Chap 72 : cauchemar

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[...]
J'ouvrais les yeux faiblement tandis que mon esprit reprenait conscience lentement.
Je ne reconnaissais pas l'endroit où je me trouvais, le sol était dur et froid, tapis de feuilles, je relevais la tête un moment, j'étais entourée d'arbres. Mes vêtements étaient parsemés de sang, pour une raison qui m'est inconnu, je ne m'en souciai pas plus que ça. Je me relevais en position assise, mon poignet droit avait une épaisse lumière en son centre qui clignotait, comme si mon téléphone était sous ma peau. Je trouvais un morceau de miroir brisé à mes pieds, je le pris délicatement et l'approchais de mon visage pour y voir mon reflet. Ma bouche était couverte de sang ainsi que mes dents. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je me levais faiblement, tremblant sur mes jambes courbaturées, je vis une silhouette au loin sur le sol, je m'approchais en courant, appréhendant la personne et son état. J'arrivais près d'elle, ne voyant que son dos, et la retournais d'un coup de main. C'était Ron, les cheveux en bataille, yeux clos, vêtement parsemées de sang, un trou béant sur le torse.

Le décor changea, une douleur soudaine me parut au front, puis j'ouvrais les yeux et me retrouvais dans la voiture. L'atmosphère y était paisible, Lenni dormait près de moi qui m'étais penchée en avant, en me prenant surement le siège de Méredy dans le crâne, d'où la douleur soudaine.
Un cauchemar, horriblement réaliste, et effrayant. Je me calmais peu à peu, laissant doucement redescendre l'adrénaline montée en moi. Je ne pue m'empêcher de tourner la tête pour vérifier que Ron allait bien. Il dormait, le visage doux, son torse montait et descendait dans une lenteur endormie. Il est en vie. Je passais ma main sur mon visage, essayant d'oublier ce cauchemar. Évidemment, aucune feuille n'est tombée d'un arbre depuis novembre, les arbres sont maintenant dénudés jusqu'à fin mars. Et un miroir n'aurait pas pu se trouver là comme par magie. Voilà comment je me rassure, en cherchant les incohérences de mes cauchemar, me prouvant qu'ils étaient bel et bien faux et le fruit de mon imagination.
Je reprenais encore mon souffle, étouffant dans ce tas de ferraille. J'attrapais vivement mon portable et ouvris la porte d'une autre main.
L'air était frais, j'enjambais la barrière sécurisant la route d'un pas, et m'asseyais sur le bord de la falaise, priant intérieurement pour que je ne soit pas assez lourde pour faire tomber ce bout de rocher.
Je mis mes écouteurs, allumais la musique d'un geste habituel, en tentant d'oublier les rapides passages de quelques scènes affreuses de mon cauchemar dans ma tête. Je montais le volume, encore plus haut, toujours plus haut.
Je suis très sensible à la musique, elle a un pouvoir et une répercussion sur moi très particulière. À faible volume, la musique comble un calme horripilant ; au volume basique, la musique distrait ; et au volume fort, la musique rentre entièrement dans notre tête, nous empêchant de penser à quoique se soit, nous faisant oublier. On se construit une bulle imperméable autour de nous, qui nous protège du bruit, des pensées. On pense seulement aux paroles et au rythme, rien d'autre, c'est tout.
Le soleil se levait devant mes yeux, il n'y avait plus d'orage, seulement une fine pluie qui faisait de mes cheveux un tas de paille désordonné. Une route passait sous le rocher où j'étais assise, une voiture passa, me prouvant que nous n'étions pas tout à fait seuls. Je n'ai jamais compris l'organisation des gens, certaines villes sont maintenant désertées, d'autres sont sur-habitées, pourquoi une telle inégalité ? Tout le monde est parti.
Je suivais la voiture des yeux, elle passait au-dessus d'une inscription sur la route. Une inscription qui semblait écrite à la craie rouge.
"05/02-28/02", suivit du tatouage que possédait les hommes, le signe de deux triangles. Il me fallut peu de temps pour comprendre que les chiffres représentaient les dates de la disparition et de la réapparition.
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La dernière.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant