— Endormez la patiente, ordonna Margaux, fixant Allison les yeux dans les yeux avec un air condescendant et taquin.— Vous comptez procéder par une intervention de Bentall ? se renseigna le médecin urgentiste.
— Oui, pourquoi ?
— Ne pensez-vous pas que la voie endovasculaire soit plus indiquée ? Je veux dire...c'est sous anesthésie locale, moins invasif, et l'hospitalisation est plus courte.
— Cette patiente est jeune, elle peut tout à fait supporter l'anesthésie générale. La réparation endovasculaire comporte des risques de fuite de la prothèse, vous le savez bien.
— Je pense qu'on devrait éviter l'opération à cœur ouvert, tant qu'on le peut.
— Est-ce que vous réfutez mon traitement, docteur Gipsy ?
— C'est aussi ma patiente, et je pense à ce qui est de mieux pour elle.
Allison sembla comprendre l'objet du courroux de Margaux Chabbat. Un sourire à peine perceptible étira ses lèvres, alors qu'elle partageait un regard rival avec sa chirurgienne. Si elle était réveillée durant l'opération, Margaux aurait beaucoup plus de mal à l'assassiner.
En un sens, elle, Allison, était la seule dans cette pièce capable de contrer un chirurgien de Dieu.
— Bien ! se résigna Margaux. Procédons par voie endovasculaire. Puisque vous y tenez tant.
Allison sourit à nouveau. Elle était curieuse de voir comment son assaillante comptait en finir avec elle, alors qu'elle aurait les yeux ouverts et l'esprit vif sur le billard...
***
Trois coups frappèrent à la porte, et Warren leva le regard.
— Je peux entrer ?
Le métis sourit en reconnaissant Geffrah Winfrey, la cheffe du département de chirurgie. Il l'invita à entrer, et elle approcha de lui. Une infirmière était en train de ranger le lit où Allison était allongée quelques instants plus tôt.
— Comment allez-vous ? demanda Geffrah en s'asseyant au chevet de Warren.
— Très bien, répondit-il. Et...vous ?
Warren avait ouï dire que la vieille dame avait subi un mini AVC suite à l'incident du mois passé. Il songea qu'elle devait avoir été frappée de plein coup par ce qui s'était passé. Une nature fragile, la pauvre. Aujourd'hui, elle semblait aller bien, tant mieux pour elle.
— Ça va, opina Geffrah, j'ai retrouvé à peu près quatre-vingt-dix pourcents de mes capacités à la main droite, celle qui était paralysée...je devrais pouvoir retourner au bloc bientôt. Vos résultats sont ok, il n'y a rien à signaler.
— C'est bien, approuva Warren en souriant à nouveau.
— Oui, c'est très bien. D'un instant à l'autre, le docteur Powell sera là pour signer votre autorisation de sortie. Et vous pourrez fuir loin d'ici, aussi loin que vous voulez, plaisanta Geffrah en lissant ses cheveux gris.
Warren acquiesça en silence. L'infirmière qui rangeait la literie d'Allison s'éclipsa bientôt de la pièce, laissant le jeune homme dans une sombre nostalgie.
— La vie est parfois d'une tristesse, tonna-t-il. La jeune femme qui occupait ce lit, figurez-vous que je l'ai rencontré ce matin à peine... et c'est la seule depuis un mois qui se soit vraiment comportée avec moi comme si je n'étais pas la pauvre cible d'une meurtrière folle. On ne se connaissait pas avant, mais je m'inquiète pour elle comme si elle faisait partie de ma vie depuis longtemps déjà.
— Où est-elle ?
— Au bloc, pour un anévrisme aortique.
Il sembla réfléchir pendant un moment, le regard perdu dans le vide. Au-dehors, le vent soufflait de plus en plus fort. Des éclairs fendillaient le ciel de temps à autre, et le tonnerre vrombissait. De la buée commençait à se former sur les grandes vitres de la fenêtre donnant sur l'extérieur.
— Je sais que plus rien ne nécessite que je reste encore dans cet hôpital. Et croyez-moi, je n'ai pas tant que ça envie de rester. Mais...je ne peux pas m'en aller sans m'assurer qu'elle va bien.
— Je suis désolée, scinda la cheffe, je n'ai pas le droit de vous garder ici. Depuis l'incident du mois passé, le conseil d'administration ne me lâche plus d'une semelle. Les règles sont plus que jamais strictes. Même moi la cheffe de chirurgie, je ne peux pas y déroger...
— Je vous en prie...
— Je ne peux pas, le coupa-t-elle. Une fois votre autorisation de sortie signée par le docteur Powell, vous ne serez officiellement plus un patient du Widburton Memorial Hospital; et vous n'aurez plus le droit d'être là. En attendant, je vous souhaite un bon rétablissement, monsieur Eastwood. La loi c'est la loi, et on n'y peut rien...
VOUS LISEZ
LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1
Mystery / ThrillerAllison Mortensen fait partie de l'Agence des Chirurgiens de Dieu, une organisation criminelle formant secrètement des chirurgiens à l'art de tuer. Quand la jeune femme reçoit sa toute première mission à Londres, elle ne se doute pas de ce qui l'att...