LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1

CHAPITRE 26 (1)

— Vous êtes sûre de ne plus ressentir aucune douleur ? s'assura la femme qui s'occupait d'Allison.

— C'est passé, soupira-t-elle une énième fois, alors qu'on l'auscultait et palpait sa clavicule avec le plus grand des soins.

Elle fit mine de vouloir se relever, mais son médecin l'en empêcha. Elle lui intima de rester calme, en attendant que ses résultats soient prêts.

— Vous allez m'opérer ? s'étonna la blonde en reconnaissant la blouse de chirurgien que portait l'autre femme. Cette dernière avait également de courts cheveux roux taillés en une coiffure rock, et le visage anguleux illuminé par deux yeux fauve.

— Nous ne savons pas encore, répliqua-t-elle. Mais des douleurs thoraciques peuvent cacher des choses encore plus moches. Nous attendons les résultats du scan, pour nous prononcer.

Tout comme Allison s'y attendait, elle serait somme toute gardée en observation pendant au moins douze heures. C'était suffisant pour se rassurer que Warren Eastwood sorte de cet hôpital debout, et non les deux pieds devant...

— Des antécédents cardiaques dans la famille, madame...Hanover ?

— Je vous en prie, appelez-moi Jenna, sourit Allison. Je n'ai que vingt-neuf ans, vous savez ?

Le médecin répondit au sourire de sa patiente et cette dernière s'en félicita intérieurement. Yan lui avait conseillé de se comporter le plus normalement possible, si elle ne voulait pas attirer les soupçons sur elle.

Il est certes vrai que les cours d'acting n'étaient pas sa spécialité à l'Agence, mais au moins elle s'était largement améliorée, c'était le moins qu'on puisse dire.

— Vous avez reçu de nouveaux médecins ? demanda Allison d'un air désintéressé en suivant le mouvement de quelques jeunes docteurs qui sortaient de la pièce en riant à une blague que l'un d'eux avait lancé.

— Ce sont les nouveaux externes, répliqua la rousse en prenant des notes sur le dossier de la patiente. De petits oisillons inoffensifs qui deviendront des aigles plus tard...

Inoffensif, hein ?

Le mot ricochait dans la tête d'Allison Mortensen. Inoffensif, c'était assurément le dernier mot sur terre susceptible de décrire un agent infiltré de l'ACD. Car elle en était persuadée, celui désigné pour achever Warren Eastwood s'y trouvait ; même si elle ne savait pas encore de qui il s'agissait.

Il y en avait trois. Peut-être était-ce le blond un peu trop sûr de lui, qui avait cette allure typique des quaterbacks du lycée ? Allison le savait, être un chirurgien de l'Agence faisait gonfler les chevilles. À moins que ce ne soit l'autre mec, aux courts cheveux noirs bouclés. Il n'avait pas l'allure d'un brillant chirurgien, mais peut-être était-ce juste une couverture.

Ou encore...cette adolescente brune. Allison réalisa alors...c'est donc d'elle qu'Elena parlait...la jeune recrue de dix-sept ans...

— Est-ce que ça va ? demanda le médecin.

— Oui, se reprit la patiente. Je me disais juste que...dans une autre vie peut-être, j'aurais bien aimée être moi aussi... chirurgienne...

— Je suis sûr que vous auriez été une déesse du bistouri, sourit à nouveau l'autre femme. Mais pour l'instant, vous êtes une patiente.... Vous pouvez déjà commencer à faire connaissance avec votre cochambreur.

Elle tira le rideau turquoise qui ombrageait Allison. Pendant un instant, cette dernière fut aveuglée par la quantité de lumière crue qui se fit sur elle. Elle plissa des yeux, alors que son médecin s'éclipsait de la pièce. Lorsque sa vision se fut habituée au changement de luminosité, son regard se posa sur le patient alité près d'elle. Son cœur fit un bond dans sa poitrine.

Le regard...

Le regard océanique.

— C'est moi le cochambreur...sourit Warren d'un air gêné. Je me présente, Warren Eastwood...

— Jenna Hanover, susurra Allison en bafouillant presque, les yeux exorbités.

Warren et elle, dans la même chambre...se pouvait-il que le hasard fasse aussi bien les choses ?

***

Yan soupira de lassitude. Être coincé dans ce véhicule toute la journée le rendait dingue. Et dire que pas plus tard que la semaine passée, il jouait encore au golfe avec son père dans les Highlands écossais. Il se demandait pourquoi il s'était embourbé dans ce merdier.

Réapparaitre comme ça était dangereux. Ils étaient censés être morts, Alli et lui. Il suffisait qu'il soit reconnu par un pédestre, ou que l'une des caméras de la ville le fasse démasquer par reconnaissance faciale ; et là, il serait dans de beaux draps.

Il devait être prudent...

Comme si penser à toutes ces alternatives avait attiré sur lui la poisse, il entendit trois coups à la vitre de son véhicule. Il sursauta de frayeur et tourna la tête. Son regard rencontra celui d'un flic, et son cœur virevolta.