Un lourd silence s'établit entre les deux interlocuteurs. Allison ramena sur le côté les mèches blondes de sa perruque. Puis elle ajusta les grosses lunettes rondes devant ses yeux. Elle était plutôt satisfaite de son changement physique.Avec ses photos placardées partout, elle n'aurait jamais pris le risque de revenir à Londres sous sa véritable identité. Grâce à l'expertise de l'ami esthéticien d'Elena, elle était devenue quelqu'un d'autre.
Il lui avait fourni quelques pilules qui avaient permis de rendre son teint aussi hâlé que celui de quelqu'un un peu trop resté allongé sur les plages hawaïennes. Un peu de peau synthétique et d'injection de produits de laboratoire, la voilà devenue quelqu'un d'autre.
C'était loin d'être un simple déguisement, plus rien ne la liait à son apparence de départ. Renard McFarland s'était démerdé pour leur trouver de faux passeports et de faux papiers pour coller à leurs nouvelles identités, à Yannick et elle. Il avait d'ailleurs plaisanté en disant que, d'habitude, il faisait ça pour les gens qui voulaient sortir des embrouilles, pas pour ceux qui voulaient y entrer.
Mais Allison était formelle. Elle avait refusé de lutter davantage contre ce qu'elle était et ce qu'elle ressentait pour son ancien patient. À chaque fois qu'elle pensait à Warren, il y avait ce nœud qui étreignait son ventre. Elle ne savait pas quand c'était arrivé, mais quelque part entre le début et la fin de cette mission, elle avait elle aussi commencé à l'aimer.
— D'après Elena, siffla-t-elle en s'adossant contre un arbre, le rendez-vous de Warren est prévu pour huit heures. Et il devrait être sorti d'ici la fin d'après-midi, si tout se passe bien. C'est entre ces quatre murs qu'il sera le plus vulnérable. Mais nous ne devons pas négliger ce qui se passe en extérieur. Et c'est là que tu interviens.
Yan soupira à nouveau de lassitude. Il se débarrassa d'une feuille orangée qui était tombée dans ses longs cheveux noirs de jais. Lui aussi était devenu quelqu'un d'autre. Longue chevelure, visage ciselé, nez épaté, moustache grasse, lentilles vertes et grosses lunettes qui augmentaient son regard étiré.
L'automne avait fait son apparition sur la ville. Un peu trop tôt, d'ailleurs. Le vent soufflait fort, ébouriffant la crinière blonde d'Allison.
— Si jamais il y a du mouvement dehors, je veux être mise au courant. La police, les renseignements, l'Agence, rien ne doit m'échapper.
Yan acquiesça, l'air de faire la moue. Puis, toutes les modalités conclues, il fit la bise à Allison avant de retourner dans sa voiture noire garée dans une autre file indienne en bordure de route.
Allison quant à elle avança vers le Widburton, emmitouflée dans un manteau noir au-dessus de son démembré gris et son pantalon de cuir rouge. Elle traversa le jardin, longea l'allée, salua deux policiers qui se tapaient une petite causette matinale autour d'un café, puis franchit les portes de l'hôpital.
Elle sentit un choc la traverser, faisant face à un flux violent de souvenirs. Tellement de temps était passé, depuis la première fois où elle avait passé cette porte vitrée. Hier, elle y entrait en tant que chirurgienne...mais aujourd'hui...
(La jeune femme poussa un faible cri factice et s'effondra, la main sur la poitrine. En deux temps trois mouvements, elle était chargée sur un brancard qui roulait vers le service de pneumo-cardiologie.)
...aujourd'hui, elle s'infiltrait en tant que patiente...
***
Warren n'osait pas le dire, mais il se sentait mal à l'aise. Cet endroit fleurait le mal et la mort. Cet hôpital avait tant de bons et de mauvais souvenirs. En effet, entre ces quatre murs rôdait l'âme d'un amour nourri d'espoirs et mort trop tôt.
— Détendez-vous, c'est juste un examen de routine. Votre admission s'est faite dans le plus grand des secrets. Et nous sommes à l'affût du moindre mouvement suspect, il ne vous arrivera rien ici. Nous vous ferons un scanner, un PET scan et une radio pour déterminer si votre pacemaker fonctionne bien.
Warren plissa des yeux et dévisagea la femme qui lui parlait.
— Je vous connais, vous.
— Docteur Emma Jones. Je suis l'une des infirmières qui vous prenaient en charge...la première fois...
Le patient acquiesça en souriant. Ça faisait du bien (il fallait le reconnaître) de voir une tête familière. Après tout ce qui s'était passé, cela lui faisait se sentir moins seul.
Il aurait peut-être même mieux fait de s'attarder sur cette infirmière, plutôt que sur la chirurgienne meurtrière. Il fallait reconnaitre qu'Emma Jones n'était pas du tout mal...
Soudain, une assemblée de médecins s'engouffra dans la chambre et se dirigèrent vers lui.
— Je vous présente le docteur Luke Powell, interne en chirurgie. Et voici ses externes. Ils s'occuperont de vous faire vos examens.
Le visage de Warren s'assombrit.
— Je croyais que vous vous en chargeriez...personnellement.
— Malheureusement, je ne peux pas...je suis en congés, je ne devrais même pas être là. Je vais me marier, demain...mais en attendant, ces médecins vont bien s'occuper de vous.
Oh...
Au même instant, on installait sur le lit près de celui de Warren, une blonde qui semblait avoir fait un malaise.
— Le docteur Powell est un excellent médecin, continua l'infirmière Jones. Vous n'avez rien à craindre. Et au besoin, nos agents de sécurité sont prêts à réagir au moindre pépin.
Warren acquiesça, alors que le docteur Powell se présentait à lui. Il lui exposa ensuite ses trois externes, dont deux hommes et une femme qui ne devait pas avoir plus de dix-huit ans...
— Elle, c'est le docteur Iris Danvier, la plus jeune de cette promotion.
La concernée fit un signe de main, et Warren répondit pareil. Il ne sut jamais pourquoi, mais quelque chose de sombre en cette fille lui fit penser à quelqu'une qu'il avait perdue...
Enfin, qu'il croyait avoir perdu...
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LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1
Mistero / ThrillerAllison Mortensen fait partie de l'Agence des Chirurgiens de Dieu, une organisation criminelle formant secrètement des chirurgiens à l'art de tuer. Quand la jeune femme reçoit sa toute première mission à Londres, elle ne se doute pas de ce qui l'att...