— Je t'ai dit que je n'avais pas besoin de prendre l'air, Warren.— Je sais, et je ne te laisse malheureusement pas le choix.
Allison sourit, assise dans le fauteuil qui roulait dans l'allée menant au parc de l'hôpital.
— En plus, continua-t-il, regarde cette belle journée. Ce serait stupide de ne pas en profiter.
— Et à quoi sert le fauteuil ? s'enquit la patiente. Je peux encore marcher, aux dernières nouvelles.
— Jenna Hanover, je trouve que vous vous plaignez un peu trop.
Ils rigolèrent tous les deux, se lançant des piques à tour de rôle et se moquant l'un de l'autre sans se soucier de rien à l'entour.
Bientôt, ils arrivèrent au parc du Widburton, avec son gazon défraîchi et ses arbres jaunis d'où suintaient encore des gouttes d'eau. L'odeur de la nature flottait dans l'air, et la grisaille était d'une tristesse monotone. Les deux individus arrivèrent au centre du parc, marqué par une immense fontaine circulaire en granite d'où coulaient continuellement des filets d'eau. Le bassin était rempli d'une mare verdâtre ou flottaient des feuilles mortes.
Allison et Warren s'assirent sur l'un des bancs vides autour de la fontaine, les autres étant occupés par des patients en pleine promenade eux aussi. Le métis aperçut un bosquet de fleurs rose foncé derrière lui et, d'un air réjoui, il en cueillit une.
— Ceci est une azalée, dit-il l'air un brin passionné, en contemplant la plante entre ses doigts. C'est ma fleur préférée, mais je ne l'ai jamais offerte à personne. D'habitude, les gens préfèrent s'offrir des roses...ça a un côté plus romantique, il paraît. Mais l'azalée, elle a une signification profonde à mes yeux.
«Offrir cette fleur symbolise le bonheur d'aimer et de se sentir aimé en retour...c'est ma fleur préférée, mais je ne l'ai jamais offerte à personne. Tu es la toute première, Jenna...»
Cette dernière s'empara du cadeau et l'approcha de son nez, avant de se rendre compte que la fleur ne dégageait aucune senteur.
— Je n'ai jamais compris pourquoi, rigola Warren, le premier réflexe des gens après avoir pris une fleur, c'est de la humer. Tu vois, ça n'a pas vraiment de sens ! ça doit les faire planer, ou un truc du genre.
Allison rigola.
— Et moi, répliqua-t-elle ensuite, je n'ai jamais compris pourquoi un simple baiser émerveille toujours les gens qui y assistent, alors que ça ne les concerne pas...
— De quoi est-ce que tu p...
Elle avala le reste de ses paroles par un baiser, qu'il s'empressa de lui rendre. Un groupe de promeneurs qui passait par là poussa un soupir d'extase en les regardant, les étoiles plein les yeux.
— Tu vois, continua Allison, ça n'a pas vraiment de sens...ça doit les faire planer, ou un truc du genre...
Ils approfondirent encore ce baiser, s'abandonnant à ce plaisir interdit. Le soleil frappant sur leurs peaux, la brise sourde, l'odeur florale et l'incessant clapotis des jets d'eau de la fontaine, tout était à sa place en cet instant. Tout contribuait à rendre ce moment féerique. C'était tout simplement parfait.
Comme on le disait souvent, le calme avant la tempête...
***
— Por favor, j'ai peur de ne pas très bien vous comprendre, senora.
— Je vous ai vu devant chez moi hier, alors expliquez-moi ce que vous faisiez là !
Mei était prête à en découdre avec lui, Yan le sentait. Et il ne voyait pas trop comment il allait se sortir de cette situation. Il avait été bien imprudent sur ce coup, et il s'en voulait terriblement. Parce que dans cette situation, ce n'était pas seulement sa vie qui était en jeu, celle de sa recrue également.
Alors, elle l'avait vu.
Merde !
— Mais je ne sais pas où vous vivez, senora. Où dites-vous m'avoir aperçu ?
— Ne jouez pas au malin, s'énerva la jeune dame, je vous ai reconnu. Je sais que vous étiez du côté d'Epping New Road hier aux environs de huit heures hier soir.
L'individu sembla réfléchir, grattant sa fausse barbe grasse. Il ouvrit la bouche pour parler, mais la referma l'instant d'après. Son cœur battait de plus en plus fort dans sa poitrine.
— Écoutez, ricocha Mei Xiang, vous montrez des signes flagrants de nervosité. Je sais que vous cachez quelque chose. Je pourrais vous conduire au poste pour découvrir quoi, mais nous perdrions beaucoup de temps, et c'est un protocole si tortueux que j'ai des migraines rien qu'à y songer. Je suis larguée, et j'essaie de régler ça à l'amiable, monsieur ; et vous pouvez m'y aider. Alors, étiez-vous devant ma maison la nuit dernière, oui ou non ?
Là encore, Yan ne répondit pas. D'un côté, il savait qu'il pourrait tirer de son chapeau une histoire irréfutable afin de berner cette femme. Il fallait qu'il le fasse, s'il voulait sauver Allison. Mais d'un autre côté, cette femme représentait beaucoup pour lui. Beaucoup trop...il ne voulait plus lui mentir. Il en avait marre. Alors il se contenta de garder la bouche close.
— Vous êtes sûre de n'avoir rien à dire ? soupira Mei d'un air las.
Si...qu'est-ce qui t'arrive ?
C'était la seule question qu'il se posait. Elle n'allait pas bien, ça se voyait. Hier encore, elle avait été virulente envers son collègue parce qu'il lui avait fait perdre deux minutes de son temps. Mais là, elle demeurait calme, fatiguée peut-être. Et pourtant, il n'était que neuf heures...
Son regard était vide, ses gestes étaient mécaniques. On aurait dit qu'elle ne vivait plus, qu'elle survivait...
— C'est votre dernière chance, monsieur.
— No...no sé de quoi vous parlez, senora, répondit Yan sur une voix à peine perceptible. No sé...
Mei acquiesça, partagée entre déception et résignation. Elle s'empara de la paire de menottes accrochée à son holster. Le bijou métallique brillait sous la pâle lumière du soleil.
— Qu'est-ce que vous faites ? s'étonna Yan Mcfarland.
— Tournez-vous. Je vous conduis au poste. Peut-être après une nuit en cellule, vous aurez plus envie de parler.
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LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1
Mystery / ThrillerAllison Mortensen fait partie de l'Agence des Chirurgiens de Dieu, une organisation criminelle formant secrètement des chirurgiens à l'art de tuer. Quand la jeune femme reçoit sa toute première mission à Londres, elle ne se doute pas de ce qui l'att...