CHAPITRE 9 (2)

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Lorsque Geffrah Winfrey se retira, Allison médita encore longtemps sur les paroles de cette dernière, les yeux fixés sur le patient endormi. Tout compte fait, la cheffe n'avait pas tort. Laisser Warren en vie n'était qu'une erreur, une simple erreur. Mais elle n'allait pas rester bloquée sur cela. Elle allait ressaisir sa chance lorsque l'occasion se présenterait.

Elle allait remonter en selle...

***

Londres était la ville du chic, du romantisme et du royal. Yan McFarland s'en rendait compte, assis au balcon du Revenge, ce petit café élégant pas loin de l'hôpital. La vue était splendide par ici. C'était l'heure de pointe, et une foule avait envahi l'entrée du métro au bas de la rue.

Au loin, un ferryboat naviguant sur les claires eaux de la Tamise disparaissait sous un pont de pierre. Le Big Ben émergeait entre les arbres émeraude au loin, avec sa grande horloge qui semblait figée dans le temps. Il faisait un peu frais, alors que le coucher du soleil colorait le ciel de teintes mordorées. Une violoniste se donnait en spectacle au coin de la rue, et sa douce musique attirait de plus en plus de monde.

Au départ, Yan avait été réticent à accepter l'invitation de Mei Xiang ; mais là, il ne regrettait pas. En face de lui, dans sa robe bleue et les cheveux ramenés sur le côté, elle était plutôt ravissante. Lorsqu'elle croisa son regard café, elle sourit à pleines dents.

Un serveur posa deux tasses de cappuccino sur la table, et l'odeur du café crémeux s'immisça entre eux. Mei gloussa en découvrant que des cœurs avaient été dessinés dans la mousse de leurs boissons de caféine.

— Alors, docteur Labrume. D'où venez-vous ?

— Je suis né en Ecosse, expliqua-t-il en s'emparant d'une gaufre dans l'assiette au milieu d'eux. J'y ai vécu toute mon enfance, mais j'ai fait mes études en France...et toi ?

— Je suis née à Hubei à Wuhan, et j'y ai vécu la majeure partie de ma vie. J'ai étudié à la Southeast University de Nankin, et j'ai déménagé pour l'Angleterre l'année passée.

Une gaufre après l'autre, ils firent longtemps connaissance. Peu à peu, la nuit s'établissait sur la ville. La violoniste avait depuis longtemps pris la poudre d'escampette, et les lumières de la ville se reflétaient sur la Tamise comme des étoiles qui flottaient au-dessus de la ville.

Bientôt, le café ferma, et les deux tourtereaux continuèrent la soirée dans l'appartement cosy de Mei. Profitant du fait que la fille de cette dernière dormait, ils jouirent de la nuit pour faire connaissance.

Puis, ce qui avait commencé comme un simple jeu d'action ou vérité autour de quelques bières, se transforma bien vite en ébats mortels. Les deux chirurgiens baisèrent comme des bêtes sauvage sur le grand canapé rouge ; puis sur le tapis aux motifs chinois ; enfin dans la chambre à l'étage.

Jamais une partie de sexe n'avait paru si exaltante pour Yan. La complicité que Mei et lui venaient d'acquérir dans ce lit dépassait de loin l'entendement. Mais une petite voix dans la tête du châtain ne cessait de lui rappeler que ce flirt ne pouvait servir à rien. D'ailleurs, dans quelques heures, il serait de retour à Paris, à enseigner à des recrues qui ne savaient même pas différencier un estomac et un rein.

— Sérieux, gloussa Mei en se remettant de son troisième orgasme, comment se fait-il que tu sois encore célibataire ? Je serais prête à perdre mon foie pour un mec comme toi.

— Si tu veux tout savoir, avoua Yan, il fut une époque où j'étais marié. C'était une neurochirurgienne, une femme comme on n'en croise qu'une fois dans une vie. Séduisante comme le diable, douée comme Dieu, vivre avec elle c'était le paradis et l'enfer en même temps.

— Et qu'est-ce qui s'est passé ?

— Elle a perdu les pédales, dit-il avec une teinte de déception dans la voix. Elle a tout bonnement pété les plombs, et a failli entrainer tant de personnes dans sa chute...

Parler de sa femme était loin d'être une bonne idée. Les souvenirs affluèrent dans son cerveau avec une vague de tristesse. Même s'il n'en parlait pas souvent, il n'avait jamais réellement tourné la page sur ce qui s'était passé entre eux. La Nouvelle-Orléans avait marqué le début et la fin de leur relation, dix-sept ans plus tôt. Ce qui s'y était passé, il en faisait encore des cauchemars.

— Est-ce que ça va ? demanda Mei en collant contre lui son corps nu et chaud.

Il se dégagea brusquement et se releva.

— Je suis désolé, dit-il en enfilant son boxer, il faut que je parte.

— Gérôme ?

— Non, Mei. Je...je ne peux pas m'engager dans une relation maintenant. Tu comprends, je n'ai pas la force pour ça. Il faut que je parte. Je suis désolé...

Il enfila ses vêtements à la hâte et sortit de la maison comme s'il avait le diable aux fesses. Lorsqu'il déboucha dans la rue déserte d'Epping New Road, la lueur des lampadaires au bord de la route avait remplacé la lumière vespérale mourante.

Au coin de la rue, un chat se baladait tout fier avec le cadavre d'une souris dans la bouche. Le médecin enfonça ses mains dans les poches de son jean et fila en direction de la station de taxis la plus proche. Au bout du compte, c'était peut-être mieux ainsi. Entre Mei et lui, il ne pouvait rien avoir. Il n'y aurait jamais rien, fin de la discussion.

La sonnerie de son bipeur le tira de ses pensées. C'était celui de l'ACD. Il le prit et l'examina. Son regard s'agrandit, lorsqu'il réalisa que c'était un code noir. Une boule explosa dans son ventre. Le code noir était celui utilisé pour mettre en garde contre une grave menace ou un engin explosif...

Qu'était-il arrivé à l'Agence ?

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant