Le début de la réunion était un peu tendu, et pour cause. Le retard n'avait rien de justifié. Fort heureusement, Hélène a annoncé les bonnes nouvelles en premier, à savoir une modification des statuts des établissements publics culturels leur permettant de faire évoluer considérablement leurs financements.
Tous les regards se sont donc tournés vers moi. Évidement, puisque je suis à l'origine du rapport qui avait fortement recommandé cette nouvelle orientation. La question est donc rapidement arrivée sur la table : quid des financements privés. Hélène ne bouge pas et attend patiemment que je prenne le relais.
« Tout d'abord, sachez que je ne suis ici qu'en qualité de directeur de la Villa, pas davantage. Le rapport que j'avais réalisé il y a quelques années est certes à l'origine de la loi votée, mais les détails fiscaux, financiers et juridiques ne sont pas de mon ressort ».
Quelques rictus apparaissent et un collègue qui travaille aux Etats-Unis me soutient et me remercie de ma franchise. Il a l'habitude de la philanthropie anglo-saxone et je sais pouvoir compter sur lui pour expliquer aux personnes présentes qu'il ne s'agit en rien d'une libéralisation de la culture. Au contraire.
« Ces nouveaux contours vont avoir un rôle majeur dans votre financement. D'abord, ils vont faciliter le fléchage des fonds publics vers vos organisations, y compris de collectivités territoriales. Jusqu'à présent, une mairie qui voulait promouvoir avec vous son patrimoine local ne pouvait pas vous subventionner directement. Ce sera désormais possible ».
Les yeux écarquillés de mes interlocuteurs marquent la révolution qui s'enclenche.
« Nous savons aussi que les financements privés sont compliqués à obtenir, non pas parce que les organisations refusent de mettre la main au portefeuille, mais bien parce qu'il est compliqué pour elles de réaliser les déductions fiscales ou encore de facturer convenablement leurs prestations. Tout cela sera facilité.
— Je peux ajouter quelque chose ? ».
Une femme lève la main et se présente : elle est attachée auprès d'une ambassade et rencontre très régulièrement ce problème.
« Il ne faut pas se voiler la face, nous sommes entre nous. Les entreprises ne veulent pas subventionner des organisations que l'Etat aurait arrêté de financer. Ce serait trop facile. Elles étaient inquiètes de ces statuts étranges, un peu hybrides, sans contrôle. La loi permet de rassurer tout le monde.
— Si vous le permettez, j'aimerais préciser que la loi n'est pas faite pour rassurer les entreprises, mais avant tout les citoyens qui pourront mieux comprendre comment l'argent public s'allie avec les deniers privés pour financer les projets culturels de haut vol que nous pilotons.
— Tout à fait, Madame la Ministre, c'est ce que je pensais ».
Finalement, la réunion se déroule parfaitement bien. Je peux donc reprendre mon rôle de simple auditeur.
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...