CHAPITRE 2 (2)

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— Bonjour, sourit Allison, je suis le docteur Mortensen, votre chirurgienne. C'est moi qui m'occuperai de la pose de votre pacemaker. Comment vous sentez-vous ?

Warren était captivé. Il y avait quelque chose chez cette pousse qui l'attirait. Quelque chose de différent, d'intrigant même. En cet instant, tout ce qu'il désirait, c'était de mieux la connaitre, de façon plus sécrète, plus profonde.

Du premier coup d'œil, il pouvait déjà dire qu'elle était du genre sauvage au pieu. Cheveux bleus, elle aimait attirer l'attention ; frange candide, pour inspirer l'innocence ; aucune alliance au doigt, ça voulait tout dire. Ils se dévisagèrent pendant longtemps, essayant de sonder l'âme l'un de l'autre. Au milieu d'eux, Kate semblait perdue.

— Docteure, l'interpella-t-elle, mon ami est beaucoup plus essoufflé que tout à l'heure. C'est normal ?

Allison fronça les sourcils et s'approcha du moniteur cardiaque qui affichait continuellement une courbe sinusoïdale. Warren suivit du regard son médecin. Son attention fut pendant un instant accrochée par la poitrine rebondie de la jeune femme. Il déglutit, le regard étincelant de désir.

Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas vu un si beau spécimen, parfait pour être la plante maitresse de sa serre. La voix douce de cette dernière l'extirpa de ses fantasmes.

— Votre tension est basse, remarqua-t-elle, et vous êtes un peu bradycarde.

— C'est bien ce que je disais ! s'affola Kate. Où ai-je mis mon téléphone ? Qui sait où est mon téléphone ? Je dois à tout prix infor...

— Ferme-là, Kate ! grogna-t-il malgré son souffle court.

— Ne vous inquiétez pas, la rassura Allison en un autre sourire, c'est tout à fait normal, vu son état. Après une injection intraveineuse de diurétiques, il ira beaucoup mieux...

Warren acquiesça avec un faible sourire à l'appui, ne se doutant pas de ce qui l'attendait. En effet, à cause de son hypersensibilité aux sulfamides, des diurétiques lui auraient fait plus de mal que de bien. Seulement quelques grammes, et il serait mort. Mais ça, bien sûr il l'ignorait...

Il tendit son bras vers la chirurgienne avec toute l'assurance du monde. Allison le prit avec douceur. À ce contact, des frissons implosèrent dans toutes les terminaisons nerveuses du malade. La chirurgienne essuya l'avant-bras du patient avec un bout de coton imbibé d'alcool. La sensation soudaine de froid fit sourire ce dernier, alors que son médecin lui insérait un cathéter dans la veine. Un bref éclair de douleur le traversa.

Le docteur Mortensen s'empara d'une ampoule de Lasilix, un sourire déconcertant plissé sur ses lèvres. Elle emplit la seringue du diurétique et connecta celle-ci au cathéter. Puis, lentement, elle commença à injecter le poison dans les veines du patient...

***

Des éclats de rire fusèrent dans l'atmosphère chaude.

— Mon Dieu, Easton je ne te savais pas si drôle ! s'écria Nelson Bonaparte en ramenant un verre de rhum à ses lèvres.

C'était un grand homme aux cheveux épars gris et de petits yeux sombres. Déjà quarante-sept ans qu'il dirigeait l'Agence, et pourtant il n'avait rien perdu de la vigueur de ses jeunes années.

— Ne t'inquiète pas, continua-t-il, Allison Mortensen est notre meilleure recrue. Je l'ai déjà moi-même vu réaliser des miracles au sein de l'Agence. Tu n'as rien à craindre. S'il y a bien une personne incapable d'échouer, c'est cette femme. Dans deux heures tout au plus, elle nous aura appelé pour nous annoncer la mort de ton grand frère...

— Ce serait un rêve qui se réalise, soupira Easton en vidant son verre.

Le jeune homme était plutôt fluet et élancé. Du haut de ses vingt-neuf ans, il ressemblait beaucoup à son frère, notamment au niveau de leurs chevelures bouclées et leurs visages émaciés. Easton était un bel homme, bien bâti et sculpté à la massette. Plus d'une fois, son sourire charmeur avait fait plier des cœurs rocailleux.

— Une fois que j'aurai repris Amity, je mettrai fin à ce...trafic de drogue qui a assez duré.

— Quelque chose m'intrigue quand même, répliqua Nelson. J'ai étudié le profil de ton grand frère, et je suis assez perplexe. Il n'a pas l'air du monstre que tu me décris.

Easton ne répondit pas directement. Il laissa son regard se perdre dans l'horizon languide. Ils étaient sur un patio immense, à l'ombre d'un parasol en macramé beige qui les protégeait du soleil parisien vorace. Le vent bruissait entre les immenses marronniers qui entouraient la propriété.

Aucun bruit extérieur ne traversait les murets qui délimitaient le domaine du chef. Tout ici était d'un silence tombal. En admirant l'immense villa montée sur deux étages, nul n'aurait pu se douter que cette belle bâtisse camouflait dans ses souterrains le QG de l'une des organisations criminelles les plus dangereuses du monde.

Au bout d'un certain moment, Easton reprit la parole :

— Mon frère est un manipulateur, expliqua-t-il. Et le pire c'est que personne ne s'en rend jamais compte. Déjà tous petits, il m'accusait des gaffes qu'il faisait derrière mon dos ; et nos parents le croyaient toujours innocent. Après tout, c'était censé être moi l'enfant rebelle et turbulent, j'ai la tête de l'emploi à ce qu'il parait.

« Quand nos parents sont morts, Warren n'a pas tardé à révéler son vrai visage. Transformer une pépinière en champ de drogue...tu y crois, toi ? Tout ce que je veux, c'est récupérer Amity et redorer le blason de l'entreprise familiale...c'est tout ce que je souhaite...pour ma mère...»

— Et nous t'y aiderons, nous l'avons promis, scinda Nelson en se servant un autre verre. Il huma la délicieuse odeur alcoolisée de sa liqueur et émit un grognement de satisfaction.

— Non, tu ne comprends pas. Mon frère est si manipulateur qu'il serait capable de retourner ton agent contre toi-même.

Nelson s'esclaffa en frappant dans ses mains.

— Je doute que nos agents soient assez stupides pour agir de la sorte, surtout Allison. La politique de l'ACD est assez stricte. Si le docteur Mortensen commence à se montrer dangereuse ou à mettre en péril la sécurité de l'Agence, elle sera éliminée sur le champ.

« Quand nous l'avons enrôlé, cette jeune femme ne connaissait pratiquement rien à l'univers de la médecine. Et avec tous les problèmes personnels auxquels elle faisait face, ça nous a pris dix-sept ans pour faire d'elle une véritable chirurgienne de Dieu. Aujourd'hui, elle est l'une de nos meilleures recrues. Je ne me fais aucun souci quant à l'accomplissement de sa mission. »

— Tout ce que je veux, c'est que mon frère meure.

— Et ton frère mourra, assura le chef. Il mourra ou soit, Allison Mortensen prendra sa place en enfer. 

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant