CHAPITRE 38 (1)

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— Yan...

Au départ, Mei Xiang se crut dans un songe, une sorte d'hallucination. Elle avait fait ce rêve tellement de fois, où plutôt ce cauchemar, où le fantôme de Yan revenait des abimes pour la torturer. Elle était policière, arrêter les criminels était pourtant son métier.

Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait tant continué à se supplicier elle-même pour la mort de Yan. Une mort qui, de toute évidence, n'était jamais survenue, vu qu'il se tenait en ce moment-même devant elle.

La surprise peignait les traits de la jeune femme, ses yeux étaient écarquillés et son cœur battait la chamade. Comme pour corroborer l'incroyable vérité, le châtain ôta sa fausse moustache puis sa perruque noire de jais.

Un à un, il se débarrassa de toute la fausse peau collée à ses joues et ses paupières, qui modifiait la structure de son visage. Et au fur et à mesure qu'il se dévoilait, Mei réalisa alors que c'était bel et bien lui, l'homme qu'elle avait chéri et qu'elle était certaine d'avoir perdue.

— Tu es en...vie ?

— Surprise, miaula-t-il en haussant les épaules.

En à peine deux foulées, elle l'avait rejoint. Elle captiva les lèvres du châtain entre les siennes et l'embrassa avec un désespoir cynique et presque malsain. Elle l'embrassa, avide, heureuse et si rassurée. Des larmes ruisselaient sur ses joues, alors qu'elle refusait de se détacher de lui.

Il lui rendit son baiser avec la même fougue, la même joie, le même plaisir. Il la serra si fort dans ses bras qu'elle faillit en avoir le souffle coupé. En un sens, découvrir qu'il avait survécu lui avait déjà coupé le souffle.

— Mais comment...comment ? Comment as-tu fait ? Tu m'as tellement manqué, pleura-t-elle, tellement !

— Toi aussi...je pensais que tu n'en avais rien à foutre, que je sois en vie ou pas.

Elle le regarda droit dans les yeux, comme si elle voulait se rassurer qu'elle ne rêvait pas. Il était là, devant elle, en chair et en os. En un instant, c'était comme si elle s'était ressuscitée, relevée d'un profond sommeil dans lequel elle n'avait même pas conscience d'être pendant tout ce temps plongée.

— Qu'est-ce qui t'es arrivé, Mei ? il lui posa ainsi la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'il l'avait revu.

— Si tu savais comme...comme je m'en suis voulue, de t'avoir trahi. Je... c'était mon travail, je sais que c'est ce qu'il fallait faire, mais...je n'ai pas réussi à être en paix avec moi-même depuis lors. Ce qu'il y avait entre nous, ce que je ressens pour toi...c'était loin d'être une stratégie, ou un jeu.

— Et pourtant tu as déjà refait ta vie, lâcha Yan du tac au tac.

— Que voulais-tu que je fasse ? s'empourpra la chinoise. Je te croyais... (elle n'osa pas prononcer le dernier mot.) Victor a toujours été juste avec moi, et c'est le père de ma fille. Et toi...dis-moi que tu n'es pas ce que mes collègues décrivent : un chirurgien tueur...

— Mei, je...

— S'il te plait, Yan. S'il te plait, dis-moi que tout ça est un malentendu. J'y ai pensé, pendant tout ce temps où tu étais absent. Je me suis dit... qu'on aurait dû t'accorder le bénéfice du doute. J'aurais dû le faire ! Je me suis dit, peut-être qu'ils ont tort ; qu'ils se trompent sur ton compte. Que tout ça n'est qu'un...terrible malentendu...

— Je n'ai pas été formé à sauver des vies comme toi, Mei. C'est ça la vérité. Tout ce qu'ils t'ont dit sur moi, c'est la pure vérité. Je suis un meurtrier. Je suis désolé, mais c'est la v...

— Non ! hurla Mei en se bouchant les oreilles. Tu es trop juste, trop bon pour être un criminel. Je ne te...je refuse de te croire.

— Mei, je...

— Je refuse de te croire ! Non, Yan. Je refuse.

Elle continua de psalmodier cette phrase pendant un moment, court-circuitant tout ce que son interlocuteur aurait désiré ajouter. Elle ne voulait plus l'écouter parler, trop apeurée par ce qu'il pouvait lui révéler. Alors il lui saisit les mains et la secoua pour qu'elle se calme.

— Mei ! l'intima-t-il en plongeant son regard dans celui de la demoiselle.

— Il faut que tu partes, dicta-t-elle au moment où son téléphone sonnait à nouveau. Va-t'en, sinon ils vont te jeter en prison. Ou pire encore...

— Il est hors de question que je t'abandonne une nouvelle fois. Viens avec moi, Mei...

— Je t'en prie, miaula la brune, ne complique pas davantage la situation.

— Je ne veux plus te perdre. Je te promets de changer, si tu restes à mes côtés. Je suis quelqu'un de bien, toi-même tu l'as dit. Au fond, tu sais que j'ai un bon cœur. Je te promets que tu ne manqueras de rien avec moi. Je t'offrirai, à toi et à ta fille, la vie que vous méritez. Vous ne manquerez de rien, Mei. S'il te plait, viens avec moi....j'ai besoin que tu sois près de moi...

Elle ne répondit pas directement. Elle garda la mâchoire serrée, sur le point de s'effondrer tant la douleur dans son cœur était grande. Son téléphone continuait de crier à l'agonie. Ses mains étaient encore coincées entre celles de Yan McFarland.

Leurs regards étaient connectés, la synergie entre eux était si forte qu'on aurait pu entendre leurs ondes vibrer dans la salle d'interrogatoire. Il y avait une sincérité quasi malséante dans les propos du châtain, dans sa voix et chacun de ses mots. Chacune de ses phrases était une fléchette qui atteignait le cœur gonflé de Mei.

— Je t'aime, termina-t-il en un soupir.

Cette ultime déclaration rompit les derniers remparts qui retenaient la policière. Elle lui répondit par un baiser d'amour.

— C'est d'accord, lâcha-t-elle alors sur un ton déterminé, même si cette décision était pour elle le point de non-retour...

***

Une autre ayant atteint le point de non-retour, c'était Allison Mortensen.

Elle savait qu'elle venait de commettre la plus grosse bêtise de sa vie. Elle l'avait compris à la minute où elle avait vu la frayeur se dessiner dans le regard de Warren. Il n'avait encore prononcé aucun mot ; se contentant de respirer ; peut-être pour éviter de s'évanouir.

— Non...miaula-t-il au bout d'interminables secondes.

— Si...

— Non ! C'est impossible. Tu es...tu es...

— ...morte ? Non, Warren. Je suis autant en vie que toi tu l'es.

Il se tût à nouveau pour un long moment. Trop de questions se bousculaient dans sa tête, et il n'arrivait à piocher aucune d'entre elles. Il restait là, dévisageant la femme devant lui et se demandant s'il aurait assez de temps pour détaler de là sans qu'elle n'arrive à le rattraper. Car c'était la chose logique à faire, s'enfuir. Fuir le diable, fuir la mort. C'était la chose à faire. Et pourtant, Warren ne le fit guère.

Il ne s'enfuit guère.

— Pourquoi...Pourquoi t'es là ? lui demanda-t-il. Tu es donc à ce point décidée à me tuer ?

— Je suis ici pour te sauver la vie, comme je l'ai toujours fait.

— Me sauver la vie ! éclata le métis d'un rire dément, en se prenant la tête entre les mains.

— Oui, s'irrita Allison, démunie face à ce qu'elle considérait comme de l'ingratitude venant de Warren. Je n'ai fait que ça, te sauver la vie ; quand bien même ma mission de départ prévoyait que j'en finisse avec toi.

— Je ne comprends pas ! Qu'est-ce que...qu'est-ce que j'ai bien pu te faire, pour mériter cela ? Je suis un fleuriste, bon sang ! Je ne suis dans un aucun cartel, aucun gang, aucun groupe politique...Enfin, pourquoi t'acharner autant ? Pourquoi ? Je...est-ce que tu rends compte que je t'aimais ? Que j'étais amoureux de toi ?

— Je sais, répliqua Allison sans lever le regard sur son interlocuteur. Rassure-toi, je le sais très bien.

LES CHIRURGIENS DE DIEU tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant