CHAPITRE 16 (2)

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— Moi aussi, dit-elle, le pouvoir m'a toujours intéressé. Tout compte fait, tu n'es peut-être pas aussi inutile que tu le laissais paraître.

— Que dois-je comprendre de ça ? demanda Easton en soutenant le regard de l'adolescente.

Cette dernière saisit le col de sa chemise noire et approcha son visage du sien. Plus que quelques centimètres les séparaient. L'électricité flottait dans l'air.

— Je commençais à te trouver intelligent, ne gâche pas tout. Mais le pouvoir de Nelson Bonaparte ne sera pas facile à arracher, même après sa mort.

— J'ai mes plans.

— Oh...

— Plus qu'une minute, souffla l'homme.

— Plutôt trente secondes, répliqua la femme.

Ils restèrent ainsi pendant de longues secondes, personne n'osait bouger. Les deux êtres semblaient ainsi résister à cette impulsion magnétique qui les attirait indéniablement l'un vers l'autre.

— Tu es sûr qu'il ne s'échappera pas cette fois ?

— Je ne suis pas contre un pari, répliqua Iris Danvier. Je quitte l'Agence s'il survit. Sinon, tu m'embrasses...

— On le saura dans...dix secondes, miaula Easton en hasardant un coup d'œil vers sa montre.

Mentalement, ils se mirent à égrener les secondes. Le temps semblait s'être étiré à l'infini. Les secondes paraissaient des heures. Ce supplice était insupportable. L'attente, insupportable.

— Comment saura-t-on qu'il est mort ?

— Tu le sauras dans cinq secondes...

Elle avait à peine fini sa phrase, qu'une sourde déflagration se fit entendre au-dessus de leurs têtes. L'onde de choc fit trembler la verrerie et se répandit en écho dans le laboratoire. L'instant d'après, les lumières s'éteignaient.

Le gyrophare d'urgence rouge se mit à clignoter dans la pièce, accompagné d'un bruit strident. Rouge comme la passion, rouge comme le sang qui coulait là-haut. Iris émit un sourire en coin ; sourire qu'Easton se dépêcha d'avaler en un baiser sulfureux.

Car Nelson Bonaparte était mort, et son régime, tombé.

***

Emma mit le pied hors de la baignoire avec beaucoup de précaution. Jamais de sa vie elle ne s'était retrouvée dans une situation aussi stressante. Elle avait l'impression que son propre cœur voulait se faire la malle.

Elle arriva près de l'entrée de la salle de bain, et plaqua son oreille contre le bois blanc froid. Les voix des interlocuteurs étaient distantes. Elle ouvrit la porte et se glissa dans la chambre adjacente. Elle ne se rendit pas compte que ses baskets laissaient des traînées ensanglantées derrière elle.

Elle traversa la grande chambre en vitesse. Elle se rassura ensuite que la pièce était vide, par un coup d'œil discret à travers l'entrebâillement de la porte. C'était le cas, mais pas totalement. Allison et son mentor se trouvaient dans le bar, ce qui signifiait qu'ils avaient une vue directe sur le salon.

Emma sortit de la chambre et se baissa derrière un immense vase de porcelaine. Elle essuya une goutte de sueur qui coulait sur son front. De sa cachette, elle pouvait voir son sac sur le canapé. Il fallait qu'elle réussisse à l'atteindre sans se faire remarquer. Et aussi qu'elle arrête de pleurer.

— Réponds-moi honnêtement, siffla Yan en se servant un nouveau verre de liqueur, tu as fait exprès de ne pas administrer la toxine à la cible ? Tu l'as encore protégé là, pas vrai ?

— Je n'en sais rien.

— Tu es amoureuse de lui ?

— Je n'en sais rien...

Emma se traîna derrière la petite bibliothèque et s'y terra. Elle se rapprochait un peu plus de son sac. Son cœur était si contracté dans son thorax qu'elle crut faire un infarctus. Soudain, la sonnerie d'un téléphone retentit dans l'appartement. Pendant un instant, l'infirmière crut décéder sur place.

Elle reprit en partie ses esprits lorsqu'elle réalisa que ce n'était pas son cellulaire. Allison jura en se rendant compte que c'était le sien, et qu'elle l'avait laissé dans son sac à la chambre.

— Merde, qui c'est ? Et où ai-je mis ce putain de sac ?

Les yeux injectés de sang, elle fonça dans sa chambre, laissant Yan avec son verre de liqueur. Au même moment, le regard de ce dernier tomba sur la sacoche balancée avec négligence sur le sofa.

— Il est là, ton sac ! cria-t-il.

Emma Jones sembla comprendre qu'elle était faite comme un rat. Elle se tourna et vit toutes les traces de sang qu'elle avait laissées derrière elle.

— Ce n'est pas le mien, tonna Allison en apparaissant à nouveau, les yeux exorbités et son sac entre les mains. Il y a...un intrus...

Emma n'attendit pas le reste de la phrase. Un flot d'adrénaline se déversa dans son organisme. Ses pieds la propulsèrent vers sa bandoulière et elle s'en empara comme si ce petit sac contenait sa vie et sa survie. En un sens, c'était vrai.

Elle récupéra son arme et le braqua vers Allison sans réfléchir. La surprise se peignit sur le visage livide de la jeune chirurgienne. Le verre de Yan lui échappa de la main et se fracassa sur le carreau, ce qui lui valut d'avoir l'arme d'Emma pointée sur lui.

— N'avancez pas ! hurla-t-elle jusqu'à en perdre la voix. Un seul mouvement, et je tire !

— Toi...soupira Yan.

— Ne bougez pas. D'une minute à l'autre, mon fiancé arrivera avec des renforts.

— Baisse ton arme, tonna Allison d'une voix si froide qu'elle aurait pu congeler sa collègue sur place.

— La ferme ! Qui es-tu ? Pour qui travailles-tu, nom de Dieu ?

— Ne dis rien, paniqua Yan.

— Je vais te répondre, siffla Allison comme un serpent au repos, en faisant un pas en avant.

— N'avancez plus ! s'effraya Emma en faisant un pas en arrière.

— Putain, Alli ! hurla le châtain.

— Elle ne va pas tirer, soupira Allison en faisant un autre pas en avant.

Mais c'était mal juger la quantité d'adrénaline qui coulait dans les veines d'Emma Jones en cet instant-même. Car au même moment, prise de panique, la blonde appuya sur la détente. La détonation fit trembler les murs de l'appartement...

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant