CHAPITRE 33 (1)

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Yan gara son véhicule un peu plus loin de celui de Mei et la vit accourir vers sa porte sous la pluie dru. Elle l'ouvrit et s'engouffra dans sa maison. Il ne l'aperçut que pendant une poignée de secondes, mais le cœur du châtain cognait fort dans sa poitrine.

Tellement de souvenirs étaient remontés en très peu de temps. Il n'y avait plus aucun doute, il s'était épris d'elle. Il avait tout fait pour l'éviter, mais voilà...c'était déjà arrivé, et il ne pouvait plus rien y faire à présent. Franchement, était-ce réellement possible de tomber amoureux aussi vite ?

Il voulait tellement la revoir, l'entrapercevoir, juste pour un instant. C'était probablement la dernière fois qu'il la voyait avant de disparaître à l'autre bout du monde.

Mais d'un côté, il se disait qu'il n'avait pas besoin de prendre ce risque. Elle le croyait mort, disparu à jamais de sa vie. Le mieux était sans doute qu'il le reste.

L'orage qui s'abattait sur Londres était sans nulle autre pareille. Le vent torturait et ployait les arbres de la forêt derrière la maisonnée. Il y avait un épais brouillard qui flottait au ras du sol, et les cieux noirs étaient zébrés d'éclairs.

Au bout d'un moment, une autre voiture passa près de la sienne en stationnement, et alla se garer dans l'allée devant chez Mei. Yan fronça les sourcils. C'était une Maserati jaune dont la carrosserie luxueuse scintillait sous l'eau de pluie et au gré des éclairs dans le ciel.

Qui était-ce ?

Comme pour répondre à sa question, un homme sortit du véhicule en déployant au-dessus de sa tête un parapluie argenté. Il était vêtu d'un pull de cachemire azuré et d'un jean noir. Même de loin et malgré le brouillard ténébreux, Yan reconnut à son poignet une Rolex dorée.

C'était qui ce mec ?

Il ouvrit la portière arrière et porta la fille de Mei dans ses bras, puis se précipita vers l'entrée principale de la maison. Yan s'attendait à ce qu'il appuie sur le carillon, mais ce ne fut pas le cas. Le brun sortit une clé de sa poche et ouvrit la porte avant de s'y engouffrer.

Mais putain, c'était qui ?

Non, il devait en avoir le cœur net. Il sortit de sa voiture et fut trempé en un quart de seconde. Un long frisson lui ébranla l'échine, lorsque le vent froid s'engouffra dans son blouson carrelé. Il commença à avancer. Ses bottes faisaient des clapotis sur le goudron trempé. En cette nuit diluvienne, le quartier était d'un calme effrayant.

Yan continua de marcher vers la maison, jusqu'à arriver près de la Maserati jaune. Il se dissimula derrière. De là où il était, il pouvait voir à travers la fenêtre du salon. Il déglutit. D'abord, il n'y eut personne dans son champ de vision. Puis, quelqu'un apparut. Le conducteur de la Maserati. Il était torse nu.

Qui était-ce, nom de Dieu ?

Bientôt, Mei vint le rejoindre. Et ils s'embrassèrent. Là, devant ses yeux, ils s'embrassèrent d'un baiser passionnel. Yan sentit quelque chose se briser en lui. Il soupira de douleur et de déception. Un grand coup de tonnerre fit trembler les murs de la maison.

Elle avait refait sa vie...et elle avait raison...

Il tourna les talons dans la pluie, le cœur brisé. Au moins, il pouvait s'en aller sans craindre de l'abandonner. Ça faisait longtemps qu'elle l'avait de toute façon oublié. Il ne fallait pas qu'elle sache qu'il était là...

Mais elle le sut. Parce qu'elle l'avait vu. Alors qu'il retournait vers sa voiture, elle l'avait aperçu à travers la fenêtre. Et elle avait reconnu le mexicain de ce matin-là. Il croyait par deux fois qu'elle ne l'avait pas remarqué, mais les deux fois elle l'avait remarqué.

Et elle se promit d'en avoir le cœur net le lendemain...

***

— Alors, si je comprends bien, tu as toi aussi échoué.

Iris aurait pu se jeter sous un camion à l'instant même. Elle détestait ce mot « échouer ». Il n'y avait aucun mot qu'elle détestait autant que celui-là. Et Easton continue de le psalmodier, comme s'il essayait de la faire craquer.

— Je n'ai pas échoué, grogna-t-elle entre ses dents, arrête de dire que j'ai échoué !

— Mais mon frère est encore en vie, alors tu as échoué.

— Arrête de répéter ça ! s'énerva-t-elle. Envoie-moi le jet, il faut que je rentre.

— Tu as échoué, tu ne fais donc plus partie de l'Agence...

— Putain, Easton si tu oses encore dire que j'ai échoué, je te sectionne la bite avec une lame de dix, et tu auras désormais besoin d'un implant pénien en titan pour pouvoir à nouveau conclure. Et je ferai toujours partie de l'Agence, tu le sais et je le sais. Alors laisse tomber ce discours ennuyeux de chef, et envoie moi le jet.

— Ce n'est pas drôle, Iris...

— Je sais bien ! miaula-t-elle. Je ne te dis pas à quel point j'étais dégoutée quand il a fallu signer son autorisation de sortie. J'étais à deux secondes d'y arriver. Et dire que j'ai dû embrasser ce fossile pour rien.

— Tu as fait quoi ? s'énerva Easton. Alors c'est une spécialité pour toi, tu couches pour arriver à tes fins. Salope !

Il raccrocha avant qu'elle ne puisse placer un mot. La brune regarda son téléphone d'un air estomaqué, prête à l'écraser contre le perron humide. Elle pesta en tapant du pied, éclaboussant son jean gris d'eau de pluie.

Elle tempêta encore plus fort, en murmurant des jurons effroyables. Il pleuvait toujours des cordes, et elle s'était mise à l'abri sur le perron devant l'hôpital. Quelque chose lui disait qu'Easton n'enverrait pas le jet. Elle devrait donc se débrouiller. 

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant