CHAPITRE 20 (2)

5 1 0
                                    


***

— Je suis désolé, Kate, mais je ne te crois pas.

— Puisque je te le dis, Warren ! On en parle dans tout l'hôpital. C'est une infirmière de bloc qui en discutait avec un laborantin à la cafétéria. Je l'ai moi-même entendu, elle a essayé de te tuer.

Warren soupira de lassitude. Sa jugulaire battait si fort qu'elle aurait été capable d'exploser dans son cou. Le jeune homme serra les dents pour ne pas exploser de rage contre son ex.

Il lui disait qu'il avait flashé sur une fille, et tout ce que Kate trouvait à répondre c'était que la fille en question était une mercenaire qui voulait le tuer. Elle débloquait complètement, cette hystérique !

— J'ai toujours su qu'elle n'était pas nette, dicta Kate en secouant tristement la tête.

— Putain, mets-la en sourdine ! Y en a marre de tes conneries. Tu pourrais quand même essayer de faire semblant d'être heureuse pour moi, au lieu d'inventer des histoires sordides...

— Qu...quoi ?

— Je sais très bien ce que tu fais, continua Warren. Je sais que tu n'as pas tourné la page sur notre histoire ; mais putain, ça ne te donne pas le droit de raconter des conneries pareilles !

— Des conneries ? s'indigna-t-elle.

— Oui, des conneries ! Tu es folle, à inventer des trucs comme ça, franchement. J'en attendais tellement plus de toi...

— J'ai toujours été là pour toi ! s'énerva à son tour Kate. Là, tu me traites injustement de menteuse et de jalouse compulsive, ce que je ne suis pas.

— Bien sûr que tu l'es ! Tu oublies pourquoi on a vraiment dû se séparer ?

Kate sentit cette cinglante remarque s'insinuer en elle comme un couteau dans son dos. Aucun mot n'aurait pu traduire la douleur fulgurante qui la traversa de haut en bas. Elle faillit s'effondrer. Une larme roula sur sa joue.

La chambrette était devenue subitement calme, et la brune pouvait entendre son cœur se fractionner en mille tessons dans son thorax. Elle en ressentit des vertiges. Étourdie, elle s'enfuit de la chambre en se promettant de ne plus jamais revenir.

Encore.

À peine fut-elle dehors, que Geffrah Winfrey entrait à son tour dans la pièce, le visage grave. Elle était accompagnée de sa nièce, dont la bosse causée par le brusque recul de l'arme, rougeoyait encore plus sous la vive lumière du soleil matinal.

— Comment avez-vous passé la nuit ? s'enquit la cheffe avec un sourire factice. Warren se contenta d'acquiescer, trop en colère pour prononcer un mot. Monsieur Eastwood, nous...nous devons vous parler...

Il regarda tour à tour Emma et Geffrah, comprenant peu à peu l'ignoble vérité.

— Non, souffla-t-il, le regard exorbité. Non, ne me dites pas que tout ça est vrai...

Les deux femmes baissèrent le regard et ne réfutèrent guère. La colère du métis se transforma très vite en rigolades.

— Non, continua-t-il en ricanant, elle m'a...elle m'a sauvé la vie ! C'est elle qui m'a sauvé la vie, à de maintes reprises. Elle n'était pas ici pour me...pourquoi voudrait-elle me tuer ? se moqua-t-il. Ça n'a aucun sens, voyons !

— Malheureusement, si...répliqua la cheffe.

La rigolade devint tristesse.

— Elle n'aurait jamais...enfin, elle n'était pas ici pour mettre fin à ma vie ! Sinon, ça fait longtemps que je serais mort. Vous mentez. Vous...vous racontez tous des histoires !

La tristesse devint détresse.

— C'est grâce à elle que je vis encore, et vous le savez. Vous-même me l'avez dit, qu'elle m'avait sauvé la vie au bloc. Et pas plus tard qu'hier, elle m'a évité une mort subite. Vous l'avez oublié ?

— Nous ne pouvons pas expliquer tout cela, certes, tonna Emma, mais hier, je me suis introduite en douce dans son appart. Oui, j'y suis entrée par effraction, car j'avais des soupçons. Et j'ai...j'ai trouvé un cadavre dans sa baignoire. Je vous promets que je n'invente rien, il y avait un homme dans sa baignoire, nu et éventré, ses organes hors de lui.

— Elle n'aurait jamais...elle ne m'aurait jamais fait ça...

La détresse devint désespoir.

— Actuellement, elle est en fuite, ce qui corrobore nos dires. Nous sommes désolées. Vous serez dédommagées pour cet...

— Elle n'aurait jamais fait ça, hurla Warren. Vous mentez !

Et le désespoir devint déni.

— Vous mentez ! Arrêtez tous de vous acharner sur cette pauvre femme, elle ne m'a rien fait du tout. Mais merde, à la fin !

— Nous sommes désolées, se navra Geffrah en sortant de la pièce, suivie de sa nièce.

Cette dernière aussi avait compris que Warren Eastwood était en pleine crise de déni ; dans cette situation, il serait impossible de lui faire entendre raison.

Car non, il ne voulait ni ne pouvait accepter tout cela. Il songeait qu'il devait avoir une explication tangible à cette situation. C'était un malentendu, tout simplement. Allison n'avait jamais tenté de lui ôter la vie.

Il n'était pas sûr de tout ce qu'on lui racontait aujourd'hui ; mais s'il était sûr d'une seule chose, c'était que sans elle, il serait depuis longtemps mort. Jamais il ne la condamnerait. À ses yeux, elle n'était pas le monstre que tous dépeignaient...

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant