CHAPITRE 36 (1)

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— Vous avez mal ici ? demanda le docteur Chabbat en palpant les mollets d'Allison.

— Non ! cracha-t-elle.

Margaux esquissa un sourire, alors qu'elle baladait son stéthoscope sur le corps de la patiente. Elle avait un regard qui narguait, comme si ça l'amusait de constater le courroux de la jeune femme.

— Et les chevilles, ça va ?

— Putain, je vais bien ! Allez-vous-en maintenant.

Warren parut désabusé pendant un instant. Il ne comprenait pas pourquoi le comportement de Jenna avait changé aussi brusquement, lorsque le docteur Chabbat était arrivée dans la chambrette. C'était comme si l'atmosphère s'était instantanément métamorphosée. Il y avait une tension malsaine que le métis eut du mal à cerner.

— Cette ballade au parc n'était pas une bonne idée, intima Margaux. Vous deviez rester allongée au moins vingt-quatre heures après l'intervention.

— C'est de ma faute, s'excusa Warren, qui n'avait pas quitté le chevet de la patiente. Je suis désolé, docteur Chabbat, je n'aurais pas...

— Ne t'excuse pas, le coupa Allison. Arrête, Warren ! Tu ne peux pas t'excuser à chaque fois, même quand tu n'as rien fait de mal. Arrête, tu deviens lourd à la longue.

— Je peux savoir ce qui te prend ? s'indigna l'ex-patient. Je te trouve soudain très désagréable avec le docteur Chabbat, et avec moi !

— Ce n'est rien, soupira Margaux sur un ton de victime. Elle a le droit de m'en vouloir. Une erreur de résultats, ça n'arrive pas très souvent. Mais le risque zéro n'existe pas, non ? Je pensais vraiment que ces résultats étaient les vôtres. Comment aurais-je pu savoir qu'il y avait eu bévue lors de l'étiquetage des scans ? Nous allons vous indemniser pour ça ; et si vous comptez porter plainte contre l'hôpital, nous...

— Non ! s'irrita Warren. Les gens font des erreurs, parfois avec des grandes conséquences. Nous faisons tous des erreurs. Mais personne ne devrait être condamné à cause d'une seule erreur. Et ce n'est pas de la faute du docteur Chabbat, le problème vient des laborantins d'imagerie médicale.

Bien sûr que c'est la faute du docteur Chabbat, cette pestiférée !

Comment pouvait-elle lui faire comprendre que ce n'était pas une erreur, mais une tentative de meurtre ? Cette femme était une meurtrière. Elles étaient toutes deux des meurtrières. Cette conversation ne concernait pas Warren, il n'y comprenait de toute façon rien.

Il ne faisait pas partie de l'Agence...il ne savait pas tout ce dont était capable un membre de l'ACD. Il ne pensait même pas qu'en dehors d'Allison, il pouvait en exister d'autres. Sinon, il n'aurait pas pris le parti de Margaux avec autant d'engouement.

— Tu peux nous laisser seules ? lui demanda l'alitée.

— Je reste ! déclara le métis, campé sur sa position.

— Mais tu es ravagé, ou quoi ? Je te demande de sortir, Warren ! Tu ne me connais pas, je ne te connais pas, alors arrête de faire comme si c'était le cas. Arrête de vouloir t'impliquer dans ma vie, qui soit dit en passant, ne te concerne pas ! Je suis majeure et vaccinée, et nous ne sommes pas aux services sociaux ici. Alors quand je te demande de sortir de ma chambre, j'attends de toi que tu sortes de ma chambre !

Warren fixa Allison pendant un long moment, estomaqué par cette facette d'elle qu'il ne connaissait pas. Un lourd silence s'appesantit sur la pièce. L'air devint étouffant. Le métis esquissa un semblant de sourire faux, traduisant toute sa contrariété. Puis il se leva et s'éclipsa de la chambre sans se retourner.

Une fois seules, Margaux partit en fou rire en se tenant les côtes.

— Ça, c'était du grand art, ricana-t-elle en applaudissant. Quel caractère !

— Tu as essayé de me tuer, tu as échoué. Alors que fais-tu encore là ? Tu as bien dû comprendre que c'était peine perdue.

— Yannick n'a pas dû beaucoup te parler de moi. Je ne lâche jamais l'affaire. Pas tant que je n'ai pas obtenu ce que je veux.

— Tu peux toujours courir. Une chose m'intrigue quand même...comment as-tu réussi ton coup ? Comment as-tu réussi à déchiqueter ma fémorale sans que personne ne s'en rende compte ?

Margaux rigola encore en enfonçant ses mains dans sa poche.

— Yannick est encore plus cachotier que je ne le pensais. Ce gars est une mine d'informations, c'est incroyable.

— De quoi parles-tu ?

— Alors il ne t'a donc jamais parlé de ta fille...

***

— Mei ? Qu'est-ce que tu fais là ? demanda l'officier Gregory en levant le regard de son ordinateur. Je te croyais déjà au mariage.

La brune soupira en entrant au poste de police, qui était presque vide. La plupart des officiers s'étaient rendus au mariage de l'inspecteur Kruger. Mei elle-même aurait déjà dû y être, mais elle n'avait de toute façon pas la tête à faire la fête.

L'endroit était immense, avec une odeur de papier d'impression. Il y avait des bureaux alignés le long des murs, avec des fauteuils de bureau réglables. De grandes fenêtres offraient un panorama enchanteur sur la rue en face, où défilaient à vive allure des véhicules de toutes marques.

Il y avait des grandes colonnes cendrées qui supportaient le haut plafond, et des casiers métalliques s'alignaient entre les portes qui menaient à différentes pièces. Le plancher était terne, et la photocopieuse défectueuse n'arrêtait pas de siffler. Avec le temps, ce bruit s'était fondu dans le décor.

— Je croyais que tu étais le témoin de Terry. Toi, qu'est-ce que tu fais là ?

— Lui et moi on s'est brouillés ; j'y ferai un saut en soirée, mais en attendant je surveille le poste. Qu'est-ce qui se passe ?

— J'irai au mariage une fois que j'aurai réglé le cas de cet homme, cracha Mei en regardant Yan avec un air de lassitude. 

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant