Tu me laisses un peu de place sur le fauteuil que tu occupais pourtant pleinement jusqu'à présent.
« Pourquoi m'as-tu dit que tu avais besoin de moi, Alvaro ? A quel sujet ? »
Je connais la réponse, mais je crois que j'ai besoin de l'entendre.
« Pour vivre. Juste vivre. Quand on a connu la profondeur de notre relation, l'intimité de cette vie-là, plus rien d'autre n'a de prise, d'intérêt, de relief. Tu es devenu la raison pour laquelle mon monde existe. Il n'y a de décor que parce que tu es l'acteur principal. Si mon acteur n'est pas là, alors il n'y a pas de jeu. Sans jeu, il n'y a plus rien ».
Nous avons tous les deux fait des choix importants. Tu as quitté l'Espagne, tu as décidé de te séparer des liens familiaux qui t'y rattachaient. Moi, je ne sais pas vraiment ce que j'ai fait, si ce n'est partir tout en restant. Je suis parti loin dans mon esprit mais je suis resté à côté de ceux qui avaient besoin de moi.
M'envoler avec toi, tel est mon réel départ. Comme s'il avait fallu attendre que tu sois là pour que tout commence. Une sorte de seconde vie qui apparaît au moment où tu viens à ma rencontre. Personne n'a jamais saisi le sens de cette rencontre. Du mot rencontre, dans la manière dont nous l'avons vécu.
Ta main sur mon cou m'invite à garder le silence parce que tu ressens tout. Tu sais quel mot j'utilise, quelle pensée est en train de se créer au creux de mon cerveau. Toi, tu parles, tu dis les mots. Moi je les fais juste exister dans ma conscience pour qu'ils parviennent jusqu'à ton cœur, tels de petits signaux qui se transmettraient contre nos peaux.
L'expression de ton besoin n'était pas un appel au secours. Non, tu avais besoin d'être seul jusqu'au moment où tu as senti que j'arrivais. A partir du moment où je suis entré dans la pièce, tu as eu envie d'être avec moi.
C'est exactement ce qui s'est passé il y a quelques années. J'avais envie d'être seul, dans ma vie, sans engagement, uniquement la liberté. Puis tu es entré dans la pièce, dans ma vie. Dès lors, il était hors de question de vivre sans tout. Sans la complétude du tout, de l'immensité, de l'intimité avec toi.
Tu sais déjà tout ça, parce que je te l'ai écrit, je te l'ai dit. En d'autres temps, en d'autres lieux. Et plus le temps passe plus il est dur de le redire, parce que, par-dessus tous ces mots, tous ces sentiments, nous avons construit et tissé des liens nouveaux, des souvenirs, des émotions persistantes. Nous nous faisons plus discrets sur la profondeur et l'infinité de ce nous.
Et, parfois, comme ce soir, elles éclatent. Elles éclatent discrètement, dans l'obscurité d'une pièce, dans un verre d'eau partagé. Elles éclatent dans le silence comme dans les paroles. Elles éclatent dans les caresses et dans l'immobilité. Telle est notre relation. A la fois lumineuse et discrète, bavarde et silencieuse, distante et intime.
C'est en cela que nous avons atteint une forme de totalité.
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Pour Les Medicis (B&B)
Fiction généraleEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...