CHAPITRE 6 (2)

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Néanmoins, Terrence n'arrivait toujours pas à faire taire la petite voix qui murmurait dans sa tête qu'il ne la méritait pas. Ils étaient ensemble depuis trois ans déjà, et pas une fois il ne s'était senti assez bien pour elle. D'ailleurs, ses collègues n'arrêtaient pas de le lui rappeler. Emma était exceptionnelle, et personne ne l'avait cru quand il avait annoncé leurs fiançailles. Pas même ses mères.

Tout le monde trouvait qu'Emma méritait mieux que lui, même s'ils ne le disaient pas de vive voix. Leurs regards le prouvaient. Et lui aussi commençait sérieusement à le penser. Il avait tellement peur de la perdre.

Peut-être était-ce la raison pour laquelle il exauçait le moindre de ses souhaits. Peut-être était-ce la raison pour laquelle il était aussi protecteur avec elle, et plutôt jaloux. Peut-être était-ce la raison pour laquelle, parfois quand elle sortait de l'appart avant lui, il en profitait pour fouiller dans ses affaires...

Certains l'auraient traité de psychopathe. Mais Terrence savait qu'il ne l'était pas. Ce matin, sa fiancée était allée dans la salle de bain pour répondre à un appel. C'était la preuve qu'elle lui cachait quelque chose.

Peut-être avait-elle un amant...

Le brun avait déjà fini de retourner les tiroirs de sa future épouse, et il s'était attaqué à sa petite armoire. Emma venait de se rendre à l'hôpital, alors il en profitait pour farfouiller et fouiner un peu. Heureusement, sa fiancée n'était pas le genre de femme chez qui on trouvait un dressing plein à craquer. Trois tenues et deux paires de baskets lui convenaient tout à fait.

Au bout de plusieurs minutes de fouille, il soupira de soulagement, n'ayant rien trouvé de compromettant. Il savait qu'il pouvait faire confiance à Emma. Jamais elle ne lui avait caché quoi que ce soit, il ne savait même pas pourquoi il était autant à cran sur le sujet. Encore une fois, il s'était fait des films. Peut-être, songea-t-il, que c'était le mariage imminent qui le stressait autant...

Il jeta un coup d'œil à sa montre, qui affichait neuf heures cinq. Il était déjà en retard pour le boulot. Emma devait être arrivée à l'hôpital depuis une bonne trentaine de minutes. Il se débarrassa de son polo noir et le balança dans le panier à linges. Le bout de tissu retomba au-dessus d'autres vêtements sales, dont celui que l'infirmière avait porté la veille.

Comme si le sixième sens du policier s'était alarmé, il fixa le jean noir dont un pan flottait maladroitement hors du panier d'osier. Terrence s'en approcha à pas feutrés, comme un loup tapi dans l'ombre. Ses pieds ne faisaient aucun bruit sur la moquette blanche qui couvrait l'entièreté du plancher neuf de la grande chambre. Il tira le jean du panier tissé. Ses mains se mirent à trembler. Pourquoi ? Aurait-il seulement pu l'expliquer ?

Il inséra deux doigts dans une poche du pantalon, puis dans l'autre. Son derme effleura un bout du papier. Son cœur soubresauta dans sa poitrine lorsqu'il s'empara du mot froissé. Il le déplia, la vision presque double. Et ce qu'il y lut lui glaça le sang :

Eloignez-vous du patient Warren Eastwood, vous n'aimeriez pas être la prochaine sur la liste...

Une menace. Une menace de mort.

Il faillit s'évanouir en réalisant qu'Emma courrait un grave danger. Sans réfléchir davantage, il s'empara de son téléphone et lança un appel...

***

Allison s'était jurée d'y aller à trois. Ça faisait déjà longtemps qu'elle aurait dû planter cette seringue dans le cathéter de Warren. Or, ils étaient là à se dévisager, les regards empreints de désir, la mort entre eux.

Allison ne comprenait pas. Pourquoi n'arrivait-elle pas à appuyer sur l'embout de la seringue ? Pourquoi son bras s'était-il soudain paralysé ? Ce n'était pourtant pas son premier meurtre ! Elle n'avait jamais été pétrifiée par la mort.

Elle était Allison Mortensen, formée par l'ACD et l'une des meilleures chirurgiennes de sa génération. Elle devait tuer Warren, c'était ça sa mission.

Propulsée par un élan brusque de détermination, elle approcha encore la seringue du cathéter. Quelques secondes, et ce serait terminé. Il fallait jusque qu'elle puisse infiltrer ce poison dans les veines de la cible.

Il fallait qu'elle le fasse.

Alors qu'elle avait suffisamment réussi à se motiver et était prête à y aller, la porte s'ouvrit à nouveau et la tête blonde d'Emma Jones apparut dans l'encadrement. Prise d'un bref sursaut, Allison laissa échapper la seringue contenant la toxine. D'un coup de pied, elle le poussa en dessous du lit. Son cœur battait si fort qu'elle pouvait l'entendre résonner dans sa paroi tympanique.

— Qu'est-ce que vous faites ? s'étonna l'infirmière.

— Je vais préparer le patient pour le conduire au bloc, répliqua Allison en essayant de réguler sa respiration.

— Mais ce n'est plus votre patient !

— Maintenant, si. La cheffe m'a personnellement confié l'opération de ce jeune homme. Alors je vais le conduire au bloc. Ai-je par hasard besoin de votre autorisation ?

Elles partagèrent un regard de défi. Allison essayait de paraitre stoïque, même si son corps entier était paralysé par la frayeur. D'un coup d'œil discret, elle vérifia que la seringue était bien dissimulée sous le lit. Ses mains tremblaient au point où elle dût les cacher dans les poches de sa blouse.

— En aucun cas, rétorqua Emma. J'allais vous proposer mon aide. C'est aux infirmiers ou aux internes de s'occuper de la préparation pré-op. Je vais le faire, docteur Mortensen.

— Bien, répliqua Allison. Dans ce cas, bipez-moi quand ça sera terminé. À bientôt, Warren.

Elle s'éloigna ensuite de la chambre, cœur et pas lourds, poison dissimulé sous le lit. Pourtant, lorsqu'elle reviendra plus tard pour récupérer la seringue, celle-ci aura disparu...

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant