CHAPITRE 11 (1)

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— ...ensuite, il aura fallu pratiquer une angioplastie pour réparer les dégâts causés par la sonde. Je l'ai moi-même réalisé, comme je vous l'ai déjà expliqué. Mais les choses se sont passées très vite. Le cœur du patient s'est emballé, il a fait un choc hémorragique, puis un arrêt.

— Et vous dites, éclaira l'agent Latimer, que c'est le docteur Mortensen qui lui a sauvé la vie ?

— Elle m'a poussé en arrachant le bistouri de mes mains ! Puis elle a pris ma place, et a littéralement ramené le patient à la vie. elle l'a littéralement ramené à la vie ! Je n'avais encore jamais vu quelqu'un d'aussi doué dans un bloc opératoire, vous pouvez me croire.

— Vous parlez bien d'Allison Mortensen ! se rassura Ernesto Duthill.

Geffrah poussa un soupir d'agacement avant d'expliquer une millième fois aux deux agents, combien Allison s'était montrée réactive et courageuse pour sauver la vie de Warren Eastwood. Bien sûr, après tout ce que sa nièce venait de leur raconter, ils doutaient de cette nouvelle version des faits.

Avec quelle hargne le docteur Jones avait décrit le profil d'Allison Mortensen !

— Si elle voulait le tuer, elle n'aurait eu qu'à rester en retrait et tout se serait fait naturellement. Je lui avais déjà arraché le bistouri des mains, plus rien ne l'obligeait à agir. Le docteur Mortensen ne peut pas être le tueur que vous recherchez, messieurs.

— Mais, tantine...et la seringue ?

— ...contenait une solution hypertonique de chlorure de sodium ; rien d'autre que du sel. Enfin, vous n'avez pas lu les résultats du labo ? Ressaisissez-vous, docteur Jones ! Et pour l'amour du ciel, arrêtez de vous acharner sur cette pauvre femme. C'est une chirurgienne !

Et moi une infirmière...

Emma dégagea une mèche blonde de son visage oblong en soupirant d'irritation. Depuis sa dernière altercation avec sa tante, celle-ci se comportait de façon froide avec elle.

Déjà, le matin-même, elle s'en était verbalement prise à elle à propos des soins qu'elle apportait à l'un de ses patients, et ceci devant ledit patient. La cheffe la traitait comme une incompétente, juste parce qu'elle n'était pas une chirurgienne.

— Le docteur Jones se laisse facilement emporter par la psychose, ajouta Geffrah après un soupir, elle sort d'une longue garde. Je crois qu'elle devrait rentrer se reposer, maintenant. Ou peut-être...déguster des croque-en-bouches.

— Mais tantine, s'estomaqua Emma, je n'ai pas encore bouclé ma journée !

— Tantine ? la coupa Geffrah. Vous êtes dans mon hôpital, docteur Jones. Surveillez votre langage et le ton avec lequel vous vous adressez à moi ! Ici, je ne suis pas votre tante.

À quel moment l'êtes-vous ?

Emma sentit une violente onde de rage l'ébranler. Ses yeux se vitrifièrent de larmes. Un silence gênant s'établit dans le bureau, alors que les deux femmes se fusillaient du regard.

La blonde essuya ses joues rougies et acquiesça, non sans lancer un regard en biais aux deux agents tenus à un coin de la pièce. Le désodorisant automatique se mit en marche, pulvérisant dans la grande pièce ses senteurs de musc.

— Je suis une bonne infirmière, siffla Emma en essayant de retenir ses larmes. Je suis une bonne infirmière, je sais ce que je fais quand je suis au chevet d'un patient.

— Docteur J...

— ...non, je suis une bonne infirmière ! J'ai un doctorat, figurez-vous ! Je suis compétente, et je sais me fier à mon intuition. Vous me faites passer pour une envieuse prête à sacquer ses collègues sans aucune raison.

— Assez, docteur Jo...

— Quand je vous dis que le docteur Mortensen est louche, je le pense vraiment. Je suis une bonne infirmière, et je sais de quoi je parle. Tout comme je sais de quoi je parle quand je vous dis que le patient de ce matin ne répond pas au naloxone.

« Je suis une bonne infirmière, et je pense qu'il y a pire que de vous appeler « tantine » ! Des gens meurent, chaque jour dans le monde. Il y a pire que de vous appeler « tantine ». Et je suis une bonne infirmière.»

Emma termina sa tirade en s'éclipsant du bureau. Elle savait de quoi elle parlait, quand elle accusait Allison Mortensen. Ce n'était pas à tort, comme sa tante le pensait, comme tout le monde le croyait.

Et elle allait le leur prouver...

***

Warren soupira et s'appuya un peu plus contre son oreiller. Il eut une féroce envie de rigoler. Car la situation était risible. C'était à y mourir de rire. Ils étaient sur le point de s'embrasser, puis elle s'était littéralement enfuie. Elle devait être folle !

Il adorait ça.

Plus elles résistaient, plus ça lui plaisait. La docilité, ce n'était pas son truc. Après tout, pouvait-on dresser un caniche déjà apprivoisé ? Allison était sur le point de craquer pour lui. Combien de temps tiendrait-elle encore ? Avait-il suffisamment de charme pour la faire tomber dans ses bras avant de quitter cet hôpital ?

À moins que sa maladie le rende moins attirant que d'habitude. C'était peu certain. Il avait une gueule d'ange, un sourire tombeur, et de surcroit, il était plutôt pas mal à regarder. Il ne comptait plus le nombre de femmes qui avaient succombé à ses belles paroles.

Elles finissaient toujours par toutes lui courir après, obsédées, folles d'amour et de désir pour lui. Ce sentiment de puissance et d'irrésistibilité était aphrodisiaque. 

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant