Chapitre 17 - 1

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Alvaro m'a traîné quasiment de force à l'Opéra. Je n'ai de cesse de râler et il s'en amuse :

« Tu avais mieux à faire ce soir peut-être ? ironise-t-il.

— Oui, t'éviter.

— Je te remercie, je suis enchanté de l'apprendre, plaisante-t-il avant de sortir du taxi.

— Tu le sais depuis longtemps, mon amour.

— Que tu es un odieux personnage ? Oui ! »

Je me réjouis que les locaux ne soient pas si nombreux à être bilingues. Nos conversations échapperaient sans doute au commun des mortels tant elles peuvent être dans la même minute acidulées puis mielleuses.

« Tu n'as même pas daigné me dire quel était le programme ce soir.

— Tu n'avais qu'à regarder sur ton portable, c'est trop tard ».

Directement remis à ma place. Alvaro ne manque pas de piquant depuis que j'ai tenté de lui cacher que j'avais engagé Aurélien et Samuel. Un piquant affectueux, je le sais, mais tout de même. Nous sommes installés au parterre et j'attends avec impatience que le concert débute.

Je ne suis pas déçu. L'orgue commence à résonner dans la salle et me voici pris dans la tourmente. Alvaro le sait, pendant un concert, plus rien n'existe, plus personne n'est présent. L'organiste se joue de nous et Bach vient de cueillir mes derniers instincts. Je suis emporté dans une violente synesthésie.

Tout me revient à l'esprit. Tout. Je repense à ma séance sous l'orage, dans les jardins de la Villa. J'entends mes cris, j'entends ma haine. Je revois les éclairs, je revois ses yeux. J'aurais pu détruire cet homme s'il avait été celui qui nous voulait du mal. Mais, hélas, nous sommes désormais sûr que le ministère italien n'y est pour rien.

Les images ne s'arrêtent pas. Non, l'orgue réveille en moi les plus vils souvenirs, les plus amères pensées, les plus violentes réflexions. Les yeux fermés, je suis replongé des années et des années avant ce moment. Je suis à Paris, j'entre à Sciences Po. Je suis à Strasbourg, j'étudie à l'ENA.

Je n'ai qu'une quinzaine d'années, je suis pris à parti par les plus costauds du lycée. L'un d'entre eux les empêche d'agir. Personne ne me fera de mal. Tout le monde me respectera. Parce que je les respecte aussi. Je deviens même ami avec celui qui m'a protégé. Notre relation fusionnelle ne sera jamais démentie.

Nous sommes si souvent ensemble que les rumeurs commencent. Elles s'affolent. Nous serions en couple. Nous coucherions ensemble. Il m'aurait déjà fait d'indicibles choses dans l'enceinte même du lycée. Le silence ne valait pas acceptation. Nous n'étions rien d'autre que deux amis. Deux frères. Qui s'aimaient un peu trop.

Pour Les Medicis (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant