CHAPITRE 42 (2)

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— Courrez, je vais le retenir, murmura Allison.

— Alli...

— Ne discute pas, Yan ! Passe-moi l'arme à feu de Geffrah. Il est temps que ma vie serve à quelque chose.

— Allison, s'il te plait...

— Les mains en l'air ! réitéra Terrence.

— L'arme, Yan.

Il la lui donna, le plus discrètement possible. Allison ferma les yeux, inspira et sourit, prête à accepter l'issu de cette altercation, quelle qu'elle soit.

— Sauvez-vous, MAINTENANT !

Elle ponctua sa phrase en tendant le pistolet vers Terrence. À la vitesse de l'éclair, elle ouvrit les hostilités, permettant à ses compagnons de s'enfuir. Mais l'inspecteur ne tarda pas à répondre en tirant à son tour.

Allison se dissimula derrière la voiture pour éviter les balles, mais revint rapidement à la charge. Cela permis à Yan, Mei et sa fille de monter dans l'hélicoptère, qui commença son ascension dans les cieux.

Pour la première fois de sa vie, Allison se sentit véritablement utile. Elle sentit que quelque part, elle avait de la valeur.

Warren serait si fier d'elle...

Elle releva la tête et vida son chargeur. C'était son moment ; le moment de tout donner. Le moment de prouver sa valeur. De montrer au monde entier qui elle était vraiment.

Allison Mortensen.

Elle tira, tira, tira encore. Et peut-être un coup du destin, peut-être un coup du sort, la dernière balle atteignit Terrence Kruger en plein cœur. Il s'était relevé au mauvais moment, pour la dernière fois de sa vie avant de s'effondrer à jamais.

Quand elle réalisa ce qu'elle avait fait, elle en profita pour foncer droit vers l'hélicoptère, qui était déjà monté bien haut. L'échelle se dévala, et la jeune femme s'y accrocha. Elle entama la montée, balançant au gré du vent, respirant d'un air nouveau. Elle avait réussi. Elle avait tout donné, et elle avait réussi.

Au loin, elle aperçut une femme en robe blanche accourir vers l'inspecteur à l'agonie, dont la chemise bleue se teintait de rouge. Allison reconnut l'infirmière qui lui avait longtemps mis les bâtons dans les roues. Malgré la distance qui les séparait et le vacarme des pales de l'hélicoptère, elle entendit la jeune mariée pousser un hurlement déchirant sur le corps sans vie de son époux.

La veuve leva ensuite le regard vers l'hélicoptère. Et en ce moment, malgré la hauteur, Allison perçut dans ses yeux tourmentés une rage et une soif de justice incommensurable.

De vengeance, peut-être...

Mais elle n'en avait plus rien à foutre. De toute façon, elles ne se reverraient plus jamais. Emma Jones avait peut-être remporté plusieurs batailles, mais Allison avait gagné la guerre.

C'est un grand sourire aux lèvres, qu'elle s'engouffra dans l'appareil. Mais son sourire s'effaça aussitôt, quand elle vit tout ce sang...

Elle comprit l'horreur...

— C'est Mei ! lui hurla Yan.

— Elle a...elle a été touchée ? déchanta Allison.

— Il faut faire quelque chose, la supplia son mentor.

Allison aurait très bien pu laisser Mei mourir...après tout, elle ne l'aimait pas tant que ça. Cette femme les avait trahis. Pourquoi essaierait-elle de lui sauver la vie ?

L'Allison d'avant n'aurait rien tenté, aurait clamé qu'elle avait mieux à faire que de sauver une vie. Mais celle d'aujourd'hui avait compris...il n'y a rien de mieux que de sauver une vie. Rien ne valait le plaisir de se donner pour les autres.

Elle le réalisa finalement là, devant cette femme grièvement blessée, et seules ses mains de Dieu pour la sauver.

— La balle est ressortie ? demanda-t-elle en se penchant au-dessus de Mei.

— En dessous de la septième côte, oui. C'est un très gros trauma...

— Il me faut une voie. Je vais passer en-dessous de la sous-clavière. Son thorax est plein de sang, dicta la chirurgienne en palpant l'abdomen de la blessée. Il lui faut un drainage bilatéral. On a le matériel pour une laparotomie exploratrice ?

— Nous sommes dans un hélicoptère ! héla Yan en guise de réponse.

— Il y a une boite de premier secours sous le siège, appuya son père aux commandes. Je crois qu'il contient un bistouri et des compresses hémostatiques. C'est du matériel à Elena. Mais c'est très peu.

— Ok, on va faire avec, répliqua Allison en s'emparant de la boite plastique. Elle l'ouvrit et récupéra le bistouri encore emballé. Mei...Mei, vous m'entendez ?

— Elle a perdu connaissance dès qu'elle est entrée dans l'hélico, expliqua Yan en enfouissant le visage de la petite Jia-Li entre ses bras, pour qu'elle ne soit pas témoin de cette horreur.

Allison incisa le thorax de la blessée et du sang gicla sur son démembré gris. Elle inséra ensuite un tube dans la plaie pour permettre à Mei de respirer.

Elle lui sauvait la vie. Aussi fou que ça puisse paraitre, elle sauvait la vie à cette femme, pas parce qu'elle l'aimait, pas parce que Yan l'aimait, mais juste parce que c'est ce qu'il fallait faire.

— Passe-moi des compresses.

— Il n'y en a que deux, siffla le mentor.

— C'est peu ! Il faut...oh non, ça ne peut pas suffire, il faudrait...

— Allison...

— Du sucre ! s'écria-t-elle. Vous en avez ? Passe-moi trois sachets. Le sucre agit de la même manière que les antibiotiques. Les granules absorberont toute l'humidité qui permet aux bactéries de se développer. C'est une solution temporaire jusqu'à ce qu'on arrive. Passe-moi le sucre, Yan.

Il obtempéra, et Allison en versa sur la plaie, avant de colmater le tout grâce à la compresse hémostatique afin d'arrêter l'hémorragie. Bientôt, l'état de Mei se stabilisa.

Les deux chirurgiens soupirèrent. Mission accomplie. Ils avaient réussi. Elle avait réussi...

Allison soupira en souriant, les yeux embués, les mains appuyant sur les compresses. Elle tiendrait le temps qu'il faut. L'éternité même, si nécessaire. Car le bonheur qui baignait son propre cœur en cet instant, était la meilleure chose qu'elle eut jamais ressentie, de toute sa vie.

L'hélicoptère planait loin au-dessus de la ville, en partie fondu dans les nuages lactés. C'était une journée splendide. Le soleil déversait ses paillettes lumineuses sur la Tamise en contrebas, illuminant la verdure d'une teinte émeraude royale.

Et alors qu'Allison savourait sa première victoire sur la mort, elle repensa à lui. Lui, l'homme par qui toute transformation s'était opérée. Un sourire masqué étira à nouveau ses lèvres. Elle était délivrée. Aujourd'hui, elle était vraiment une chirurgienne. Et le monde entier s'ouvrait à elle.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant