Chap 89 : curiosité

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[...]

Je me levais et essuyais mes mains sur mon jean, tout en retournant dans la clairière où j'étais sensée dormir avant de venir fumer, parler avec Ron pour finalement m'endormir à ses côtés.
J'y trouvais Lenni et Méredy, qui semblaient être réveillés depuis plus longtemps que moi.

- Salut, me lance Méredy, toujours aussi enthousiaste.

Je réponds par un simple sourire, je n'étais pas d'humeur, tout ce que je voulais, c'était être seule pour réfléchir et trouver un sens à tout ce chemin déjà accompli sans aucun but précis connu.

Je passe à côté d'eux, me dirigeant derrière l'autre côté de la clairière, pile en face de là où j'ai dormi.
J'attrape mon sac au passage, et y fouille dedans à la recherche de mon paquet de cigarettes, et de ma bouteille d'eau.

- Beth, attends ! Entendis-je venant d'une voix secouée.

Je me retournais pour voir Méredy courir le chemin que j'avais délimité entre nous.

- qu'est-ce qu'il y a ?

Elle s'arrête net à environ un mètre de moi, sa queue-de-cheval se balance encore quelques seconde avant de se stabiliser.

- je... Je voulais te demander comment... Comment c'est de mourir ? Achève-t-elle.

La manière dont elle parle me surprend toujours, jamais je ne réfléchis trop longtemps avant de lui répondre, mais pour le coup, j'ai dû rester en béat sans rien dire pendant bien trente seconde.
Je ne pense pas trop à ce qu'il s'est passé, je veux juste ne pas avoir à y réfléchir nuit et jour, même si c'est déjà ce que je fais. Bien avant que tout ça arrive, je ne dormais jamais, mais maintenant, maintenant que j'ai réellement besoin de sommeil, pourquoi mon esprit s'obstine à m'arracher de l'apaisement de la nuit pour m'obliger à réfléchir et ne penser qu'a toutes ces choses inexpliquées ?

- je ne sais pas... Je me rappelle seulement que je me souvenais des moments de ma vie importants, mais c'est comme quand tu t'endors, tu ne te souviens jamais de l'exact moment où tu as sombré dans le sommeil, et c'est la même chose quand tu te réveilles. C'est exactement ce qu'il s'est passé pour moi, je ne me rappelle pas avoir fait mon dernier souffle, j'ai seulement l'impression d'avoir dormi, pendant de longues et affreuses années, mais j'ai tout de même dormi. Tu sais Méredy, mourir ça ne doit pas être si horrible que ça pour que la mort me rejette.

Elle m'écoutait sans broncher tout le temps que je lui parlais, elle se pinçait les lèvres, sourcils froncés, puis quand j'eus terminé, elle avala seulement sa salive et prit une grande inspiration.

- d'accord, merci Beth. Déclare-t-elle, et elle tourna les talons.

- attend, Méredy ! Comment c'est de disparaître ?

Je me surprenais moi-même des mots que j'avais lâchée, je ne comptais pas même les lui demander, mais une part de moi le voulait apparemment.

Elle affichait la même expression que quand je parlais, puis déclarai ces quelques mots :

- aucune idée, je dormais quand j'ai disparu, je dormais quand je suis réapparu, j'aurais pu ne rien y savoir si personne ne faisait qu'en parler.
Mais on a eu beaucoup de chance, ici, as-tu une seconde pensée aux femmes européennes ? Elles ont disparu en pleine journée, des milliards d'hommes ont dû voir leur femme et leurs filles disparaître sous leurs yeux... (elle frissonna) Enfin, je m'éloigne du sujet. Je n'en ai aucun souvenir en tout cas, sauf comme un vide que j'ai ressenti à mon réveil, comme si j'étais quelques secondes dans le néant, dans un infini trou noir dépourvu de temps, mais, c'est passé à force, enfin, je crois.

Pendant que je l'écoutais, je prêtais attention aux arbres qui nous entouraient, ça faisait bien cinq mois que je n'ai pas vus de végétation, les arbres étaient tous dénudés par l'hiver. Mais ici, les pins sont verts comme l'herbe en été. Même les érables aux feuilles caduques avaient déjà leurs feuilles.

- tu as peur de mourir ? Demandais-je toujours surprise de cette question aussi indiscrète que surprenante.

- ouais, je veux dire... Vraiment, j'ai juste peur que mon esprit ne meure pas et que je reste toute l'éternité sans temps ni espace.

- je ne pense pas que quelque chose comme ça puisse arriver très sincèrement, je pense que si on est sur Terre, si la vie à passée tant de temps à naitre, c'est bien pour quelque chose. Comme la vie est déjà quelque chose de scientifiquement extraordinaire, je pense qu'elle n'aurait pas lieu d'exister si elle était seule. Alors la vie est riche en aventures, en évolution et en tas d'autres choses, la mort ne doit surement pas être vide comme tu le penses. Je veux dire... Tu comprends ? Pourquoi se donner la peine de mener une vie s'il n'y a rien à faire après ?

Elle émit même un petit rire à ma dernière phrase, puis elle sourit en soufflant, tout en me fixant de ses yeux noisettes éclatant.

- tu as raison, merci Beth.

Et pour de bon, elle tourna les talons et partit.

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La dernière.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant