CHAPITRE 42 (1)

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La voiture s'engouffra sur l'autoroute et accéléra un peu plus. Yan ne se rendit même pas compte que son pied était resté appuyé sur l'accélérateur. Le véhicule de police slalomait entre les autres voitures, accompagné du son strident de la sirène.

Derrière eux, l'inspecteur Kruger refusait de lâcher l'affaire. Sa sirène retentissait aussi à des centaines de mètres à la ronde. Il dépassa rapidement les cent kilomètre-heure, évita de justesse un taxi qui venait à contre-sens, et passa la sixième vitesse.

— Putain, il ne veut pas lâcher l'affaire ! s'énerva Allison.

— Il ne lâchera pas, confirma Mei Xiang d'une voix tremblante. À deux cents mètres, tu vires à gauche.

Yan ne répondit pas. Son regard ne quittait pas la route. L'adrénaline avait envahi la totalité de ses vaisseaux sanguins. Il avait l'impression de planer. Le véhicule s'inséra entre deux autres qui, pris de court, perdirent le contrôle et se rentrèrent dedans.

— Oh mon Dieu...pleurnicha Mei en serrant sa fille entre ses bras.

Le carambolage continua quelques mètres plus loin, alors que Yan amorçait un virage serré. Il faillit rentrer dans une vieille femme, qui bondit sur des sacs poubelle pour se sauver. Mei arrêta la sirène dans l'espoir de semer l'inspecteur Kruger. Mais c'était mal connaitre ce dernier, qui surgit derrière eux quelques minutes plus tard.

Il se rapprochait de plus en plus. Yan appuya de plus belle sur l'accélérateur. La voiture semblait glisser sur le goudron, suivant les embranchements qui s'offraient à elle. Au bout d'un certain temps, Terrence rattrapa les fugitifs, et les deux véhicules se retrouvèrent côte à côte.

Chacun essaya de faire sortir l'autre de la route. Ils se rentraient dedans, leur carrosserie crachaient des étincelles lorsqu'elles se crashaient. Mais aucun des chauffeurs ne voulait lâcher l'affaire. Mei croisa le regard de Terrence de l'autre côté de la vitre, et jamais elle n'avait vu autant de déception dans des pupilles d'habitude si douces.

Elle ferma les yeux, comme si cela aurait suffi à effacer sa trahison monstrueuse.

— Où se trouve cet hélico, bordel ? fulmina Allison, qui venait d'être à nouveau secouée par les gambades de la voiture.

Yan amorça un autre virage serré, et réussit à emprunter un embranchement différent de celui de l'inspecteur. Il s'engouffra dans une sombre ruelle déserte, balayant sur son passage les petits bacs à ordures alignés contre le mur gris lambrissé.

— Nous y sommes presque, murmura-t-il, pour la première fois de tout le trajet. Nous allons nous en sortir...nous allons nous en sortir...

Il répéta cette phrase comme pour essayer lui-même de s'en convaincre. Il fallait qu'ils s'en sortent. Chacun d'eux avait désormais une raison de ne pas mourir, une raison qui en valait vraiment la peine.

Au final, c'était risible, il fallait se l'avouer. Cette mission était tout le contraire de ce qu'ils espéraient tous les deux. Rien ne s'était déroulé comme prévu...et pourtant...Allison avait l'intime conviction que les choses étaient censées se passer ainsi. Il n'y avait aucun autre scénario possible.

— Je crois qu'on l'a semé, minauda Mei alors que le châtain empruntait une énième ruelle malfamée.

Allison se retourna et constata qu'il n'y avait plus aucun poursuivant derrière eux. Elle soupira de soulagement. Trop tôt d'ailleurs, car la voiture de Terrence surgit devant la leur et fila à leur rencontre. Yan résista contre l'envie de freiner brusquement, et appuya plutôt sur l'accélérateur. Le temps semblait s'être figé, alors que les deux véhicules continuaient de courir tout droit à la collision.

Allison n'osait plus respirer. Mei serra sa fille contre ses bras et ferma encore les yeux. Durant ce court instant où elle courrait à la mort, elle se demanda si c'était une bonne idée de mettre la clé sous le verrou pour cette vie de fugitif. De toute façon, elle ne pouvait plus faire marche arrière. Ni elle, ni le véhicule dans lequel elle se trouvait.

Juste au moment où la voiture allait s'écraser contre celle de Terrence Kruger, Yan eut un instant de panique et vira dans un sentier à sa droite. Mais il avait réagi un poil trop tard. Son assaillant éclata le capot du véhicule.

L'onde de choc se propagea loin en même temps que la déflagration. L'espace d'un instant, le châtain faillit perdre le contrôle alors qu'il se sentait secoué dans tous les sens. Mei hurla de terreur. La berline ne cessa pas pour autant d'avancer.

— On est en vie ? demanda la chinoise en regardant autour d'elle.

Allison réalisa également qu'ils avaient survécu. Le capot de la voiture n'était plus qu'un amas de tôles froissées qui crissait sur le goudron en projetant des étincelles ; mais le bon côté, c'était qu'ils avaient pris une grosse longueur d'avance sur l'inspecteur de police.

— Il faut s'attendre à des barrages, prévint Mei lorsque le véhicule surgit à nouveau dans les carrefours bondés.

À peine eut-elle dit cela, qu'ils aperçurent quatre véhicules de police postés en plein milieu de la route, au loin. Sans réfléchir, Yan défonça le grillage qui délimitait le goudron. Il roula dans la forêt au milieu des troncs défeuillés. La voiture s'agitait dans tous les sens en dévalant la pente, évitant les arbres sur son chemin. Les roues butaient contre le sentier escamoté, secouant les occupants à l'intérieur.

— Qu'est-ce que tu fais ? s'étonna Allison.

— C'est un raccourci, répondit son mentor. Papa est à l'autre bout de cette forêt.

Sa déclaration rassura les deux femmes avec lui dans le véhicule. Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent sur un terrain plat recouvert de gazon sec. Devant eux, à une centaine de mètres, se trouvait un hélicoptère dont les pales tournaient toujours en émettant un grognement sourd. Yan reconnut son père aux portes de l'appareil, il leur faisait de grands signes de main.

Soulagement.

Il gara la voiture et coupa le contact.

Enfin, le cauchemar était terminé.

Ils sortirent tous de la berline et se précipitèrent vers l'appareil volant. Ils n'avaient pas encore fait dix pas, que déjà une autre voiture surgit dans la grande clairière et gara en trombe. Le temps qu'ils réalisent ce qui se passait, l'inspecteur Kruger avait son arme pointée sur eux. La sirène de son véhicule était assourdissante.

— Les mains en l'air ! ordonna-t-il à s'en rayer la voix. Les renforts ne vont pas tarder à arriver, vous êtes cernés. 

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant