CHAPITRE 32 (2)

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Les premières gouttes de pluie commençaient à arroser la ville, martelant la vitre de la fenêtre. Il faisait plus sombre, la nuit s'était vite amenée sur la ville. Allison tourna la tête vers le lit de Warren, déjà rangé et prêt à accueillir un nouveau patient. Elle en eut un pincement au cœur et voulut pleurer. Mais au moins, se dit-elle, elle avait réussi à le sauver des mains d'Iris Danvier.

D'ailleurs, elle se demandait où cette dernière était passée. À présent qu'elle avait échoué à sa mission, elle devait se retrouver dans la même situation que Yan et elle, en danger de mort. De toute façon, Allison songea que ça ne la concernait pas. Warren était en vie et loin d'ici. Aussi douloureux que ça puisse paraître, c'était le plus important...

Mais lorsqu'elle tourna la tête de l'autre côté, il se trouvait là, à l'encadrement de la porte. Il était vêtu d'un jean, d'un sweat à capuche kaki et d'un blouson en cuir. Allison sentit son cœur s'arrêter presque, quand son regard croisa celui du métis. Elle entra en apnée, comme apeurée à l'idée de se noyer dans cette bleue lagune de douceur.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle.

- Je me suis dit que...tu n'aimerais pas te réveiller et être toute seule. Alors, je suis...resté.

Il l'annonça sur un ton si naturel qu'Allison crut d'abord qu'elle hallucinait. Il s'approcha d'elle, son odeur mâle refit surface. Et elle sut qu'elle n'hallucinait pas. Il s'assit près d'elle et lui offrit son plus franc sourire.

- Je croyais que tu étais déjà parti, minauda la blonde.

- La cheffe m'a dit que je ne pouvais pas rester là en tant que patient, une fois mon autorisation de sortie signée. Alors je suis resté en tant que garde-malade...ton garde-malade.

Jamais elle n'avait été témoin d'autant de gentillesse. Elle pouvait presque se sentir flotter d'ivresse.

Dehors, l'averse avait fini par éclater, et il pleuvait des cordes. Des éclairs zébraient les cieux assombris, et le vent glacé soufflait très fort. Le brouillard avait dessiné de la buée sur la vitre et empêchait une vision optimale. Mais Allison ne s'en rendit même pas compte. Elle n'avait d'yeux que pour Warren.

- Oh, sourit ce dernier, j'ai aussi apporté le dîner.

C'est seulement à ce moment qu'elle remarqua le sac de jute qu'il avait en main. Il tira vers lui la table en bois pliante de la chambre, et la fit rouler jusqu'à ce que celle-ci soit entre Allison et lui. Il l'aménagea de deux couverts et deux coupes. Il avait même prévu une bouteille de champagne sans alcool.

- J'espérais arriver quand tu étais encore endormie, dit-il en sortant des pétales de rose de son sac, qu'il éparpilla sur la table. Il émit un rire gêné.

- Je ne savais pas que tu organisais un dîner aux chandelles...et sans chandelles, en plus.

- Oui, c'est en fait parce que...j'en ai discuté avec un médecin et apparemment...j'aurais risqué de déclencher l'alarme incendie en allumant une bougie ici. Alors il m'a donné ça.

Il sortit de sa poche une petite lampe torche utilisée pour les consultations, et la posa au centre de la table de façon à ce que la lueur pointe vers le haut.

- Alors, j'ai des brochettes de crevettes et de saint Jacques marinées en entrée, continua-t-il en sortant une gamelle de son sac, du foie gras poêlé, et un tiramisu aux fruits rouges en dessert. Pitié, dis-moi que tu n'es pas végane.

- Fort heureusement, non, rigola Allison. Ça m'a l'air bon, tout ça.

- Fais-toi plaisir, sourit le métis en remplissant les deux plats.

Allison n'en croyait pas ses yeux. Elle était réellement touchée de cette attention qu'il lui portait. Mais d'une part, elle en était triste. Parce qu'elle savait que Warren la détestait au fond. Il détestait ce qu'elle était. Et de ce fait, il ne pourrait rien avoir entre eux. Cet homme était un séducteur. Il devait faire ce numéro de charme à toutes les filles qu'il rencontrait.

- Est-ce que ça va, Jenna ? demanda le métis, en constatant sa mine déconfite.

- Oui, sourit-elle, ça va. Je me disais juste que...personne n'avait jamais rien fait d'aussi beau pour moi. Et je sais que je ne mérite pas de telles attentions.

- Jenna Hanover, l'arrêta Warren en posant sa main sur celle de la patiente, je ne te connais pas assez, mais...je peux d'ores et déjà te dire que tu mérites toutes les attentions du monde. Tu les mérites...

Au bout du compte, le destin était bien étrange. Si elle n'avait pas eu la mission de tuer ce jeune homme, jamais elle ne se serait éprise de lui. Jamais ils ne se seraient rencontrés, et autant attachés. Leur amour transcendait le bien et le mal, transcendait les apparences, transcendait la peur de mourir. Ils étaient si bien ensemble ! Si beaux ensemble...

Alors qu'il continuait de pleuvoir dehors, les deux tourtereaux en profitèrent pour faire connaissance en dînant ensemble. Au bout d'une heure, les plats étaient vides, et la bouteille de champagne, également. Deux heures supplémentaires les suffirent à savoir le fond des pensées l'un de l'autre.

- Je ne me souviens plus de la dernière fois où j'ai aussi bien mangé, plaisanta Allison en s'affalant de fatigue sur son oreiller.

Warren et elle partagèrent un autre regard lascif, comme deux êtres qui s'étaient sempiternellement cherchés et venaient à peine de se trouver.

Dehors, c'était le déluge. Le tonnerre grondait, le vent gémissait, la foudre s'abattait sur la ville.

- Tu peux augmenter le chauffage ? J'ai un peu froid, frissonna la patiente.

- J'ai plutôt une autre idée, rétorqua Warren en se débarrassant de ses baskets. Il se glissa dans les draps derrière elle, et la serra dans ses bras.

- Tu es dément ! s'esclaffa Allison. Tu vas te faire virer, les garde-malades n'ont pas le droit de se coucher sur la literie des patients.

- Disons que depuis le mois passé, l'hôpital m'accorde des privilèges spéciaux. Je n'aurai aucun problème tant que je ne me couche pas sur mon ancien lit, la rassura Warren en enfonçant son nez dans sa chevelure blonde, humant son odeur de serpolet...

Si familière, mais il ne se souvint pas pourquoi...

- Alors, on a le droit de dormir comme ça ? s'étonna la demoiselle.

- On a le droit de dormir comme ça, répondit son ex-patient.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant