CHAPITRE 29 (1)

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— Je savais que c'était une mauvaise idée, glapit Emma Jones en regardant le temps se gâter de plus en plus. Je savais que c'était une mauvaise idée, Terry ! Un mariage d'extérieur en pleine saison d'automne ? Comment ai-je pu céder à une proposition aussi mauvaise ?

Terrence et Emma étaient positionnés sur un piédestal de grès, avec du gazon vert émeraude tout autour. Le vent soufflait fort, malmenant la longue robe fleurie de la future mariée. L'organisatrice du mariage semblait désorientée face au courroux de l'infirmière.

— Ça ne va pas du tout, là ! grogna cette dernière. Demain, il va pleuvoir, c'est sûr. C'est une certitude.

— Il ne va pas pleuvoir, répliqua Terrence en un soupir las.

— C'est vrai, appuya l'organisatrice, la météo dit que...

— La météo nous avait promis qu'il ferait aussi beau aujourd'hui. Mais vous voyez bien que ce n'est pas le cas. Et là, c'est trop tard pour louer une salle. Putain, quelle conne je suis !

Emma s'empara de son téléphone et farfouilla dans ses contacts. Le stress déformait ses traits et palissait son teint. Le ciel était lourd, pas un rayon de soleil ne traversait l'amas compact de nuages gorgés. Un éclair fendilla l'horizon.

— S'il pleut demain, essaya de la réconforter son mari, alors nous prévoirons des ombrelles pour nos invités. Mariage pluvieux, mariage heu...

— Ne t'avise pas de terminer cette phrase ! Des ombrelles ? s'étouffa Emma. Tu te fous de moi ?

— On ne peut plus reculer, de toute façon...

Au même moment, le téléphone de Terrence sonna dans la poche de son blazer noir. Il s'en empara. C'était son meilleur ami Gregory, ce qui fit encore plus pester sa fiancée. L'inspecteur s'éloigna un peu des deux autres femmes et prit l'appel.

— Je suis en congés ! grogna-t-il en serrant l'appareil entre ses doigts. Tu as intérêt à ce que ce soit important, Greg.

— Oui, rétorqua l'homme au bout du téléphone, j'ai croisé un homme aujourd'hui trainant devant le Widburton. Je ne sais pas pourquoi, mais il m'a fait penser à Yan McFarland.

— C'est pour ça que tu m'appelles ? pesta Terrence. Parce que t'as vu un mec et il t'a fait penser à Yan McFarland ?

— Je croyais que...

— L'as-tu appréhendé pour prendre ses empreintes ?

— Mei a dit que tout était ok !

— Alors pourquoi diable tu m'en parles encore ? Je vais me marier demain, Greg. Et j'ai déjà largement à faire avec le stress que cette cérémonie m'apporte. N'en rajoute pas s'il te plait !

Il raccrocha. Avec le mariage imminent, Emma et lui étaient sous un coup de pression qu'ils n'avaient encore jamais expérimenté jusque-là.

Lorsqu'il revint vers les deux femmes, il les trouva dans une autre dispute, toujours alimentée par sa fiancée.

— Je vous dis que non, gronda Emma, trois couleurs ça ne fait pas trop. Et le blanc n'est pas une couleur, vous êtes censée le savoir, Beck !

— Vous ne pouvez pas ajouter une couleur à votre thème au dernier moment, madame Jones.

— C'est mon mariage, siffla Emma. J'ajoute des couleurs au thème quand je veux et si je veux ! Et là, je dis que je veux du fuchsia. Du fuchsia, du doré et du blanc. Terry, explique à Beck qu'il nous faut des rubans fuchsia !

— Ma chérie...

— Non ! explosa Emma. Je veux du fuchsia, un point et un trait !

Terrence soupira en s'essuyant le front. Le ciel aussi ne tarderait pas à exploser. Et cet individu devant le Widburton, qui soi-disant ressemblait à Yan McFarland. Pourquoi en était-il soudain tout autant perturbé ?

***

Le cerveau d'Allison voguait à dix mille à l'heure. Elle cherchait. Elle cherchait une solution. Il ne fallait surtout pas qu'on l'endorme. Sinon, ce serait la fin. Sa fin. Mais comment arriverait-elle à éviter cela ? Elle ne voyait aucun moyen. Elle était faite comme un rat.

— La patiente est légèrement tachycarde, dicta l'une des infirmières de bloc.

— Détendez-vous, Jenna, sourit Margaux derrière son masque. Tout va bien se passer. C'est une chance qu'on ait diagnostiqué votre anévrisme à temps...

Pestiférée !

Allison était pétrifiée. Elle hésita pendant un instant à supplier Margaux de lui laisser la vie sauve. Néanmoins, elle se ressaisit. Elle était désespérée, mais pas à ce point. Il fallait qu'elle trouve une astuce ; quelque chose qui lui permettrait au moins de retarder l'échéance.

Elle tourna le regard à gauche et à droite. Il y avait un peu plus d'une demi-dizaine de médecins au bloc : un médecin urgentiste, un anesthésiste, trois infirmiers de bloc, et le docteur Chabbat.

Allison songea qu'avec autant de spécialistes au bloc, il était impossible que Margaux la tue devant tous ces gens et que ça passe inaperçu. Elle n'avait peut-être aucun souci à se faire.

Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de se dire que c'était Margaux Chabbat. Cette femme était un Dieu vivant à l'Agence. Son seul nom inspirait crainte et respect. Elle était douée, très douée... alors peut-être bien que cinq personnes avec elle au bloc, ce n'est pas ce qui l'empêcherait de la tuer.

Après tout, Allison elle-même pouvait bien y arriver...

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant