CHAPITRE 37 (2)

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Elle enfila son démembré gris, grimaça lorsque ses sutures la pincèrent, puis soupira. Allison s'était dit que c'était mieux si Warren et elle s'épargnaient des émotions de la séparation. C'était déjà bien assez dur pour eux deux. Mais à peine eut-elle mis le pied dehors, que c'est lui qu'elle vit en premier. Il ne l'avait pas encore vu, là-bas au fond du couloir.

Non, il était trop occupé à...

Embrasser une meuf...

Allison sentit quelque chose se briser en elle, d'autant plus qu'elle reconnaissait cette meuf. C'était sa soi-disant meilleure amie, son ex, sa petite-amie plutôt...Kate. Alors, ils s'étaient remis en couple. Et il n'avait même pas eu les couilles de lui en parler...elle l'avait embrassé, merde ! Et à aucun moment, il n'avait songé à lui dire qu'il était déjà en couple.

Pestiféré...

Bientôt, Kate s'en alla, et Warren se tourna en direction de la chambre d'Allison. Elle se cacha avant qu'il ne la voie, priant qu'il ne vienne pas vers elle.

En vain...

Lorsqu'il entra dans la chambre, elle était devant la glace, faisant mine d'ajuster à nouveau ses mèches blondes. En réalité, elle ne voulait plus croiser son regard. Elle ne voulait plus rien avoir à faire avec ce minable.

Plus jamais !

— Tu as reçu l'autorisation de sortir ? lui demanda-t-il, sur le pas de la porte.

— Je sors contre avis, siffla-t-elle sans même se retourner vers lui.

— Ta blessure...ça va mieux ?

— Qu'est-ce que ça peut te faire ?

— Mais putain, s'écria-t-il, y en a ras-le-bol de tes sautes d'humeur. Qu'est-ce qui te prend, Jenna ? J'essaie d'être gentil là. J'essaie d'être gentil, tout comme le docteur Chabbat essayait d'être gentille. Alors oui, oui peut-être qu'on ne se connait pas ; et que ta vie ne me concerne pas. Mais « aimer et se sentir aimé », ça c'était sérieux. Je veux te connaitre, Jenna. Je veux que ta vie me concerne. J'essaie d'aller de l'avant, après tout ce qui s'est passé...

— Je ne suis pas ta maman, Warren.

— Oui, je sais. Ma maman est morte...merci de me le rappeler. Je sais, tu penses que je...

— Non, l'arrêta-t-elle. Non, je t'interdis de me dire ce que je pense. Et sache que je n'ai pas besoin de ta pitié, Warren. Je n'ai pas besoin que tu me nourrisses, ou que tu dormes avec moi, ou que tu m'amènes promener au parc par pitié ! Je n'ai pas besoin de toi, Warren. Je ne suis pas ta chienne ! Entre-toi bien ça dans le crâne.

— Mais à quel moment tu as cru que c'était de la pitié ? ragea le métis. On s'est embrassé, putain !

— Oui, hurla Jenna en se retournant vers Warren. Oui, comme tu viens d'embrasser ta meuf, là dans le couloir !

Le silence s'établit dans la pièce. Allison sentit ses yeux se vitrifier de larmes, mais ne détourna pas le regard. Dans celui de Warren, elle pouvait voir un mélange de culpabilité et de compréhension. Feint, peut-être.

— On s'est séparé, c'était un baiser d'a...

— Oh non, le coupa-t-elle de sa voix tremblante, non ne fais pas ça. Ce serait encore pire.

— Je veux être avec toi !

— Assume, Warren. Assume de lui avoir rendu son baiser...assume... « aimer et se sentir aimé », ça ce n'était pas pour moi.

— Alors tu comptais...t'en aller sans un au revoir ? Après m'avoir mis à la porte de ta chambre ?

Allison parut estomaquée, la bouche grande ouverte.

— Je rêve ! rugit-elle. T'es en train de changer de sujet, ou je rêve ?

— Je t'ai ouvert mon cœur, Jenna.

— Et moi, répliqua la jeune femme, et moi alors ? Putain, Warren ! Tu ne te rends même pas compte. Tu n'es qu'un baratineur, pour toi tout ceci n'est qu'un jeu ! Comment séduire toutes les femmes qui croisent mon chemin en dix leçons. Crois-le ou non, mais j'ai sacrifié bien plus pour toi que tu ne pourras jamais te l'imaginer...et au nom de quoi ? Putain, je n'le sais même pas...

Elle finit sa phrase dans une mare de sanglots.

Confus, le métis essaya de s'approcher, mais elle lui intima de rester où il était. Elle s'adossa contre le mur en essayant d'arrêter ses pleurs. La situation était un poil risible. Elle qui au départ, était d'une force mentale terrifiante, elle se laissait aller à chialer pour un mec. Un mec, putain !

Pestiféré !

Il ne la méritait même pas. Il ne méritait pas tous les sacrifices qu'elle avait faits pour lui, et c'était ça le pire. Elle était revenue pour lui sauver la vie, et il ne le savait même pas. Elle avait mis sa propre vie en danger pour lui, elle avait tout perdu à cause de lui, et il ignorait tout cela. Elle s'en voulait tellement d'avoir été si stupide.

— Je ne voulais pas te blesser, couina Warren, je te jure que ce n'était pas mon intention.

— Laisse tomber, renifla Allison en fermant les yeux. C'est bon, j'ai...c'est de ma faute, tout est de ma faute...

— Je crois que...tu me plais, Jenna.

La concernée ricana derrière ses larmes.

— Bien sûr que non, siffla-t-elle. En réalité, Warren, tu me hais. Tu détestes tout ce que je suis et tout ce que je représente...

— Je te jure que c'est faux ! couina-t-il. Je sais de quoi j'ai l'air, en disant cela. C'est niais, c'est stupide et idiot ; mais le pire c'est que c'est vrai...

— Je ne suis pas celle que tu crois, gémit Allison. Tu ne me connais pas.

— J'ai envie de te connaître. Laisse-moi apprendre à te connaître, je t'en prie...

Allison esquissa un triste sourire, ombragé par ses larmes. Ses mains se trituraient en signe d'hésitation. Elle se demandait si ce qu'elle s'apprêtait à faire était une bonne idée. Son cerveau lui disait que non, son cœur hurlait le contraire.

Elle plongea son regard humide dans celui de Warren. Transpirant de justesse, de sincérité, d'amour...le regard océanique. Elle se mordit la lèvre inférieure pour étouffer un autre sanglot. Elle avait marre de mentir. À quoi bon, de toute façon ? Elle en avait marre. Tout ce qu'elle voulait, c'était être avec lui. Et c'était impossible ; alors à quoi bon, de toute façon ?

Une après l'autre, elle retira les lentilles brunes qui changeaient son regard. Dans celui de Warren, l'incompréhension fit surface.

Il connaissait ces yeux verts...

Allison tira sur la fine peau translucide qui modifiait la structure de son visage, et laissa tomber le tissu synthétique à ses pieds. Puis d'un geste lent et résigné, elle retira sa perruque blonde. Sa chevelure bleue nuit se libéra et coula sur ses épaules comme une cascade d'encre. Warren fit un pas en arrière. Quand il plongea son regard incrédule dans le vert jade de celui de la chirurgienne, il comprit. Il réalisa l'impensable.

Le cauchemar se fit réalité.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant