CHAPITRE 14 (1)

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Emma se servit un verre de scotch et l'avala cul-sec. Cela lui permit de reprendre ses esprits. Le sourd grondement de la machine à laver troublait le silence de l'appartement. Malgré le froid de la clim, la jeune blonde sentait tout le poids de cette chaude fin de journée lui peser encore sur les épaules. Elle venait de prendre un bain glacé, et la serviette blanche autour de sa taille était encore humide. Les effluves de son eau de Cologne flottaient dans toute la maisonnée.

Emma se sentait stupide. L'accrochage avec sa tante paraissait désormais dérisoire et risible. Elle avait blessé Terrence, et ça c'était pire que tout. Il avait préféré s'en aller au lieu de lui crier dessus. Avoir été élevé par deux mères lui avait appris à respecter les femmes plus que tout, Emma la première...

Elle ne savait pas comment son fiancé avait découvert son secret, mais c'était une erreur de le sous-estimer. L'inspecteur Kruger avait un sixième sens aiguisé. Tenter de lui cacher cette menace de mort était une très mauvaise idée. Emma s'était dite que si elle l'ignorait tout simplement, peut-être qu'elle arriverait à oublier et faire l'impasse dessus. Au final, elle risquait beaucoup trop dans cette histoire : son couple, son emploi, sa vie...pourquoi n'arrêtait-elle pas tout ?

Elle essayait de se convaincre qu'elle faisait tout ça uniquement pour sauver la vie de son patient ; néanmoins, au fond d'elle, la jeune femme le savait ; ça n'avait rien à voir avec Warren Eastwood. C'était plutôt à cause du docteur Mortensen.

La vérité, c'était qu'elle voulait à tout prix prouver à sa tante et au monde entier qu'elle avait raison au sujet d'Allison. Cette fille était le diable, elle en était persuadée. C'était le tueur tant recherché ; et son unique dessein était de le prouver...

Elle s'empara de son ordinateur et entra dans la page web de l'hôpital grâce à son mot de passe. Elle savait qu'elle y trouverait tous les fichiers relatifs aux médecins du Widburton. Elle n'aurait su dire ce qu'elle recherchait exactement, mais elle se retrouva par instinct devant la photo d'Allison Mortensen. Elle cliqua sur le dossier.

Putain, cette femme faisait flipper. Sa frange, son carré plongeant, son regard aussi glacial qu'un blizzard ; elle faisait froid dans le dos.

Nom : Allison Duranni Mortensen

Age : 35 ans

Sexe : féminin

Date et lieu de naissance : le 15 Novembre à Winkler, Manitoba.

Adresse : 406B, Cherry Garden Street

Cherry Street?

Emma tapa rapidement l'adresse dans Google Maps, et ses soupçons se confirmèrent. Allison n'habitait qu'à une trentaine de minutes d'elle. Et puis...le manoir où elle vivait...Emma avait toujours cru que c'était une maison abandonnée.

C'était typiquement le genre de bâtisse dont on se servait pour des émissions de maisons hantées. Merde, qui était cette Allison Mortensen ? L'infirmière attacha ses cheveux en queue de cheval. Bon sang, ça la tuait de ne pas savoir. Allison n'était pas ce qu'elle prétendait, ça c'était une certitude.

Mais putain, qu'est-ce qu'elle cachait ?

Résolue à connaître la vérité, elle enfila une paire de leggings et un débardeur violacé. Elle s'empara d'une paire de baskets et prit les clefs de l'automobile personnelle de son fiancé. Mais avant de sortir de l'appart, elle ouvrit le deuxième tiroir de la commode de Terrence, et récupéra la clé à percussion de ce dernier, ainsi que son arme à feu.

Elle ne savait pas dans quoi elle s'embarquait ni ce qu'elle allait découvrir chez le docteur Mortensen ; mais elle savait qu'elle allait devoir redoubler de prudence.

Se jeter dans l'inconnu pouvait parfois être dangereux...

***

— Apportez le chariot d'réa, hurla Allison à s'en déchirer le pharynx. C'est un code bleu ! Code bleu !

Elle frappa un coup sec dans la poitrine du patient, et un pic jaillit sur le moniteur. Une horde d'infirmiers s'engouffra dans la chambre, en même temps que les résidents de la chirurgienne. Sans s'en rendre compte, elle avait commencé à effectuer un massage cardiaque presque violent chez son patient.

Ses mains tremblaient et sa respiration était saccadée. On lui apporta un défibrillateur, et elle s'empara des deux palettes de l'appareil.

— Chargez à cent. (une infirmière obtempéra) Dégagez !

Le choc électrique fut délivré avec une puissance qui souleva le thorax de Warren avant de l'abaisser avec violence. Pourtant, rien ne se passa. Les courbes vertes du moniteur demeuraient désespérément plates.

— Encore à cent, aboya-t-elle, dégagez !

Le thorax du patient fut encore pris d'un bref sursaut. Il y eut un pic sur l'ECG, mais la courbe devint à nouveau aussi plate qu'une plaine.

— Passez deux milli d'adré, deux milli d'atropine et un milli d'amiodarone. Chargez à cent cinquante, dégagez !

Bientôt, les courbes du moniteur cardiaque commencèrent à osciller de façon désordonnée.

— On a un rythme sinusal ! s'écria l'infirmière. L'adrénaline est passée.

— On touche au but, soupira Allison comme si elle s'adressait directement à Warren, on touche au but...

Yan arriva devant la porte, tout essoufflé d'avoir parcouru cinq étages par escaliers, les ascenseurs étant en panne ou déjà occupés. La sueur faisait poisser ses cheveux châtains contre sa peau.

Pendant un instant, son regard croisa celui d'Allison, occupée à masser la poitrine de son patient. D'un simple coup d'yeux, il lui demanda ce qu'elle fabriquait. Elle ne lui répondit pas, reportant à nouveau son attention sur Warren.

— Encore une fois, dit-elle, chargez à cent cinquante...dégagez !

***

— Tu es le chat.

Yan sursauta lorsqu'il sentit une main lui toucher le dos. Il se retourna, et le large sourire de Mei Xiang réussit à lui faire oublier sa colère pendant un instant. Il sourit à son tour, et ajusta ses lunettes d'un air nerveux.

— Mei ! Quelle...quelle surprise !

— Oui, rigola-t-elle, ce n'est pas comme si je travaille dans cet hôpital.

Yan gloussa en baissant le regard. Il voulut s'excuser de s'être enfui la veille comme un lâche, mais resta silencieux. De toute façon, Mei semblait avoir oublié cet incident ; ou du moins, elle ne voulait plus revenir là-dessus. C'était mieux ainsi. D'ailleurs, il était sur le point de rentrer à l'Agence, probablement pour s'occuper du cas d'Allison.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant