CHAPITRE 17 (2)

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— Continue de rouler ! hurla Allison en jetant un coup d'œil derrière elle. La route était vide et la nuit tombait rapidement sur la ville.

— Putain, c'était quoi ça ? s'horrifia Yan en tournant de façon aléatoire à divers carrefours.

— Où est-ce qu'on va ? Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Allison, qui peinait à reprendre sa respiration.

Son mentor ne répondit pas, la respiration également forte. Ils roulaient comme des déments jusqu'à surgir dans l'autoroute, dans l'espoir de semer les flics. C'est à ce moment que Yan baissa le regard et remarqua le sang qui coulait sur son siège. Cette simple vision éveilla la douleur, pourtant inexistante jusque-là.

— Je crois que je suis blessé, opina-t-il en déglutissant. À la cuisse.

— Merde ! fit Allison en apercevant à son tour le sang. J'espère que l'artère fémorale n'est pas touchée.

D'un coup d'œil, elle chercha de quoi compacter la plaie, mais ne vit rien. Même son tricot aurait fait l'affaire. Mais ironie du sort, elle s'en était débarrassée quelques instants plus tôt. Elle était à présent vêtue d'un simple soutien-gorge et de son jean noir.

— Il faut retirer la balle, dicta la chirurgienne, tu perds beaucoup de sang. On doit s'arrêter quelque part.

Yan s'empara de son téléphone dans le coffre, et remarqua plusieurs appels de ses collègues à l'Agence, dont une dizaine de sa mère. Mais il ne s'en préoccupa guère. Il avait beaucoup plus urgent à régler.

— Tu contactes qui ?

— Je connais une amie, répliqua-t-il.

Et là, il rappela Mei...

***

Lorsque Warren se réveilla, la nuit était déjà bien tombée sur la ville. Le ciel scintillait de milliers d'étoiles réunis autour du disque argenté. Il tourna la tête et aperçut Kate près de lui, endormie sur une chaise qui ne devait pas être très confortable.

Warren ne put s'empêcher de se moquer intérieurement. Il avait toujours trouvé que la jeune femme ressemblait à un petit rat lorsqu'elle dormait. Elle n'aimait pas quand il le lui disait, mais ce n'était ni plus ni moins que la vérité. Un peu quand il lui disait qu'elle avait pris des kilos, ou qu'un jean ne lui allait pas du tout.

C'était pour son bien qu'il en parlait. Pour qu'elle soit toujours sous son meilleur jour. Pas comme maintenant, comme un petit rat.

Comme si ce regard nostalgique l'avait titillé, Kate s'extirpa à son tour de sa torpeur et se frotta les yeux. Rapidement, ses iris s'acclimatèrent à la faible lueur de l'abat-jour tamisé qui trônait au chevet du malade.

— Warren, soupira la brune en prenant la main de son meilleur ami. Warren, tu m'as fait une de ces peurs... encore !

— J'aime bien ne pas être le seul à avoir le cœur en mode TGV, répliqua-t-il en laissant sa tête retomber contre l'oreiller.

— Je suis tellement désolée, si tu savais. J'ai eu si peur que...que notre dernière conversation soit une dispute.

— Je suis content que tu le prennes comme ça, tu es pardonnée.

— Oui, s'écria-t-elle en lissant ses mèches sombres, j'ai été égoïste ! J'aurais dû penser à toi avant de penser à moi. Tu ne pensais pas tout ce que tu as dit, n'est-ce pas ?

— C'est toi qui ne pensait pas tout ce que tu as dit, rétorqua l'alité en fronçant les sourcils.

— Bien sûr que si ! Mais je n'aurais pas dû te le dire, pas maintenant en tout cas. J'aurais dû attendre que tu te rétablisses. Cette fille n'a de cesse de te sauver la vie, elle l'a encore fait aujourd'hui. Alors je comprends que tu croies avoir flashé sur elle.

— Je sais ce que je ressens, tonna le patient sur une voix à peine perceptible mais ferme. Elle m'a encore...elle m'a encore sauvé la vie...elle au moins, elle me sert à quelque chose.

Il réalisa en cet instant à quel point Allison était précieuse dans sa vie ; ce qui était surprenant, sachant qu'ils s'étaient rencontrés pour la première fois depuis seulement trois jours. Il avait raison de la convoiter autant ! Avec quelle hargne, avec quelle vaillance, quelle bravoure elle ne cessait de le ramener à la vie.

À chaque fois que Warren expirait son dernier souffle, Allison avait toujours été là pour le lui rendre. On pouvait penser qu'elle ne faisait que son travail, mais le jeune homme savait au fond de lui que c'était bien plus que ça. Bien plus. Il était persuadé que sans Allison, il serait déjà mort depuis bien longtemps. Il était persuadé que sans elle, il ne survivrait pas pendant bien longtemps.

— Warren, rends-toi à l'évidence ! Ce qu'il y a entre vous, ce n'est que... qu'une amourette de passage. Ce qu'il y avait entre nous était bien plus puissant, bien plus passionnel. C'était ça, l'amour.

— Détrompe-toi, siffla le métis avec un demi-sourire. Quand je suis avec Allison, je me sens si bien. Elle a ce regard...c'est truc de ouf. Son seul regard arrive à me dévêtir et à me faire me sentir si bien. Ce baiser était...bon sang, je n'arrive même pas à croire...à croire ce qu'il m'a fait ressentir.

« Je sais à quel point je semble stupide à fantasmer sur mon médecin comme un adolescent en pleine...en pleine crise d'hormones. Ça fait bien longtemps que j'ai passé l'âge de la puberté ! Et pourtant...je ne fais que penser à elle que j'ai une trique monstrueuse sous ma blouse.

«Jamais je n'avais ressenti ça, je te jure. Ça doit être ça, ce fameux coup de foudre. Sa seule présence rend mon pacemaker si insignifiant, si inutile. Sans elle à mes côtés, je me sens mourir et sombrer sans aucune chance de me réveiller. Elle électrifie mon cœur et c'est presque aussi doux que...d'être en vie...»

— Tu te fous royalement de moi ! s'écria Kate. C'est incroyable à quel point tu te paies ma tête. C'est moi qui suis à ton chevet, là maintenant, Warren. Pas elle ! Et tu n'as jamais parlé de moi comme ça, même quand on était ensemble.

— Tu ne le méritais peut-être pas autant qu'elle.

— Je t'aime, Warren !

— Si tu m'aimais, tu serais heureuse pour moi en ce moment, heureuse de t'investir dans ce que je ressens, au moins pour cette fois. Tu ne t'es jamais intéressé à mon propre ressenti, il n'y a que ta petite personne qui t'intéresse.

— Je ne peux pas ! hurla-t-elle. Je ne peux pas rester là à t'entendre me parler de cette femme de la sorte. Et ça n'a rien à voir avec de l'égocentrisme, personne n'a un égo plus grand que le tien, Warren. Ce n'est pas à moi que tu devrais dire tout ça. Alors, je m'en vais. Et crois-moi, plus jamais je ne reviendrai.

À nouveau, la brune s'enfuit de la chambre. Mais elle dût se rendre compte qu'elle avait oublié son sac à main au pied du lit. Alors elle fit demi-tour et revint sur ses pas, la tête haute et le visage impassible malgré le rouge à ses joues.

— Là, rectifia-t-elle, c'était la dernière fois que je revenais. Plus jamais !

Elle s'en alla ensuite, et Warren soupira de lassitude. Bien sûr qu'elle reviendrait. Elles revenaient toujours. Car elles n'étaient rien sans lui. Toutefois, il dût s'avouer que Kate n'avait pas complètement tort. Ce n'est pas à elle qu'il devait dire tout ça, (même si c'était divertissant de la voir craquer) mais à Allison en personne.

Il devait accélérer le mouvement et lui réitérer ce qu'il ressentait pour elle. Il devait le lui dire encore, même si elle le rejetait...encore. Il avait suffisamment préparé le terrain, il jugea que la chirurgienne était désormais prête à le recevoir pleinement dans sa vie. Même si elle ne le savait pas encore, elle avait besoin de lui. Et il devait le lui prouver. Il devait le lui dire.

C'était décidé. Demain serait le jour des révélations.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant