Chap 82 : déjà vécue

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[...]  

Un soupir lointain, une ébauche de voix. Quelque chose qui tiraillait mon corps, qui le secouait comme une mer déchainée, un vrombissement infinie. Et cette voix.

- Beth !

Un sursaut fit frémir mon corps, j'entrouvris les yeux, ces derniers trop faibles pour s'ouvrir entièrement.
Ma vision était floue, et ma tête, ma tête hurlait. Un bruit sourd dans mes oreilles, aigu, violent, infinie. Un bruit constant qui me donnait un mal de crâne.

- Beth !

Le flou s'estompa, je voyais plus nettement Lenni qui me secouait comme si sa vie en dépendait.
Je basculais ma tête sur le côté et plissais mes yeux. Seul signe de vie que je pouvais proclamer étant donné que j'étais incapable d'ouvrir la bouche.
Lenni me lâcha, sans pour autant s'éloigner de moi. J'étais dans ma pseudo-chambre, le lit de Méredy d'où des fils étaient surélevés et branchés n'importe où était à ma droite. J'avais froid, la couette jonchait entre le matelas et mon corps paralysé.

- Tu vas bien ? T'as beaucoup dormi, déclare Lenni.

Pour toute réponse, je marmonnais quelque chose d'incompréhensible. Ce sifflement aigu discontinu me brûlait la tête. Avec un élan de force puisés je ne sais où, je réussis à ouvrir grand les yeux, et même à me relever sur un coude.

- salut. Dis-je d'une voix à peine audible qui ne ressemblait pas du tout à la mienne.

- Beth t'es sure que ça va ?

J'ouvris la bouche pour répondre quelque chose, mais à la place des mots, des rires sortirent. Je rigolais à cœur ouvert sans vraiment savoir pourquoi. Quelques secondes après, je repris mes esprits, sous les yeux inquiets de Lenni.

- ben oui, ça va. Dis-je aussi moqueuse que fatiguée.

Il me regardait, de ses yeux pleins d'inquiétude et de questionnement, il se pencha vers moi doucement et me chuchota à l'oreille :

- on dirait le jour où tu avais bu.

Le sourire qu'il me restait de ma crise de rire s'estompa aussitôt. Je me remémorais très bien ce moment, comme si je venais de le vivre. Même si on est sensés tout oublier lorsqu'on boit de l'alcool.
Je regardais le coucher du soleil depuis le rebord de la fenêtre, perchée, en balançant mes pieds dans le vide. La fraîcheur du mois d'octobre me glaçait tout le corps. Le soleil s'en allait perceptiblement, ses derniers rayons disparaissaient derrière la cime des arbres. Le calme plat que je supportais depuis que j'étais là était maintenant accompagné d'une obscurité presque totale. J'étais seule, j'avais froid, j'avais mal. Je faisais jouer mes doigts sur la petite bouteille verte de bière, faisant cliqueter mes ongles sur le verre. Ma conscience semblait vide, seule et triste. J'avais pris mon téléphone et avais parcouru mon répertoire du coin de l'œil. Puis j'avais appuyé sur le nom de Lenni et avais posé mon téléphone sur la fenêtre à mes côtés.
Seulement trois secondes après, la voix de Lenni s'anima dans les airs, comblant le vide :

- salut ! Avait-il fait d'une voix enjoué.

Je n'avais pas répondu, trop occupée à scruter l'horizon à la recherche d'un peu de chaleur de la part du soleil, mais il avait disparu.

- Beth ? T'es là ? Disait-il d'une voix plus craignante.

- le soleil s'est couché. Avais-je dit. Je me souviens m'être surprise du ton que j'avais employé.

- oui, c'est ce qui arrive tous les soirs, avait-il répondu en riant, tu vas bien ?

- non... Je me suis disputée avec mon père. Avais-je lâché, horripilée.

- encore ? Beth, écoute pas ce qu'il dit.

- je m'en fous.

Pourquoi avais-je dit ça ? Évidemment que non, je ne m'en foutais pas. Je passais mon temps à me disputer avec mon père, je ne m'en foutais pas. Je voulais que ça soit lui qui s'en fiche, pour qu'il me fiche la paix justement.

- Beth, tu es sure que ça va ?

- je ne sais pas trop, j'ai mal à la tête, j'ai plus de force, j'ai envie de vomir et je ne vois plus rien. Avais-je lâché comme si c'était la chose la plus normale du monde.

- je... Il marqua une pause quand ma bouteille m'échappa des mains et s'écrasa sur ma terrasse avec un bruit fracassant, oh mon dieu Beth est-ce que tu as bu ?

- peut-être. Avais-je répondu comme une petite fille qui se faisait punir.

- Beth ! Lançait-il indigné, qu'est-ce tu as bu ?

- peut-être une petite dizaine de bière.

Il avait soupiré, exactement comme il l'a fait maintenant, en me scrutant des yeux, attendant une réponse de ma part.

- ce n'est pas le cas, je n'ai pas bu, où j'aurais pu trouver des bouteilles ? Lui lançais-je en me redressant dans mon lit.

À côté de moi, Méredy dormait toujours, le sifflement dans mes oreilles persistait, il allait me rendre folle.

- qu'est-ce que t'as fait alors ?

- rien, je suis juste allé fumer.

Ses yeux me perçaient de toute part, je me sentis alors obligée d'ajouter :

- et pris quelques somnifères aussi.

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La dernière.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant