[...]
C'est incroyable à quel point le temps à une valeur indistincte. Cela fait cinq minutes, ou deux heures, ou quarante-cinq secondes que je suis assise là.
La marche est froide, je ne sens presque plus mes cuisses, et la pluie dehors coule du porche comme une falaise.
"Qui ça Beth, ton père ?" Les mots de Ron résonnent en moi comme des paroles indistinctes. J'ai beau savoir que ce n'est réellement pas lui qui les a prononcées, c'est tout de même sorti de ses lèvres. Ses lèvres que j'ai embrassées, ses lèvres qui m'ont fait sourire, ses lèvres qui ne laissaient sortir que des mots apaisants. J'ai du mal à le croire, et je remercie le ciel que je sache pour la puce, autrement, je ne lui aurais surement jamais pardonnée.
Je soupire, je remonte mes genoux sous mon menton et je me frotte les yeux en réalisant qu'ils sont mouillés de larmes. Je ne peux pas pleurer pour ça, j'ai été forte pour des milliers de choses plus dures et c'est maintenant que je pleure ?
Tu es pathétique. Fit la voix de ma conscience dans ma tête, et je lui réponds que je me sens comme trahie par lui, et que je m'en veux de lui en vouloir, mais que c'est plus fort que moi. J'ai confiance en Ron, jamais il ne dirait une telle chose, mais j'ai beau me convaincre que la puce a repris le contrôle de son corps, je le déteste à présent.
Il faut que j'oriente cette colère vers la puce, pas vers lui. Je ferme les yeux, qui laissent tomber des larmes au passage. Je me remémore les bons moments avec Ron. Tous ces baisers, toutes ces paroles, tous ces sourires. Quand je rouvre les yeux, je l'aime.
La pluie fait un bruit de dingue, sur le toit, sur le sol, et le coulissement dans la gouttière. Des minuscules impacts répétitifs qui résonnent jusque sous le porche. Je n'entends alors pas le claquement de la porte dans mon dos, je n'entends pas Méredy s'asseoir à côté de moi, sa voix me fait sursauter.
- il est revenu à lui. Il se sent très mal, tu sais.
Je ne réponds rien, qu'est-ce que je pourrais lui dire de toute manière ?
- et toi, comment tu vas ? Continue Méredy
- j'en sais rien. Je lui en veux, je m'en veux de lui en vouloir, et c'est n'importe quoi dans ma tête.
- c'était la puce, tu le sais pas vrai ?
- oui, je le sais. Mais... C'était blessant.
Il y eut un grand silence, qui encore une fois échappait à la valeur du temps. Je fis mine de me gratter la joue et séchais la dernière larme. Enfin, la voix de Méredy s'éleva dans le silence :
- tu devrais rentrer, ça fait presque trois heures que tu es là.
J'avais finalement une réponse à ma question, trois heures, c'est beaucoup.
Je n'avais pas remarqué que j'avais vu le soleil se coucher, sans vraiment le réaliser.
"Oh" fis-je indifférente, mais, tout de même, je me lève et étire mes jambes que je ne sentais presque plus à cause du froid de la dalle sur laquelle j'étais assise. J'ouvre la porte et Méredy rentre derrière moi. Au même moment, Lenni sortit d'une des pièces situées dans le couloir. Il lève les yeux vers moi, m'offre un sourire compatissant et déclare en désignant la pièce de la tête :
- ça serait bien que t'aille le voir.
J'acquiesce, c'est vrai. Sans un mot, je me dirige vers Lenni qui retenait la porte mi-ouverte. Je frôlais sa main quand je pris le battant de la porte pour l'ouvrir. La pièce était une grande chambre parentale, les murs étaient peints de lavande, une commode blanche était le seul mobilier hormis le lit où Ron était assis. De dos, la tête baissée, dans l'obscurité de la chambre, il relève la tête quand je prononce un "hey" à peine perceptible. Lorsqu'il répond, il ne bouge pas, sa tête toujours relevée, d'une voix brisée :
- je suis désolé, Beth.
- je sais.
Je m'avance vers lui, m'assois si près que nos cuisses, nos coudes et nos épaules se touchent. Je le regarde et il fixe le mur en face de lui, le regard perdu.
- je n'aurais pas dû--
-- tu n'aurais pas dû rien du tout Ron, ce n'était pas toi. Le coupais-je
- mais je l'ai laissé dire ça. J'aurais dû savoir reprendre le contrôle.
Il tourne la tête et me regarde dans les yeux, je fais la seule chose qui me vient à l'esprit, je m'avance et plante mes lèvres sur les siennes.
Oh mon Dieu, il s'en veut terriblement me dis-je. Et même si je l'embrassais amèrement, ça valait tout de même le coup. C'était la meilleure façon de lui montrer que je ne lui en voulais pas, ou plus, en tout cas.▪️▪️▪️
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La dernière.
Science FictionEt si un jour, sans aucune raison, les filles du monde entier disparaissaient ? Et si un jour, l'humanité entière serait devenue entièrement vouée à la discontinuation de son existence ? « Je n'ai pas disparu » Beth, une jeune fille de 16 ans qui a...