Les yeux exorbités, la blonde peinait à croire ce qu'elle voyait. Elle aurait tout donné en ce moment pour avoir le pouvoir de s'envoler, se volatiliser. Sous ses pieds, le cadavre d'un roux tout nu, avec l'abdomen ouvert en deux et vidé de ses boyaux.Son corps était déjà rigide, marqué de lividités et baignant dans une mare de sang poisseux. Avec la chaleur estivale, il s'y dégageait une désagréable odeur de viande mal conservée. C'était donc de là que ça venait ! Emma sentit la nausée rouler dans sa gorge sous la forme d'une boule de vomis, qu'elle se contenta de ravaler. Jamais de sa vie elle ne s'était sentie aussi à l'étroit. Elle aurait tout donnée pour être partout ailleurs.
La porte de la salle de bain s'ouvrit à la volée, et l'intruse retint par instinct sa respiration. D'où elle se terrait, elle pouvait sentir la colère d'Allison, et réalisa ô combien délicate était la posture dans laquelle elle se trouvait.
— Si tu voulais tant me protéger, cria l'assassin en tournant le robinet du lavabo, tu aurais dû le flinguer, Yan !
— Et trainer les services secrets jusqu'à l'ACD ? Tu plaisantes j'espère.
L'ACD ?
Qu'est-ce que c'était, se demanda Emma. Une sorte de bande ? Un cartel ? Bon sang, tout ça devenait carrément flippant. La blonde s'empara de son téléphone et lança l'enregistrement audio. Ses mains tremblaient au point où elle faillit lâcher son cellulaire.
— Peut-être bien, mais tu aurais pu faire quelque chose, Yan. On n'apprend pas ce genre de chose et on reste tranquille.
— Dis-moi ce que j'aurais pu faire ! J'ai fait mon maximum, tu es là aujourd'hui. Et revenons à notre sujet de départ, tonna le châtain en déboulant à son tour dans les toilettes. En quoi cette histoire explique le fait que Warren Eastwood soit encore en vie ?
Le cœur d'Emma fit un tour complet dans sa poitrine. Elle avait raison, putain ! Quelqu'un voulait tuer Warren Eastwood, et cette personne c'était Allison Mortensen.
— Mais merde, j'en sais rien, moi !
— Je devrai faire mon rapport à Nelson dans quelques minutes, et je crains que « j'en sais rien » ne le satisfasse pas comme réponse. Et puis, cette quoi cette odeur ?
— J'ai un cadavre dans ma baignoire, répliqua Allison.
— Tu as quoi ?
Emma se sentit se liquéfier sur place. Jamais elle n'avait été aussi près de la mort. Elle se demanda comment elle avait fait pour se retrouver dans une posture si délicate. La mort, la mort, la mort et encore ! Et toujours ! Elle déglutit, et essuya ce liquide incolore et tiède qui dévalait sur ses joues malgré elle.
— Nelson te demandera de me tuer, Yan. De toute façon on en est là, qu'est-ce qu'on fait ? J'aurais toute l'Agence contre moi.
Un long silence s'établit entre les deux interlocuteurs. Allison se versa une rasade d'eau sur le visage, avant de se débarrasser de son chemisier. Il ne lui restait plus que son soutien-gorge blanc et son jean noir.
Son mentor marmonna quelque chose en jurant dans sa barbe, puis alla se servir un verre de Campari. Sa protégée le suivit, et Emma se retrouva à nouveau seule dans la salle de bain, seule avec un cadavre sous ses pieds.
Elle arrêta l'enregistrement et l'envoya à son fiancé, accompagné d'un message :
« Aide-moi, je crois que je me suis mis dans des embrouilles. »
Elle filma le cadavre et joignit la photo au fichier audio, ainsi que l'adresse. Elle attendrait là jusqu'à ce que la patrouille arrive. Mais elle se souvint : elle avait laissé sa bandoulière sur le canapé d'angle gris pastel...
Bordel...
Si jamais l'un des deux autres chirurgiens tombait dessus, ils comprendraient très vite qu'elle se cachait là...et ce serait la fin, sa fin.
Elle devait récupérer son sac.
***
— Tu m'avais dit dix-huit heures, princesse.
Iris se retourna et aperçut Easton adossé à l'encadrement de la porte du laboratoire. Elle soupira et reporta son regard dans le microscope. Les autres étudiants venaient de déserter les lieux, pressés de regagner leurs dortoirs après ce long cours d'analyse biomédicale.
— Oui, siffla le docteur Danvier, et je t'avais également demandé de ne plus m'appeler princesse. Mais il me semble que tu n'écoutes pas vraiment ce qu'on te dit.
— Il est dix-huit heures, réitéra Easton. Nelson n'est-il pas censé être à l'agonie ?
— Il est dix-huit heures moins deux minutes, soupira la brune en jetant un coup d'œil à sa montre dorée. La science, contrairement à l'homme, sait prendre son temps. Tu devrais essayer, toi aussi.
Easton gloussa en croisant les mains. Ses yeux balayèrent rapidement la vaste pièce. Elle était plutôt bien équipée, avec des microscopes électroniques, des agitateurs magnétiques standards et des appareils d'analyse biomédicale.
Il y avait des étagères accrochées aux murs immaculés et contenant des fioles, des burettes et toutes sortes de verreries. À un autre coin, différents produits chimiques dont les couleurs vives contrastaient avec le blanc vertigineux. Une légère odeur de Bétadine flottait dans l'atmosphère.
— Au fait, ajouta Iris en se tournant vers Easton, tu ne m'as toujours pas dit. Pourquoi tiens-tu tant à ce que le chef Bonaparte meure ?
— Ça te surprendrait, répliqua le métis, si je te dis que c'est uniquement son pouvoir qui m'intéresse ? Il pense qu'on est très proches, mais que nenni...
Iris esquissa un sourire en coin. Elle se leva, enfonça ses mains dans les poches de sa blouse blanche, et s'approcha du métis. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, elle le fixa droit dans les yeux. Il déglutit.
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LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1
Mystery / ThrillerAllison Mortensen fait partie de l'Agence des Chirurgiens de Dieu, une organisation criminelle formant secrètement des chirurgiens à l'art de tuer. Quand la jeune femme reçoit sa toute première mission à Londres, elle ne se doute pas de ce qui l'att...