C'était une belle journée qui s'était annoncée sur la ville. Après le mauvais temps de la veille, ça faisait tellement de bien de revoir le soleil pointer le bout de son nez. Personne n'aurait pu en être plus ravi qu'Emma Jones. Pour elle, c'était la preuve irréfutable que tout allait bien se passer. Elle en avait besoin.La blonde s'approcha de la fenêtre de sa chambre, se pencha vers le rebord, et laissa la douce brise d'altitude caresser son visage. Le beau temps après la pluie, il n'y avait vraiment rien de mieux.
Devant ses yeux, s'étendaient tout Londres et ses bâtiments encore trempés. Dans le ciel bleuâtre voyageait une nuée de passereaux, qui disparaissait de temps à autre à travers les nuages lactés. Aujourd'hui, le temps était beau. Aujourd'hui, tout serait beau.
Emma enfila son peignoir mauve et ses pantoufles, et descendit les escaliers de bois en colimaçon qui menaient au rez-de-chaussée. Là, elle trouva Beck en pleine discussion avec Terrence autour d'un café. Une odeur de crêpes avait envahi la salle à manger en bois clair.
— La reine de la journée ! s'écria son fiancé en la voyant faire son apparition.
— Je ne t'ai pas entendu te lever, releva-t-elle en lui offrant un langoureux baiser. Elle salua ensuite l'organisatrice de son mariage, vêtue de son éternel tailleur sombre.
— Beck m'expliquait justement les grandes lignes de la cérémonie. Je ne retiens jamais ces choses-là. Des pancakes ?
Emma remercia son fiancé, alors qu'il fonçait vers la cuisine servir une assiette pleine de pancakes qu'il avait cuits le matin-même. Pendant ce temps, les deux blondes discutaient du déroulement de la fête, des horaires, des honoraires, rien n'échappa aux derniers récapitulatifs.
— Il faut que la cérémonie religieuse soit terminée à douze heures, ça ne doit surtout pas traîner, dicta Beck. Nous avons finalement pu tabler sur un budget de mille livres sterling pour les photographes. Dans trente minutes, nous nous rendons chez l'esthéticienne chez qui la robe a déjà été apportée. Enfin, j'ai finalement reçu la confirmation de votre suite réservée pour la nuit de noce à Ibiza.
— C'est parfait, affirma Emma alors que son fiancé posait une tasse de café et une assiette remplie devant elle. Les invités ont-ils tous confirmé leur présence ?
— À une exception près. Il nous manque celle de...votre tante. Mais peut-être n'a-t-elle simplement pas jugé nécessaire de le faire...
Emma s'empara du téléphone et appela la cheffe dès l'instant suivant. Cette dernière prit l'appel à la première sonnerie.
— Docteur Jones ?
— Bonjour...docteur Winfrey. Je vous appelle parce que...je crois que vous avez oublié de confirmer votre présence à mon mariage.
— Je n'ai pas oublié, dicta Geffrah, je ne serai pas là.
— Quoi ? s'estomaqua Emma. Vous êtes censée me conduire à l'autel !
— Malheureusement, vous devrez trouver quelqu'un d'autre, je suis navrée. Je ne peux pas quitter le Widburton, sachant que votre mariage a déjà dû mobiliser plus de la moitié du personnel de mon hôpital.
— Vous ne pouvez pas vous désister comme ça, sans préavis ! Vous êtes la dernière famille qu'il me reste, s'écria la future mariée. Qui va donc me conduire à l'autel ?
— Votre mère, par exemple.
C'était un coup en dessous de la ceinture.
— Ma mère, docteur Winfrey ? Ma mère ? Ma mère est une alcoolique chronique. Vous proposez que je l'amène à un endroit bourré d'alcool ? La dernière fois qu'elle est allée à une fête, on l'a retrouvé sous une table, baignant dans sa propre urine !
— J'ai un hôpital à diriger, docteur Jones.
— Votre hôpital ne va pas tomber en ruines si vous vous absentez pendant deux putain d'heures.
— Ce n'est qu'un mariage, s'irrita Geffrah. Il s'agit d'un simple « oui » et d'une signature, pas de quoi en faire tout un drame. Des gens meurent, docteur Jones. Des gens meurent chaque jour. Et ce n'est pas parce que vous vous mariez aujourd'hui, que la mort est en mode pause. Même aujourd'hui, des gens tomberont malades et d'autres mourront. Alors c'est terriblement malséant et grossier de piquer une crise parce que vous avancerez vers l'autel seule.
Elle raccrocha, laissant sa nièce en plein désarroi. Emma saisit alors que ce ne serait peut-être pas une aussi bonne journée que ce à quoi elle s'attendait...
***
La dernière fois qu'il avait passé une aussi mauvaise nuit, c'était dans les bois derrière la maison de Mei. Il était blessé physiquement, blessé psychologiquement, et le cœur brisé. Ensuite, il avait réussi à s'en sortir. Il s'était enfui en Ecosse dans la maison secrète de ses parents, prêt à tourner la page.
Puis il avait fallu qu'il revienne ici, qu'il retombe sur elle, et qu'il décide d'aller lui rendre une visite nocturne sous la pluie ; pour finalement se rendre compte qu'elle avait bel et bien refait sa vie.
Ce n'était pas plus mal, vraiment pas plus mal.
Yan essayait de s'en convaincre depuis hier soir. Il avait passé la nuit à essayer de s'en convaincre. En vain. Il ne voulait pas la perdre, pas de cette façon. C'est vrai, en un sens il ne pouvait pas l'avoir. Il était un criminel, elle une justicière. Ça, il le savait. Et dès ce soir, il serait déjà retourné dans les Highlands écossais, loin d'elle. De toutes les façons, c'était fini même avant d'avoir commencé.
Ce n'était pas plus mal, vraiment pas plus mal.
Yan se regarda à travers le rétroviseur de son véhicule. Il avait vraiment une sale mine. Il avait dormi pendant deux heures à peine, sur ce siège qui lui avait à présent courbaturé le dos comme jamais auparavant.
Il songea qu'il lui fallait un café, mais se sentit trop épuisé pour mettre le pied hors du véhicule. Et pourtant, il faisait beau là dehors. Ça lui aurait fait du bien de se dégourdir les jambes et de profiter de l'air frais. Mais à quoi bon ? Tout ce qu'il voulait c'était ficher le camp d'ici, et le plus vite possible.
Il alluma sa radio et se laissa emporter par la musique en fermant les yeux. C'était I want to hold your hand des Beatles. Il haussa le volume à fond et les ondes sonores commencèrent à faire vibrer le véhicule en entier.
Quand il rouvrit lesyeux, elle se tenait devant lui. Le cœur du chirurgien fit un bond dans sapoitrine. Elle était à une soixantaine de mètres et avançait vers sa direction.
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LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1
Mystery / ThrillerAllison Mortensen fait partie de l'Agence des Chirurgiens de Dieu, une organisation criminelle formant secrètement des chirurgiens à l'art de tuer. Quand la jeune femme reçoit sa toute première mission à Londres, elle ne se doute pas de ce qui l'att...