CHAPITRE 4 (2)

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Yan éclata de rire en décroisant ses pieds sur la table noire. Allison quant à elle, peinait à reprendre sa respiration, le cœur battant à tout rompre.

— Bon sang, Yan, tu m'as fait flipper, merde !

— J'ai bien vu ça, s'esclaffa le mentor. Je ne savais pas que tu pouvais crier aussi fort.

— C'est ça, fous-toi de ma gueule en plus ! grogna-t-elle en entrant de nouveau dans la salle de séjour, suivie de son mentor. Laisse-moi deviner, tu as dupliqué les clés avant de me les rendre, c'est ça ?

— Je vois que tu n'as rien perdu de ta perspicacité, siffla-t-il en se dirigeant vers le bar.

Il actionna l'interrupteur et les rebords du miroir au-dessus des bouteilles de whisky s'illuminèrent, éclairant la verrerie de leur lueur orangée. Le châtain se servit un verre de Campari avant de s'emparer de quelques glaçons dans le mini-frigo à ses pieds.

— Je n'apprécie pas vraiment que tu te prennes pour mon coloc, tonna Allison en se recouvrant le corps d'une nuisette blanche.

— Sale journée, hein ?

— J'ai l'air d'avoir eu une bonne journée ?

Son mentor l'ignora et se servit un autre verre de whisky, avant de humer l'odeur amère des herbes aromatiques.

— Je devine que tu n'es pas venu jusqu'ici pour un verre de Campari. Qu'est-ce qui t'amène, Yan ?

— La bonne question c'est « qu'est-ce que t'amènes, Yan ? », rectifia-t-il en fouillant la poche de son jean.

Il en sortit un minuscule flacon de verre rempli d'une liqueur semblable à de l'urine.

— C'est quoi ce truc ? s'intéressa Allison en s'approchant de son mentor.

— Ce flacon contient un mélange de ricine, de cyanure et d'autres composants chimiques, répondit-il. C'est une toxine expérimentale mise sur pied par les meilleurs laborantins de l'Agence. Ça te simplifiera énormément la tâche. Tu en injectes au patient, il est mort en quelques heures tout au plus. Le gros avantage c'est que ce produit ne laisse aucune trace dans le sang.

— Tu penses que je suis incapable de tuer Warren sans ton aide ? s'indigna Allison, fusillant son mentor du regard.

— Je sais que t'en es capable. Mais après les évènements d'aujourd'hui, mieux vaut ne prendre aucun risque. Demain, tu injectes cette toxine à la cible avant qu'elle n'entre au bloc. Elle mourra sur le billard d'un arrêt cardiaque, et tu n'auras rien à faire pour cela. Tu ne seras même pas en salle d'opération, alors aucune chance qu'on te suspecte...

— Reçu cinq sur cinq, mon capitaine, ironisa Allison. Maintenant, tire-toi de chez moi. Je t'ai dit que je tuerai Warren Eastwood, et je le ferai ! Tu as ma parole que je le ferai...

***

Le lendemain, Allison s'éveilla à la sonnerie de son réveil. Elle laissa tomber sa nuisette et se dirigea vers la cuisine, où elle s'empara d'une pomme rouge dans la corbeille en osier. Les fruits avaient été posés là depuis deux jours, et commençaient à s'amollir et à noircir.

Le soleil matinal filtrant à travers les rideaux bordeaux de la grande fenêtre brillait sur sa peau blanche comme celle d'un cadavre. La chirurgienne s'engouffra ensuite dans la salle de bain, alors que la sonnerie de son réveil vrombissait toujours dans la maisonnée vide.

Pendant que l'eau froide coulait sur sa peau et qu'elle croquait bouchée après bouchée dans sa pomme à moitié avariée, elle songea qu'elle devait tout faire pour terminer la mission Warren Eastwood aujourd'hui même. Elle ne pouvait s'empêcher de penser au cadavre du jeune homme, rigide, figé dans toute sa splendeur.

Hier, elle l'avait rencontré en face et elle avait lu dans son regard un élan d'amour impétueux, sommaire, brûlant. Il l'aimait, pensa-t-elle en souriant. Il l'aimait, et elle aimait l'idée qu'il serait sienne une fois décédé. Elle s'émoustillait déjà de cette marotte. Mais pour ça, il lui fallait d'abord accomplir sa mission, et le plus tôt possible.

Dans toute l'Agence, elle était connue pour faire trembler étudiants et professeurs. Elle avait passé dix-sept ans à asseoir sa suprématie à l'ACD, il était hors de question qu'elle se décrédibilise lors de sa première mission. Elle avait forgé une réputation, qu'elle était désormais forcée de maintenir.

Coûte que coûte...

Lorsqu'elle sortit de la douche, elle s'avança toute suintante d'eau vers le flacon de poison que Yan lui avait laissé la veille. Bien sûr qu'elle pouvait tuer Warren sans. Il y avait au moins mille façons de le faire. Ivd de diurétique, perfusion d'insuline, chlorure de potassium, il y avait tant de façons de tuer médicalement.

Mais avec le docteur Jones dans ses bottes, cette toxine était probablement sa meilleure chance d'en finir...elle n'avait plus beaucoup de temps devant elle, songea-t-elle en serrant le flacon entre ses mains humides. Il fallait qu'elle agisse...

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant