CHAPITRE 6 (1)

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Warren Eastwood avait passé une nuit agitée. Les hôpitaux, ça n'avait jamais vraiment été son truc. C'était morbide. Ça lui rappelait la période ayant précédée le décès de sa mère, puis de son père. Il avait l'habitude de trainer aux urgences, mais jamais il ne s'y était habitué.

Quand le cancer de sa mère s'était déclaré, il n'avait pas directement compris ce que cela impliquait. La maladie avait été diagnostiquée au stade 4, avec métastases au foie, aux deux reins, aux poumons et à l'estomac. Tabitha avait donc été hospitalisée, condamnée à rester clouée dans un lit jusqu'à ce que mort s'en suive.

En y repensant, Warren sentit des frissons le parcourir. Ces souvenirs étaient encore trop proches, trop présents. Il avait évité ce lieu aussi longtemps que possible, repoussant sans cesse son opération ; là, il ne pouvait plus se défiler. Il lui fallait d'urgence un pacemaker.

Quand il l'aurait, il déguerpirait d'ici, se prendrait des vacances au bord de la mer avec de tas de filles, le docteur Mortensen aussi, et plus jamais il ne remettrait les pieds dans un hôpital. C'était vraiment pas de chance. Ici, draguer était d'une difficulté déconcertante.

Il avait besoin de divertissement. À la pépinière, c'était facile ; il n'avait qu'à offrir un bouquet, avec de belles sornettes à l'appui, et il était à peu près sûr de la mettre dans son lit. Ici, il n'y avait pas de bouquet à offrir, et les lits étaient une place. Mal lui en prenait.

La porte de sa chambre s'ouvrit, et il tourna le regard en direction de la nouvelle venue. Il reconnut à la seconde la chirurgienne aux cheveux bleus qui venait d'entrer dans la pièce. Son visage pâle sembla s'illuminer un peu.

Enfin.

— Bonjour, sourit-il.

— Bonjour, répondit Allison qui sentit son cœur s'accélérer sans qu'elle ne puisse expliquer pourquoi.

C'était la première fois de sa vie qu'un homme la regardait comme ça, avec ce mélange d'amour et de désir. Warren l'aimait, c'était certain. Il était amoureux, et c'était plaisant de se sentir aimé. Elle commençait déjà à s'imaginer toutes les choses qu'ils auraient pu faire, puis toutes les choses qu'elle ferait une fois qu'il serait trop mort pour prendre les choses en main.

Bien sûr, ce n'était que des fantasmes tirés de son imaginaire brisé. Car en réalité, les faits étaient clairs. Warren était sur le point de mourir. Et qu'il l'aime ne changerait en rien le destin.

— Votre sat est à peu près bonne, mais votre tension est faible. Comment avez-vous passé la nuit ?

— Ce n'était pas terrible, répliqua Warren. Je croyais que vous n'étiez plus mon médecin.

— Un simple malentendu, minauda Allison. Ils m'ont redonné votre cas. Nous allons vous préparer, puis vous conduire au bloc. Ça va se faire aujourd'hui.

— Je suis heureux que ce soit vous, et personne d'autre...

Allison émit un gloussement nerveux qui la surprit elle-même. Pourquoi était-elle à ce point troublée ce matin ? Que lui arrivait-il ? Ce n'était pas elle l'amoureuse. Non, elle était l'objet que ce damoiseau convoitait. Il l'aimait, tellement ! Il la désirait, ça se voyait dans ses prunelles claires. C'était ses sentiments à lui, ça ne devait pas interférer dans sa mission.

Elle devait rester concentrée. Elle devait rester professionnelle. Même si Warren Eastwood était tout à fait le genre de mec dont elle avait envie, elle ne devait pas oublier que sa mission était de le tuer ; pas de flirter avec lui.

L'un excluait-il l'autre ?

Elle ne devait pas, un point un trait.

Elle enfonça la main dans sa poche et en sortit le flacon au liquide jaunâtre. Elle remplit une seringue entière du poison, s'approcha du patient puis ouvrit le cathéter de ce dernier, alors qu'il était occupé à déblatérer sur la météo clémente de ce jour-là.

Tu peux le faire.

Elle se promit d'y aller à trois.

Un...

— Au fait, j'adore vos cheveux, affirma Warren de sa voix rauque. La couleur bleue...vous va à ravir. Ça ressort le vert de vos yeux...

— Oh...merci...les vôtres aussi ne sont pas trop mal.

Deux...

— Votre petit-ami doit vraiment aimer cette... cette texture.

Très discret !

— Non, gloussa la jeune femme en faisant mine de vérifier la perfusion. Non, aucun petit-ami en vue.

— Pourquoi ? Je suis sûr qu'il y a des dizaines d'hommes qui font la queue devant votre porte ! Moi, je la ferais bien...

Ils partagèrent un regard plein de sous-entendus, alors que la tension sexuelle s'appesantissait brusquement dans la pièce.

Trois...

***

Terrence Kruger n'avait jamais douté de la perfection de sa fiancée. Emma était irréprochable, de long en large, aussi bien physiquement que sur tout le reste. Parfois, à ses côtés, il avait l'impression d'être gauche, de ne pas être assez bien.

Il ne doutait pas de ses capacités, loin de là. Il était un excellent flic, fin cordon bleu, et doté d'un physique qu'il savait entretenir. Lui aussi sauvait des vies chaque jour. En un sens, Emma et lui se ressemblaient à bien des égards. Ils étaient destinés à être ensemble. 

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant