CHAPITRE 24 (2)

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— Vous me demandez si j'ai déjà éprouvé des sentiments d'amour envers cette femme ? sourit le métis, alors que la caméra faisait un gros plan sur lui.

— C'est exact.

— Je dirais que...aimer un mot un peu fort. Nous vivons dans un monde où il est difficile d'aimer, et de se sentir aimé en retour. Il est même plus facile de mourir d'un cœur malade, j'en sais quelque chose. À une époque, elle me plaisait bien, c'est vrai. Elle était ravissante, intelligente, courageuse, et il y avait cette part de mystère en elle qui m'attirait indéniablement. Elle m'attirait, ce serait stupide de le nier.

« Mais je peux vous assurer que c'est de l'histoire ancienne. Trois jours, ce n'est pas assez pour tomber amoureux ! Je l'ai oublié, et je me porte parfaitement bien aujourd'hui. C'est de l'histoire ancienne...»

Allison éteignit la télévision et déglutit. De l'histoire ancienne...il avait raison, c'était du passé. Ce qu'il y avait eu entre eux, c'était beau...mais rien de plus. L'histoire était finie, elle s'était soldée par un gigantesque échec. Et Allison se rendait compte qu'elle était la seule perdante, au bout du compte.

Lorsqu'elle entendit la baie vitrée s'ouvrir derrière elle, elle sursauta et éteignit l'écran. Une femme approcha et s'assit sur le sofa blanc près du sien.

Elena McFarland avait de très longs cheveux neigeux, le visage ridé, et les yeux d'un bleu-gris profond. Elle était loin de faire ses soixante-seize ans, dans sa longue robe en mousseline de soie fleurie.

— Vous êtes là depuis longtemps ? demanda Allison.

— On peut dire ça, oui.

— Madame McFarland...

— Elena ! Je te l'ai répété une cinquantaine de fois, appelle-moi Elena.

Allison sourit, en même temps que la vieille femme près d'elle. Elles étaient dans le deuxième salon de la villa des McFarland, perdue dans les plaines des Highlands écossais. Les murs vitrés de la pièce laissaient entrer une quantité importante de lumière, et offraient une pleine vue sur l'immense piscine remplie à ras-bord.

Les canapés immaculés étaient décorés de coussins dorés, et il y avait une table basse en plein milieu, supplanté d'un soliflore bleuté. De temps à autre, la brise qui soufflait à travers la baie vitrée entrouverte, faisait voltiger les rideaux transparents et bruissait contre la surface de l'eau bleue de la piscine.

— Elena...je suis un peu larguée, là. J'en ai marre de tout ça. J'ai passé ma vie à tuer des gens, et j'en ai plus qu'assez. Je veux juste avoir un peu de paix, loin de cette vie de merde qui semble me coller comme une seconde peau.

— Travailler à l'Agence laisse souvent cet arrière-goût, soupira la mère de Yan.

— Comment as-tu fait pour tenir le coup pendant cinquante-trois ans ?

— Je n'ai pas un esprit rebelle comme toi, rigola-t-elle. J'ai toujours été habituée à suivre les règles. Quand on est soumis comme moi, on peut tenir cent ans sans sentir le poids des années. Mais j'ai l'impression que le problème n'est pas ce que tu ressens envers toi-même, plutôt ce que tu ressens envers Warren Eastwood...

— Toi-même tu l'as entendu, c'est de l'histoire ancienne...il est tiré d'affaire, c'est le plus important.

— Justement, je comptais t'en parler. Je sais que je ne devrais pas, mais il faut que tu saches...il est loin d'être tiré d'affaire...Easton Eastwood est maintenant à la tête de l'Agence, et la haine qu'il continue de nourrir envers son frère est ravageuse. À présent qu'Amity est devenue l'une des pépinières les plus prospères de Londres, il veut plus que tout la récupérer.

— Mais l'Agence ne peut pas agir en dehors du cadre hospitalier, opina Allison. Il ne peut plus atteindre Warren, si ?

— Ça fait un mois qu'il s'est fait poser son pacemaker, Allison. Dans quelques jours, Warren devra se rendre à l'hôpital pour un check-up, afin de vérifier que son défibrillateur fonctionne bien. Il a tenté de garder cette information secrète, mais les services de renseignement de l'Agence sont plutôt doués.

«Easton a prévu de retenter le coup. Je le sais, parce que c'est ma recrue qui est sur ce cas. Elle a à peine dix-sept ans, mais son potentiel est indéniable. Je peux te promettre qu'elle accomplira cette mission si personne ne l'en empêche. »

— Je ne peux pas, répliqua la demoiselle. Ils nous croient tous morts, et c'est parfait ainsi. Et pourquoi je risquerais ma vie pour ce mec, qui visiblement n'est qu'un séducteur ?

— Allison...tu veux changer de vie n'est-ce pas ? C'est l'occasion ! Je connais quelqu'un. C'est le docteur Jerry Mallorca, l'un de mes meilleurs amis...il a longtemps travaillé à l'Agence dans le domaine de l'esthétique, nous étions de la même promo ; spécialisé dans l'art du camouflage, il te rendrait méconnaissable.

«C'est à lui qu'on fait appel pour les missions d'infiltration à haut risque. Il est l'une des cinq personnes dans le monde entier capable de modifier entièrement ton image sans un coup de bistouri, et faire de toi quelqu'un d'autre. »

«Michael Jackson, Ben Laden, Amy Winehouse, il a réussi à changer drastiquement le physique de ces gens qui souhaitaient disparaître. Son style est unique. Personne ne saurait que c'est toi, pas même les caméras à reconnaissance faciale les plus perfectionnées...pas même Warren...

« Tu as le choix, entre rester vivante et cachée ici, ou courir sauver cet homme que tu aimes. Parce que je te jure, Allison : ils vont le tuer, si personne n'intervient... et toi seul peut le sauver...»

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant