter tes temps, mais ça s'enchaîne très naturellement, tu verras.

Elle referma sa partition et la glissa dans son sac, le rose au joues. Les compliments, venant de lui, la troublaient toujours.

- Merci beaucoup, Monsieur, bonne soirée ! salua-t-elle avec un léger sourire.

- Oh, je t'en prie, appelle-moi Joseph, répondit-il, sans vraiment y penser. C'était venu assez naturellement, d'ailleurs.
Sa réaction le surprit: elle s'arrêta net, une main sur la poignée de la porte, lui jeta un regard étonné, et ses joues semblèrent se colorer.
- Euh... Oui, merci... Au revoir ! balbutia-t-elle, avant d'ouvrir la porte et de disparaître précipitamment.

Le violoncelliste resta un moment sonné, les yeux fixés sur la porte. Que venait-il de se passer ?

Il se ressaisit, se leva et alla rassembler les livrets dispersés sur les étagères. Il se sentait étrangement...

Fébrile.

Il secoua la tête, et son beau regard bleu se perdit dans le brouillard qui, par la fenêtre, noyait la ville.

- Verdammte Wetter*, murmura-t-il dans sa langue maternelle. Il avait sûrement dû rêver.

( * Saleté de temps )

*°*°*

Arlette était maintenant perdue dans ses pensées en songeant à sa réaction stupide. Il avait dû la trouver bien étrange ! Quelle cruche, il lui avait seulement demandé de l'appeler par son prénom !

Elle avait envie de se taper la tête contre le mur pour en faire sortir la spirale infernale de sa réflexion.

Heureusement, un coup de fil la fit se changer les idées. Elle sursauta au son du morceau de Berlioz, et se dépêcha de répondre en voyant le nom affiché sur l'écran.

- Allô ?

- Salut, Tim', répondit-elle à cette voix familière.

- Salut ! Alors, ça va , la master-class ?

- Oui, très bien. C'est super intéressant.

- Cool ! s'exclama-t-il. J'ai quelque chose à te proposer... On organise un petit truc, avec quelques amis de Terminale, demain soir. Rien de très dingue, on fête la fin des partiels, mais il y aura pas mal de gens que tu connais, et Saby vient. Elle veut ab-so-lu-ment te voir là-bas Je te préviens que si tu ne viens pas, je vais m'en prendre plein la gu...

- Timothée ! Je suis pas sûre que tu veilles qu'elle sache comment tu parles d'elle, s'esclaffa son amie. C'est bon, je viens, si vous y tenez tant.

- Nickel ! Sab' connait l'adresse, tu y vas avec elle, je présume ?

- Tu présumes bien. Merci de m'avoir prévenue à l'avance, en tout cas !

- Oh, tu sais, ça a un peu été décidé au dernier moment. Tout le monde n'a pas besoin d'organiser son emploi du temps à la minute près au moins deux semaines à l'avance, tu sais !

C'était une référence appuyée au pense-bête qu'Arlette avait tenu une partie de l'année précédente pour ne rien oublier. Au final, l'objet avait été égaré, comme beaucoup des affaires de la jeune fille. Celle-ci répondit avec une allusion cinglante à son agenda qui n'avait pas été ouvert depuis le début du deuxième trimestre, et ils passèrent encore quelques instants à échanger des piques, avant de raccrocher.

Décidément, ses amis avaient le don de lui remonter le moral. Une soirée ? Pourquoi pas. Après tout, ce serait seulement des personnes qu'elle connaissait, et une façon de faire une pause dans son travail acharné de la semaine. Cela s'annonçait donc sous les meilleurs augures.

* Et voilà un autre chapitre ! Trop d'inspiration eheheh.

Je souhaite un joyeux treize mai, Notre-dame de Fatima, au chrétiens ! C'est vraiment une belle fête mais l'office du soir a duré deux fois plus longtemps, je suis crevée ! En plus, aujourd'hui, j'avais un oral...

Je rapelle qu'en Mai 1917 apparaissait la vierge à Fatima, en Espagne.

Sinon, le treize mai, c'est l'anniversaire de la fin de l'esclavage au Brésil, en mai 1888... ça aussi, ça se fête, et pour tout le monde !

Bon, je suis trop fatiguée pour vous harceler de questions ( dommage ) alors je vous souhaite simplement une bonne nuit !

Et... à demain, j'espère !

Allez, la bise !*

Jeanne Flamingo

- Dissimilarity -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant