Je me souviens parfaitement de nos premiers échanges. Il venait de rejoindre les bancs de Sciences Po. Il venait de son Espagne natale, mais son français était impeccable. De mon côté, je ne pensais qu'à mon classement jusque-là. J'ai eu raison, dans un sens, puisque j'ai eu ce que je désirais : j'ai été intégré à la Cour des Comptes.
Mais il a bousculé ce que je pensais être acquis. Jusque-là, jusqu'à ce qu'il entre dans ma vie, mes relations amoureuses étaient courtes, pâles, sans goût, sans profondeur. Je n'ai connu que des hommes avec qui le couple était un arrangement étrange pour éviter de nous penser en des termes plus charnels.
Pourtant, qu'étions-nous à part deux corps aux désirs concordants dont le seul souhait était d'éteindre ces envies lancinantes ? Partagions-nous davantage ? Assurément non, sinon nos histoires auraient duré. Il était de bon goût, dans le parisianisme contradictoire que nous avions choisi, de vivre ainsi. Nous n'étions que des sexfriends, si je devais retenir une catégorisation.
Puis cet homme est arrivé. Quelques jours après ses premiers cours, il est venu me voir à l'issue d'une présentation que je faisais à mes anciens camarades de l'institut. Il s'est présenté, il m'a demandé si je connaissais un bar agréable pour discuter. Je lui ai parlé du Fumoir. Le soir même, j'y étais invité par cet étrange(r) et magnifique Espagnol.
Il n'a fallu que quelques mois pour que nous comprenions. Quand les résultats de mes classements sont tombés, il m'a proposé que nous vivions ensemble. Il avait trouvé un poste dans un cabinet d'architectes tandis que je revenais à Paris. Nous nous sommes rencontrés au bon moment, rien ne pouvait nous empêcher de convoler.
Nos vies professionnelles, prenantes, n'étaient pas des handicaps. L'un comme l'autre, nous savions ce qu'elles impliquaient, tout ce qu'elles représentaient. Nous rentrions le soir épuisés, en général à la même indécente heure. Nous profitions simplement de nos présences respectives et attendions avec impatience nos prochaines vacances ensemble.
Puis Alvaro a été intégré dans un des projets phares de son cabinet, directement avec les associés. Pendant que je devenais conseiller référendaire sur les questions culturelles, lui rayonnait. Les principales, et plus innovantes, idées du projet architectural venaient de lui. Fort heureusement, ses patrons étaient des hommes de qualité et de parole. Le jour de la présentation des projets, c'est Alvaro qui a été mis en avant. Et j'étais là.
Très rapidement, avoir son propre cabinet devenait une évidence. Partagée. Il travaillait dur, mais de chez nous. C'était fantastique, même si mes horaires n'avaient que peu changé. Pour moi, il réinvestissait notre cocon. Jusqu'au jour où, alors que nous dînions, mon secrétariat m'appela sur ma ligne personnelle pour que je m'entretienne avec le cabinet de la ministre de la culture.
Tout s'est emballé. Ses yeux se sont mis à pétiller quand l'idée romaine s'est instillée dans nos esprits. Alors nous avons préparé ensemble ma candidature. Il ne m'a pas seulement aidé, il a été l'artisan de la vie que nous allons mener ici. Il a raison. Je suis en train de prendre la mesure de la chance que nous avons.
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...