CHAPITRE 12 (1)

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— Vous aviez raison. Les résultats du labo montrent que l'eau que vous aviez consommée contenait de l'Arsenic, et d'autres substances encore non-identifiées, exposa Yan. C'est une chance que vous ayez survécu.

— J'en étais sûr, grogna Nelson. Les caméras ont été trafiquées, on ne voit personne rentrer ou sortir de ma maison.

— Qui pourrait être assez stupide pour s'en prendre à vous ? Un professeur ? Un étudiant ?

— La bonne question c'est : qui pourrait être assez intelligent pour y arriver ?

Yan parut réfléchir à la question, ses doigts triturant le briquet mauve dans la poche de sa blouse blanche, un cadeau de son grand-père dont il ne se séparait jamais. Nelson Bonaparte avait tout de même raison.

Il était le chef de l'Agence, c'était lui qui avait appris au châtain tout ce que ce dernier savait en matière de meurtre. Ici, à l'ACD, il était presque un Dieu. Il avait littéralement révolutionné l'art du meurtre parfait.

En ce sens, son assassin devrait avoir une maitrise absolue du métier, une méticulosité irréprochable et un sang-froid indéniable. À part quelques rares professeurs, le docteur McFarland ne voyait pas qui pouvait réunir toutes ces qualités à l'Agence...

— Tout ça, reprit le chef, c'est un coup d'Easton Eastwood ! On s'est croisé ce matin, lorsque je revenais de mon footing. Il semblait très surpris de me voir en vie.

— Un footing ? C'est dangereux, monsieur. Vous vous remettez à peine d'un empoisonnement...

— À part quelques légères crises de céphalées et des nausées persistantes, tout va bien. Pour l'instant, ce n'est pas de moi dont il faut s'occuper, mais de l'Agence.

— Vous pensez qu'on devrait mettre le bâtiment sous quarantaine ?

— Ça ne servirait à rien, l'ennemi est déjà entre ces quatre murs. Je pense surtout que vous devez vous assurer que le docteur Mortensen termine au plus vite cette satanée mission. Il n'y a que comme ça qu'on peut se débarrasser d'Easton Eastwood. Il ne lui manque plus que quelques heures à votre recrue. D'ailleurs, pourquoi ça a pris autant de temps ?

Nelson avait posé tout haut la question que tout le monde se posait en silence. Pourquoi ça avait pris autant de temps ? Pourquoi Warren n'était-il pas encore à la morgue, ou six pieds sous terre ? Allison était connue pour sa capacité à être astucieuse et déterminée.

Dès le départ, elle s'était imposée comme une référence à l'ACD, un modèle à suivre dans ce monde où on ne survivait pas sans crocs. Sa renommée s'était répandue comme une traînée de poudre. On n'avait plus connu une telle effusion depuis...Margaux Chabbat.

Tout le monde s'attendait à ce qu'en à peine quelques heures, elle téléphone à l'Agence pour lâcher un « mission accomplie ». Mais force était de constater que ça traînait trop.

Beaucoup trop...

— Allez à Londres, docteur McFarland. Je veux avoir une confirmation dès cet après-midi, que le travail a été fait.

— Je dois rester ici pour vous protéger !

— Pas besoin, siffla Nelson. Je suis un peu vieux, mais croyez-moi je sais encore me défendre. Mon opposant a pu bénéficier de l'effet de surprise pour son premier coup ; mais il ne m'aura plus si facilement...

— D'accord, je vais à Londres, acquiesça Yan en tournant les talons.

— Faites attention à vous.

— Vous aussi, monsieur...

Cette fois, Warren Eastwood ne survivrait pas. Avant que le soleil ne se couche, il serait mort. Yan s'en chargerait personnellement...

***

En arrivant chez elle, Emma sentit tout le poids de cette longue soirée de garde lui peser sur les épaules. Sa relation avec sa tante ne faisait qu'empirer avec le temps, et elle ignorait pourquoi. Au final, elle se demandait si elle ne devait pas en parler à sa mère. Mais à la pensée de devoir se rendre aux Alcooliques Anonymes pour discuter avec sa génitrice, elle abandonna rapidement l'idée.

L'odeur sucrée des pancakes l'accueillit lorsqu'elle ferma la porte derrière elle. Au bout du compte, elle devait peut-être arrêter de s'appesantir sur le sort de Warren Eastwood comme elle le faisait depuis le départ ; car ce n'était pas le plus important. Le plus important, c'était son mariage dans un mois. Elle devait se concentrer sur l'essentiel.

L'essentiel c'était ça, cette odeur de pancakes qui lui rappelait combien son fiancé l'aimait. Le bruit des casseroles qui tombaient à la cuisine, lui réitérant chaque jour que Terry avait deux mains gauches mais était un fin cordon bleu. Elle avança vers la cuisine.

Il se tenait là, torse nu devant le réchaud électrique, occupé à faire vaciller des crêpes dans une poêle. Il n'y avait pas que les crêpes qu'il faisait vaciller, d'ailleurs. Le cœur d'Emma soubresauta dans sa poitrine. L'essentiel, c'était lui, l'homme à qui elle allait dire oui dans un mois.

Elle avait passé la nuit à surveiller Warren, et n'avait donc pas vu son fiancé depuis hier matin.

— Déjà de retour ? La garde t'a tant épuisé que ça ?

— Non, tu me manquais trop, murmura-t-elle en l'enlaçant par-derrière.

Elle ne lui raconta pas sa matinée pourrie, ni l'altercation avec sa tante. Elle se contenta de poser sa tête contre le dos de son fiancé et humer son odeur corporelle à la fois âpre et envoûtante. Elle ferma les yeux. Terry était un justicier. Il sauvait des vies chaque jour. Il l'avait toujours fait. Il savait redonner l'espoir aux gens qu'on avait dépouillé de tout.

Parfois, il lui faisait penser à ces héros de bandes dessinées, si parfaits dans leurs costumes de demi-dieu. En un sens, il était son idole et son idéal. Tout ce qu'elle faisait, c'était pour lui ressembler.

— Dans quelques secondes, prévint le brun, je vais me mettre en colère contre toi et te crier dessus. Si tu es psychologiquement prête à encaisser, tu peux rester. Sinon, pars.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant