— L'anévrisme se situe au niveau de la partie ascendante de l'aorte, dicta la chirurgienne. Lame de 10. Passez localement deux milli de lidocaïne dans la région inguinale. Nous commençons...Tout le monde sembla d'accord avec l'approche du docteur Chabbat. Pendant un instant, Allison fut éblouie par les lumières des lampes scialytiques qui brillaient au-dessus d'elle. Elle déglutit, essayant de garder son calme.
Tout d'un coup, elle se souvenait de tous ces gens qu'elle avait couchés sur le billard, et qui ne s'étaient jamais relevés. Elle se souvenait des cadavres dépéris, des corps pourris, de toutes ces dépouilles qu'elle n'avait pas hésité à profaner de toutes les façons possibles. Alors...alors, son tour était arrivé ?
Alors, son tour était arrivé.
Margaux fit une incision au niveau de l'aine de la patiente. Tous les regards étaient rivés sur les écrans de radioscopie en face d'eux. Au bout d'un moment, le moniteur cardiaque de la patiente se mit à biper. Affolement. Allison sentit son souffle se couper. Sa bouche s'assécha et son visage prit un air effaré.
***
Après des minutes à le chercher dans tout l'hôpital, Iris Danvier tomba enfin sur le temps-plein à qui elle devait chiper la clé de la salle informatique. Elle l'avait finalement retrouvé à la bibliothèque de l'hôpital, le nez plongé dans une revue médicale aussi volumineuse qu'une mini-glacière.
Iris songea qu'elle avait raison : il n'était pas le genre à être invité au bloc chaque jour. Elle devait trouver un moyen de l'approcher, puis de lui parler et enfin de chaparder sa carte d'accès à la salle informatique. Ça ne devait pas être trop compliqué.
Enfin, elle l'espérait.
La bibliothèque n'était pas particulièrement pleine à cette heure de la journée. C'était une vieille pièce, peu éclairée, avec d'anciens livres dont certains servaient de refuge à des araignées.
Le bibliothécaire passait ses journées à dormir, comme un vampire harassé de la monotonie de sa longue existence. Les deux chirurgiens étaient à un coin retiré de la salle, à l'abri des regards, entre deux hautes étagères. C'était le rayon d'urologie. Ce titulaire était donc urologue...
Iris s'approcha peu à peu de lui, l'air d'examiner les livres alignés dans les rayons. Bientôt, elle se retrouva derrière le petit homme, au moment où il tournait la page de son bouquin.
De là où elle était, elle avait une vue plongeante sur la calvitie de sa cible. Elle ajusta les grandes lunettes devant ses yeux, essayant de reconnaitre l'ouvrage que celui-ci lisait. Lorsqu'elle discerna le titre annoté au bas de la page, elle sourit de malice.
— Excusez-moi, docteur, l'interpella-t-elle, ça fait une bonne demi-heure au moins que je marche dans ces rayons, mais je ne trouve pas ce que je cherche. Chirurgie urologique, de Grégoire Alembert... vous savez où je peux avoir un exemplaire ?
— Eh bien, répondit-il en se retournant vers l'externe, je crois que c'est celui que je suis en train de lire. Avez-vous besoin d'une information en particulier ? Je peux peut-être vous aider. L'urologie, c'est ma spécialité.
— Oui, s'écria Iris en se jetant sur la chaise près du chirurgien. J'ai parié avec mon interne sur un cas chirurgical. Selon vous, quelle serait la meilleure approche pour traiter un adénome de la prostate volumineux ? La résection trans-urèthrale, l'incision cervico-prostatique, ou encore l'adénomectomie sus-pubienne ?
Aucune des trois, bien sûr qu'elle connaissait la réponse.
— Eh bien, aucune des trois. Il existe une nouvelle technique qui consiste à vaporiser le tissu prostatique hypertrophié grâce à un laser HPS. Très peu de risques de complications, et seulement 48 heures d'hospitalisation.
— Purée ! grogna Iris. J'ai perdu 30 balles, alors.
Son interlocuteur ricana de bon cœur, la brune le suivit bientôt. Dans leur hilarité, elle aperçut le porte-carte du médecin dans la poche de sa blouse. La clé de la salle informatique devait assurément s'y trouver. Il ne manquait plus qu'à la récupérer...
***
— La tension baisse, informa l'une des infirmières, alors qu'un climat de panique s'appesantissait dans l'enceinte du bloc.
— Passez-moi un clamp, ordonna le docteur Chabbat sur un ton serein, j'ai dû érafler une veine. (elle gloussa, puis se tourna vers Allison) Calmez-vous. Regardez, je clampe, et le tour est joué !
Le bip du moniteur s'arrêta.
— La tension remonte.
— Vous voyez ? rigola Margaux. Aucune raison de s'inquiéter...
Bien sûr que si, pestiférée !
Allison comprit. C'était un avertissement. Margaux s'amusait avec elle. Elle jouait avec ses nerfs. Elle savait qu'elle avait peur. Elle était comme le lion qui s'amusait avec sa gazelle avant de la dévorer.
Mais Allison ne voulait pas être la gazelle. Elle n'avait jamais été la gazelle, et jamais elle ne serait la gazelle. Alors au lieu de continuer à se défendre, elle devait lancer l'offensive.
Elle devait être la lionne...
***
— En vrai, je rêverais d'en voir une. Une photo-vaporisation prostatique au laser, soupira Iris en prenant un air rêveur.
— Eh bien, sifflota le chirurgien, il y a des images quelque part par là. C'est déjà mieux que rien.
Il feuilleta les pages de l'ouvrage devant lui, s'humectant les doigts à chaque fois. Iris l'examina de plus près. Il avait l'air fatigué, les yeux cernés et le teint livide. Pourquoi ne profitait-il pas de son temps libre pour dormir ?
Il dormirait éternellement, le pauvre.
Iris se retint de rigoler de sa bonne blague. Alors que l'urologue continuait de feuilleter le livre en marmonnant qu'il y était presque, elle s'attarda sur le nom marqué sur la blouse blanche du chirurgien.
Docteur Griffin.
— Ah ! s'écria-t-il au bout d'un moment. Voilà, je savais bien que c'était là. Eh bien, regardez ça, une chirurgie au laser greenlight.
Iris s'approcha encore plus du docteur Griffin, se penchant vers lui comme pour bien examiner les images qu'il lui présentait. L'urologue baissa les yeux et se retrouva presque avec le nez dans la poitrine menue de l'externe.
Il rougit comme une pivoine. Pendant un instant, ses neurones furent court-circuités par le parfum de lait d'amande de la demoiselle. Iris, l'air un brin innocent, rajusta une mèche brune qui pendait devant ses yeux.
— Fascinant, s'émerveilla-t-elle.
— C'est le cas de le dire, déglutit le docteur Griffin en s'éclaircissant la gorge.
— Ils introduisent un cytoscope par le canal de l'urètre jusqu'à la prostate. Je n'avais encore jamais vu ça !
Lui non plus, apparemment...
— Je vous trouve très brillante, s'extasia ce dernier, difficile de croire que vous êtes seulement externe...
— C'est vrai ? Vous me trouvez brillante ? demanda-t-elle sur une voix lascive en lui offrant son sourire le plus aguicheur.
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LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1
Mystery / ThrillerAllison Mortensen fait partie de l'Agence des Chirurgiens de Dieu, une organisation criminelle formant secrètement des chirurgiens à l'art de tuer. Quand la jeune femme reçoit sa toute première mission à Londres, elle ne se doute pas de ce qui l'att...