CHAPITRE 2 (1)

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— La brosse à dents...merde, on a oublié ta brosse à dents !

Kate Braxton renversa tout le contenu de la valisette noire sur le sol, et farfouilla entre les vêtements et les tablettes de médicaments.

Hystérique, toujours autant hystérique.

Ses cheveux noir corbeau retombaient de part et d'autre de son visage blême, dont les traits étaient étirés par l'anxiété. Ses gestes étaient saccadés, ses mains tremblaient à chacun de ses mouvements.

— La brosse à dents est dans ma trousse de secours, soupira Warren en rejetant sa tête sur l'oreiller d'un air épuisé.

Son souffle ressemblait à un hâve râle, comme si respirer lui coûtait tous les efforts du monde. Un masque transparent entravait son visage sombre, humide de sueur. Il était vêtu de la traditionnelle tenue de patient.

Une voie veineuse centrale passait en-dessous de sa clavicule, et une tubulure de perfusion immobilisait son bras gauche. Ses boucles noires semblaient frémir à chacun de ses mouvements.

— Et les clés de ma voiture ? Où diable ai-je mis les clés de ma voiture ?

— Elles sont dans ta main, indiqua l'alité. Tu peux te calmer ? Même aujourd'hui tu veux être au centre de l'attention, c'est ça ?

La brune soupira et rajusta une mèche de ses cheveux en bataille. Résignée, elle remit en place les effets du malade dans le sac, l'un après l'autre. Warren venait d'être installé dans sa chambre avec pleine vue sur Londres.

Le soleil était terne, comme fatigué d'irradier ses rayons sur la ville. De temps à autres, des fleurs de pissenlit suivaient la faible brise, flottant à l'orée de la fenêtre comme des fées en liberté dans la nature. C'était une autre journée calme qui s'annonçait sur Londres.

— Je me sens tellement fatigué, soupira le métis. Et tu ne m'aides pas !

— Merde ! Je ne retrouve plus mon carnet, Warren. Mon carnet, mon carnet, celui dans lequel j'avais noté les questions à poser à ton chirurgien avant l'opération. Tu sais, le carnet bleu ! C'est bientôt l'heure des visites, et je ne retrouve plus mon carnet bleu !

— Je l'ai jeté ! cracha-t-il entre deux quintes de toux. Après dix saisons de Grey's Anatomy, tu t'es prise pour un médecin ou quoi ? Je t'ai dit, je ne veux pas de toi ici. T'en as pas marre de me...coller de la sorte ?

— Mais je t'aime, Warren ! Je ne veux pas qu'il t'arrive...

— On n'est plus ensemble. Et ta présence m'épuise.

— Tu m'as dit qu'il y avait des chances qu'on se...

— J'ai changé d'avis.

Warren songea que Kate ne pouvait rien comprendre de tout ce qu'il traversait en ce moment. Elle ne pensait qu'à être avec lui, comme si c'était ça l'essentiel. Il était gravement malade, et elle n'arrangeait pas la situation.

D'ailleurs, elle n'avait jamais compati à ses problèmes, d'aussi loin qu'il s'en souvenait. Mais au moins elle l'avait conduit jusqu'ici. Et elle s'occuperait de la pépinière le temps qu'il guérisse ; c'était déjà ça. Elle n'était pas complètement inutile.

Alors qu'il n'avait que vingt-sept ans, la mère de Warren avait trépassé suite à un violent cancer du côlon. Environ deux ans plus tard, le père du jeune homme, chagriné d'avoir perdu l'amour de sa vie, avait vu son insuffisance coronarienne dégénérer au point de le clouer au lit.

Amity aurait inéluctablement fermée, si Warren n'avait pas fait preuve de détermination et de courage pour la maintenir sur pied. L'inébranlable Nassem Eastwood avait tenu bon, mais la mort avait fini par l'emporter. En réalité, la mort de ses parents ne lui faisait pas tant de peine que ça.

Au contraire, il leur en voulait encore d'avoir choisi de consacrer toute leur vie à la pépinière alors qu'il était livré à lui-même. Il avait dû s'occuper de ses propres fesses et de celles de son petit frère, avec qui il entretenait d'ailleurs des relations conflictuelles. Mais Warren ne s'en formalisait pas.

De toute façon, il ne pouvait pas attendre de l'amour de la part d'Easton, alors que lui-même n'en ressentait aucun symptôme. Des frères n'étaient pas toujours obligés de s'aimer, c'était la vie.

— Bon bah, si ma présence t'agace à ce point, je crois que je vais...y aller...

Warren reporta son attention sur la brune à son chevet, et soupira. Certes elle l'agaçait, mais il fallait bien qu'il se rende à l'évidence. Il allait se faire opérer, et il n'avait plus personne au monde à part elle. Si elle aussi partait, qui s'occuperait de lui ? Et de sa pépinière ? Il peinait à l'admettre, mais il avait encore besoin d'elle.

— Reste, Kate. Ne pars pas. Je n'ai pas envie de me mettre en colère contre toi, mais il faut que tu comprennes que ton inquiétude est parfois agaçante. Je veux que tu restes à mes côtés, mais que tu te calmes. Ok ?

Il offrit son plus beau sourire à la jeune femme, et sut que c'était déjà dans la poche. Avec elles, il suffisait de faire usage des bons mots, parfois d'un sourire dépendant des situations, et le tour était joué.

Au même moment, la porte s'ouvrit et une femme entra dans la pièce. Et en cet instant, sa conversation avec Kate perdit tout intérêt. Warren se concentra sur la nouvelle venue, et nota rapidement tous les détails : cheveux bleus, teint blafard, poitrine pulpeuse. Erection sous les draps. Il y avait des choses que même la maladie ne pouvait empêcher. Leurs regards se croisèrent, aucun d'eux ne cligna des yeux. Warren sourit à nouveau.

Belle ? Non.

Une fleur qui éclorait, ça c'était beau. Un champ de tulipes, ça c'était beau. Cette femme était tout simplement parfaite. Il la voulait.  

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant