Chapitre 24 - 1

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Dans le taxi qui nous ramène à la Villa, je réfléchis. Il le sait, il ne dit rien. Je pense à la soirée passée hier avec nos amis, ô combien éclatante de bonheur et de plaisir retrouvés. Flore et Hugo ignorent évidemment la teneur des échanges qui ont pu exister entre Hélène, Alvaro et moi. Mais il nous a paru important de les revoir avant de rentrer.

Oui, nous aimons les relations amicales dans leur intensité distancielle. Comme si nous avions constitué une sorte de cocon intime dans lequel nul n'aurait sa place. Quand je regarde ses yeux, quand je le sens se coller à moi dans l'avion, dans le taxi, dans notre lit, se forme une rupture psychologique et mentale que je ne saurais expliquer.

De nous deux, Alvaro est assurément le plus fort, au sens où il sait et il peut encaisser les coups, les mauvaises nouvelles et les épreuves sans pour autant qu'il n'en soit bouleversé. Ce n'est évidemment pas mon cas. Mes émotions investissent chaque parcelle de ma vie et, évidemment, les bons comme les mauvais moments sont souvent parasités.

Lorsque nous avons dû prendre les décisions les plus difficiles, c'est lui qui en a été à l'initiative ou bien qui les a le plus encouragées. Sauf quand il s'agit de s'en prendre à lui. Il le sait d'ailleurs. Dans ces cas-là, je suis capable de tout. Vraiment tout. La manière dont j'ai recruté Samuel pour la première fois en est le parfait exemple.

Dans ce couple asymétrique se trouve en réalité un équilibre que j'aimerais tellement retrouver ailleurs. Si je suis si investi dans notre relation, c'est aussi parce que je n'ai malheureusement jamais pu trouver tout ce que je puise avec lui. Aussi confortable est-ce, cela n'en reste pas moins une réalité.

Encore une fois, nos amis en ont conscience et nous n'avons jamais été attaqués ou ennuyés parce que nous fonctionnions ainsi. Bien au contraire, ils respectent notre mode de vie et nos proches en général pourraient témoigner que notre rencontre n'a en rien amené l'un à suivre les habitudes de l'autre.

Non, tout a été naturel parce que, déjà, avant, nous avions une vision similaire de ce que pourrait être une amitié, une relation, une affection. Je comprends parfois ces personnes qui ont peur des relations physiques et qui s'en tiennent toujours au virtuel ou au distanciel. Elles se complaisent dans des relations à distance qui évitent de faire éclater au grand jour toutes les difficultés qu'elles rencontrent au quotidien.

Je me demande souvent si quelqu'un d'autre aurait réussi à me comprendre à un tel point. S'il y a une troisième personne qui nous ressemble et, si oui, où est-elle ? Que fait-elle ? Que se passerait-il si nous la rencontrions ? Si nous étions amenés à être proches ? Ce sont des questions pour le moins hypothétiques et dénuées de tout sens logique.

Pourtant ainsi mon cerveau fonctionne-t-il, dans l'hypothétique. Parce que les émotions prennent le pas sur la raison et font fondre une partie de mes raisonnements rationnels. Je n'y peux rien, je vis avec. Je l'impose un peu à Alvaro, au fond. Mais j'imagine qu'il m'aime aussi pour ça. Pour les fêlures qui m'habitent.

Pour Les Medicis (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant