CHAPITRE 7 (1)

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— Sur cette table, il y a une vingtaine d'organes humains. Tu devras tous les reconnaitre au toucher. Tu as trente secondes.

Tout en parlant, Yan croisa ses pieds sous la table et ponctua sa phrase d'un soupir las. Il dévisagea ensuite la recrue devant lui. Rien qu'à l'air terrorisé qu'affichait celle-ci, le mentor savait que cet étudiant était déjà recalé avant même qu'il n'ait commencé le test.

Il n'y avait vraiment que des poules mouillées par ici, c'était lamentable. De son temps, songea-t-il, on formait de véritables chirurgiens de Dieu ici. La concurrence était rude naguère, mais aujourd'hui il avait l'impression que le navire chavirait. Le niveau était médiocre, vraiment médiocre.

Bandeau sur les yeux, l'interne prit une petite poche verdâtre et toute gluante entre ses mains. Dégouté, il la relâcha en poussant un hurlement aigu et s'essuya les mains sur sa casaque.

— Plus que vingt secondes, tonna Yan en roulant des yeux.

— Une...vésicule biliaire, murmura-t-il. Puis il toucha un autre organe en forme de haricot. Un...un estomac ?

— Faux, un rein. Suivant ! hurla le prof sur un ton exaspéré. Vous êtes recalé.

C'était quand même incroyable, de voir qu'il y avait des recrues de l'Agence qui ne parvenaient même pas à différencier un rein et un estomac. Enfin, personne de normalement constitué ne pouvait avoir un rein aussi gros qu'un estomac !

Décidément, cette promotion n'était composée que de toquards. Aucun d'eux n'avait l'étoffe d'un noble chirurgien de Dieu.

Enfin, à une exception près...

Iris Danvier était l'un des meilleurs éléments de toute l'Agence, Yan n'en doutait pas. Elle était d'ailleurs la seule à remonter le niveau de cette promotion nulle. Ses longs cheveux noirs lui arrivaient presque aux hanches, et ses grands yeux bleus dissimulaient beaucoup de malice.

Elle n'avait que dix-sept ans, et pourtant son intelligence n'avait d'égal que sa beauté à nulle autre pareille. Lorsqu'elle se positionna devant la table métallique, Yan ne put s'empêcher d'admirer son allure et sa prestance. Cette femme savait ce qu'elle faisait, et n'avait pas peur de le montrer.

— Docteur Danvier. Vous connaissez l'épreuve, dicta-t-il.

— Trente secondes pour reconnaitre vingt organes, répondit-elle.

— Vous pensez en être capable ?

— Je pourrais vous donner vingt orgasmes en trente secondes, plaisanta Iris en nouant son bandeau. Ce ne sont pas vingt organes atrophiés qui vont me surpasser. Lancez le chrono.

Sa main ne faisait qu'effleurer des bouts d'organes, qu'elle parvenait sans difficulté à les nommer.

— Belle vessie, sourit-elle en tâtant un morceau de chair rosé traversé de veinules. Là, c'est un pancréas. Vésicule billaire, testi...vous n'avez pas osé !

— Si, s'esclaffa Yan.

— Vous allez me le payer, docteur McFarland.

Un à un et à une vitesse fulgurante, elle reconnut tous les organes à sa disposition. À la fin, elle se débarrassa de son bandeau et demanda son temps au mentor.

— Quinze secondes.

— J'ai battu le record du docteur Mortensen ? s'enquit la brune en écarquillant ses yeux bleus.

— Vous avez le même temps.

— Purée ! jura Iris en sortant de la pièce en rogne. Purée, fichue paire de couilles !

Yan ne put s'empêcher de rigoler. Décidément, elle finirait bien par le surprendre, cette petite. Il n'avait encore jamais vu d'élément si prometteur à l'Agence. Même lui, ça lui avait pris dix-sept secondes pour reconnaitre tous les organes. Il ne s'était pas encore remis de son hilarité, que déjà son téléphone vibra dans sa poche.

C'était Allison...

— J'ai comme un petit problème, Yan...et il faut à tout prix que tu m'aides...

***

L'heure de l'opération de Warren Eastwood approchait à grands pas. Allison n'avait plus eu le temps de revoir le patient, autour de qui l'infirmière Jones ne cessait de rôder. Elle avait rigoureusement surveillé tous les médicaments préopératoires qui étaient administrés à Warren, et Allison avait fini par se rendre à l'évidence : ce qu'elle voulait à tout prix éviter était arrivé...elle était persuadée qu'Emma Jones avait retrouvé la seringue contenant le poison ; ce n'était qu'une question de temps.

Et elle était coincée ici. Il ne lui manquait plus qu'à espérer que Yan fasse quelque chose pour la tirer de cette mauvaise passe.

Le patient était au sas de préparation depuis une bonne vingtaine de minutes, tandis que la plupart des médecins assignés à l'opération s'apprêtaient dans la salle de désinfection. Geffrah entra dans la pièce et s'approcha des robinets, dont le flot d'eau courante était le seul élément à troubler le silence pesant de la pièce aseptisée.

— Qu'est-ce que vous faites là ? s'inquiéta Allison.

— Mon patient était trop instable pour supporter l'opération, on a dû le refermer. Alors j'ai un peu de temps libre devant moi. Je vous rejoins au bloc.

Ah ! De mieux en mieux.

— Alors, continua la cheffe en se frottant les mains, vous êtes prête ?

— Je le suis depuis que j'ai fini l'école de médecine, répondit Allison.

— Je vous fais confiance, ne gâchez pas tout.

— Ce n'est qu'une pose de pacemaker, cheffe. Je pourrai la réaliser les yeux clos. Mais je vous rassure, ils seront bien ouverts...

Au même moment, une infirmière vint chuchoter à Allison que le patient souhaitait lui parler seul à seul avant l'opération.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant