— Je l'ai trouvé là, dans ma chambre. J'ai passé toute la journée dans mon bureau, je viens à peine de rentrer. J'étais épuisé, alors je me suis servi un verre d'eau. Sur le coup, je ne me suis pas rendu compte que ce n'était pas moi qui l'avais posé là.— Qui donc ? s'enquit Yan. Qui d'autre connaît votre code secret ?
— Je n'en sais rien, répondit son chef, mais le coupable paiera de sa vie, ça je peux vous le garantir.
Nelson marcha vers la salle de bain et se rinça la bouche cette fois avec l'eau du lavabo. Il revint plus tard vers Yan, qui n'avait pas quitté sa position. L'alarme s'était arrêtée et le calme était revenu. Le châtain avait toujours chaud à cause de la forte activité physique qu'il avait dû endurer des minutes plus tôt, et même avant.
— Je suis sûr que c'est cet enfoiré d'Eastwood.
— Warren ?
— Son frère ! Il m'a menacé d'en finir avec moi si jamais Warren survivait.
— Mais Allison a encore un jour, non ?
— Je crains qu'elle n'ait pu tout ce temps. Easton est un malade. Il est prêt à tout pour voir son frère mort. Il n'attendra pas avant de tout mettre sens dessus dessous.
— Mais pourquoi ne le virez-vous pas de l'Agence.
— J'ai mes raisons, rétorqua Nelson, ne vous souciez pas de ça. Il n'y a que le cas du docteur Mortensen qui doit vous préoccuper.
— Il faut qu'on agisse.
— Et j'aurais besoin de vous pour ça, docteur McFarland...
***
Lorsque Allison arriva le lendemain à l'hôpital, elle eut le déplaisir de constater qu'on l'avait programmé pour une chirurgie de l'aorte thoracique dans la matinée, une opération qui lui prendrait approximativement cinq heures de son temps.
En outre, trois résidents lui avaient été assignés, de quoi lui compliquer un peu plus la tâche, apparemment. Tant pis, se dit-elle. Qu'importe ce qui se mettait au travers de son chemin, c'était aujourd'hui ou jamais.
Aujourd'hui ou jamais...
La jeune chirurgienne dût attendre la fin de la matinée pour enfin voir un trou dans son emploi de temps. À maintes reprises, elle avait été tentée de tuer son patient pour en finir au plus vite. Mais elle s'était vite résignée, ne voulant pas tout foirer si près du but.
À présent, elle était libre et pouvait donc s'occuper du cas de Warren. Elle se débarrassa de ses résidents, les envoyant tantôt aux post-op, tantôt s'occuper de ses dossiers. C'est ainsi qu'à midi moins le quart, elle entra seule dans la chambre de la cible.
Elle fut d'abord éblouie par les rayons du soleil méridional qui pénétraient dans la pièce. Puis son regard se posa sur Warren. Une décharge électrique l'ébranla et elle enfonça ses mains dans les poches de sa blouse. Ce regard...ce regard océanique. Au final, le revoir lui faisait plus de bien qu'elle n'aurait jamais assez de courage de l'avouer.
— Pendant un instant, minauda le métis, j'ai cru...que tu ne voulais plus me...revoir. J'ai eu droit...à des résidents pour la visite.
— Tu es toujours autant essoufflé ?
— Non, avoua-t-il, c'est toi qui me mets dans cet état.
Non. Non, il fallait qu'elle reste concentrée. Même s'il l'aimait. Même s'il la désirait et qu'elle en était toute émoustillée. Elle n'allait pas se laisser prendre encore une fois dans les filets de cet homme. Chaque chose qu'il disait, chaque fois qu'il la regardait comme ça, brûlant de désir, elle se sentait se liquéfier de l'intérieur.
Il n'avait même pas besoin de se forcer pour être séduisant. Sa silhouette assombrie en partie par le contre-jour était séduisante. Sa chevelure bouclée noire autour de laquelle auréolait le soleil du midi était séduisante. Son demi-sourire sous sa fine moustache était séduisant. Il était putain de séduisant, ce mec ! Et bon Dieu, il l'aimait !
Elle devait absolument rester concentrée. Elle était venue dans cette chambre pour une seule raison, en finir avec cette mission.
— Allison...j'ai tant envie de t'embrasser...
Et moi de te tuer, Warren...
— Et en même temps, continua l'alité, j'ai tant peur que tu me rejettes encore. Mais je meurs...d'envie de t'embrasser.
Pestiféré ! Meurs tout court, pitié...
Aurait-elle le courage de s'avouer qu'elle en mourrait également d'envie ? Elle ne put que rester la bouche close, le palais terriblement sec.
— Me repousserais-tu encore ?
Non, bien sûr que non, se hurlait Allison. Dans son corps, il y avait un mélange de sensations étranges, des sensations qu'elle n'avait jamais expérimentées. Pourquoi se sentait-elle ainsi, aussi faible ?
Bilan : jambes flageolantes, pouls filant, frissons. Diagnostic. Empoisonnement ? Surmenage ? Malaria ?
— Non, continua Warren en tournant le regard du côté de la fenêtre. Non, ne répond pas. Oublie d'ailleurs ça. C'est limite du harcèlement. Oublie ça.
— Warren...
— J'ai ouï dire que c'est grâce à toi que je suis encore en vie.
— Oui, expliqua Allison, il y a eu des complications au bloc, mais le docteur Winfrey et moi-même...avons réparé les dégâts...
— Merci, docteur Mortensen.
Il y avait quelque chose de terriblement sensuel dans sa voix. Allison sentit ses inhibitions la lâcher une à une. C'était comme si en cet instant, son unique dessein, le but ultime de sa vie était d'embrasser celui qu'elle était supposée tuer.
Putain de fiotte !
Elle posa la main sur celle de son patient, et ce contact lui procura des frissons. Elle se sentit baignée dans son amour, noyée dans ce désir qui depuis le début, ne la laissait pas indifférente. Elle le contempla intensément, la bouche entrouverte, les prunelles dilatées, le souffle court.
Warren et elle s'échangèrent un regard lascif, encore plus éloquent que toutes les paroles qu'ils auraient pu prononcer sur le coup. En un regard, ils partageaient une histoire, un désir commun, quelque chose qui les dépassait tous les deux. Leurs pensées étaient comme connectées. Le temps s'était arrêté. Ils étaient désormais seuls au monde, le silence leur témoin.
Aimantés par cette soif sulfureuse qui les tourmentait, leurs visages se rapprochaient l'un de l'autre en dépit de leurs volontés. Un baiser, c'était tout ce qu'ils auraient souhaité partager. La concupiscence faisait lâcher chacune de leurs inhibitions, une à une.
Mais au moment où leur désir allait se transformer en plaisir, la demoiselle s'enfuit de la chambre sans demander son reste...
VOUS LISEZ
LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1
Mistério / SuspenseAllison Mortensen fait partie de l'Agence des Chirurgiens de Dieu, une organisation criminelle formant secrètement des chirurgiens à l'art de tuer. Quand la jeune femme reçoit sa toute première mission à Londres, elle ne se doute pas de ce qui l'att...