CHAPITRE 39 (2)

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Elle laissa tomber la seringue. Elle relâcha tous ses muscles, comme si cette simple déclaration l'avait anesthésiée. Un soupir silencieux s'échappa de sa bouche. Elle se retourna et fit face à Warren. Il faisait une taille de plus qu'elle. Ce détail à priori anodin, la frappa pour la première fois en cet instant.

Elle n'hésita pas à plonger dans l'océan de douceur que représentaient les prunelles de son amant. Savoir qu'il l'aimait en dépit de tout, c'était d'un soulagement inespéré. Elle ne le méritait pas, c'était certain. Elle ne méritait pas cet amour, fait avéré. Mais quelque part, la partie égoïste d'elle profitait pleinement de la situation.

Elle approcha son visage larmoyant de celui de son ex-patient, jaugeant s'il allait tout regretter et s'enfuir. Il ne broncha pas. Elle brava encore quelques centimètres, lui laissant par la même occasion une dernière chance de partir. Il ne bougea toujours pas. Alors elle franchit les derniers remparts spatiaux qui les séparaient, et l'embrassa.

Ce n'était pas leur premier baiser, mais c'était tout comme ; car, c'était la première fois qu'il l'embrassait, sachant pertinemment qui elle était.

En un sens, c'était le baiser le plus sincère de tous.

— Je t'aime aussi, soupira-t-elle en fermant les yeux, une fois le baiser achevé.

— Promets-moi d'arrêter avec toutes ces conneries, ces meurtres et cette vie de merde.

— Promis, siffla-t-elle. Je te jure sur ma vie, Warren...je ferai tout ce que tu me demanderas. Je veux que ça marche entre nous...

— Alors va-t'en, Allison.

— Quoi ? demanda-t-elle en déchantant.

— Non, je veux dire...pars, enfuis-toi. Si quelqu'un te voit, tu finiras en prison, torturée par les services secrets pour essayer d'en savoir plus sur votre organisation. S'ils te capturent, ce qui t'attend sera pire que la mort. Alors, s'il-te-plait, va-t'en !

— Je ne veux plus m'enfuir, tonna-t-elle.

— Mais il le faut ! Je te rejoindrai, promis. Qu'importe où tu vas, je te retrouverai. Je m'en fous de tout le reste. Easton peut avoir la pépinière, j'en ai plus rien à cirer. Je veux vivre avec toi. Mais pour ça, il faut que tu sois loin d'ici. Enfuis-toi, Allison...va-t'en, pour moi...

Elle le regarda, et se conforta dans l'idée qu'ils n'étaient pas du même moule. Warren était trop gentil, trop doux, trop...parfait. Elle était pourrie jusqu'à la moelle, comment pouvait-il entrevoir un avenir pour eux deux ?

Elle n'en savait rien. Mais quelque part, elle aimait l'idée de pouvoir partager ce rêve. Pour lui, il fallait qu'elle survive. Alors elle acquiesça, prit son téléphone et appela Yan.

***

— Allison...Allison, c'est toi ?

— Yan ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle sentit dans sa voix que quelque chose de grave s'était produit. Il était essoufflé, paniqué, presque désorienté. Le cœur de la chirurgienne s'accéléra.

— Je...je n'ai pas trop le temps de parler, là.

— Où es-tu ?

— Je crois qu'on a fait une bêtise...

— On ? s'inquiéta la chirurgienne. Avec qui t'es ?

Yan se retourna et fixa Mei assise près de lui, sur le siège passager. Elle avait les yeux en boule de loto, des traces de sang séché sur les mains et son uniforme. La voiture de police roula en silence sur l'avenue, avant d'emprunter le sentier menant à Epping New Road.

Il faisait une chaleur caniculaire, Yan transpirait à grosses gouttes malgré le coup de vent qui s'engouffrait par les fenêtres du véhicule. Ses mains étaient moites autour du volant.

— Avec qui t'es, Yan ? répéta Allison avec plus d'insistance.

— Mei. Mais elle est de notre côté, s'empressa-t-il d'ajouter.

Allison voulut parler, mais sa bouche se contenta de rester ouverte. Y avait-il plus grande stupidité que de refaire confiance en quelqu'un qui nous avait déjà trahis ? C'était si abracadabrant, que la jeune femme en resta bouche bée.

— Notre temps est compté, lâcha Yan. Je serai à l'hôpital dans une vingtaine de minutes pour te chercher, ensuite on fout le camp d'ici. J'ai déjà prévenu mon père, il sera là avec l'hélico dans une demi-heure à peu près.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda enfin la demoiselle à l'autre bout du fil. Pourquoi les choses se sont autant précipitées ?

Yan ne sut comment il devait l'expliquer à sa protégée. Les choses avaient rapidement dégénéré. Il restait campé sur sa position, il aurait fallu tuer cet homme, ce Greg. Néanmoins, Mei avait insisté pour qu'ils le laissent en vie.

Il lui avait promis que pour elle, il changerait. Mais ce n'était pas le moment idéal pour cela, chose qu'elle refusait de comprendre. Il s'était contenté de frapper Gregory avec un abat-jour afin de pouvoir s'enfuir.

L'ennui, c'était que l'officier de police était encore en vie ; et qu'il ne tarderait pas à alerter l'inspecteur dès qu'il reprendrait connaissance. Si ça se trouve, Terrence Kruger était déjà au courant de la situation. Ils n'avaient vraiment plus beaucoup de temps.

— Nous sommes là dans vingt minutes, coupa Yan. Sois prête. 

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant