Au réveil, j'aurais tendance à regretter la nuit que nous venons de passer. D'ailleurs, un réveil est une non-réalité alors que nous n'avons fait que sommeiller pendant une dizaine de minutes. Lorsqu'Alvaro et moi entrons dans ces phases-là, nous sommes inarrêtables. Tant du point de vue de la profondeur de nos échanges que des comportements d'abord érotiques puis charnels que nous engageons.
Bien sûr, entre nos différentes exaltations, nous nous sommes reposés. Mais nous avons parlé, nous avons bu, nous nous sommes douchés, ensemble, nous nous sommes baladés dans les jardins. J'espère que nous avons eu la présence d'esprit de nous habiller décemment. Il serait mal venu d'être vu en pleine nuit complètement dévêtu.
La nuit a été fraiche. Ou bien peut-être étions-nous plongés dans une telle chaleur ardente que toute douceur nocturne n'aurait pas suffi. C'est probable. Nous avons parcouru les jardins faiblement éclairés, simplement guidés par ce que la Lune acceptait de nous montrer. C'est-à-dire peu de choses.
Toujours est-il que je suis en retard et qu'il me faut maintenant préparer mes dossiers. J'ai rendez-vous au ministère italien de la culture qui s'est empressé de me demander audience pour que nous échangions sur les perspectives d'intégration des actions de la Villa à Rome. Mon prédécesseur ayant largement évité le sujet, pour des raisons tout à fait compréhensibles, puisqu'il était intérimaire, ma nomination a été vu d'un très bon œil par les responsables italiens.
Redevenu secrétaire général, il n'a pas manqué de me prévenir des risques d'instrumentalisation. Qui n'essaiera pas ? Associer une des plus belles maisons françaises à des politiques culturelles nationales, ce serait un coup de maître. Hors de question. Je n'ai pas été choisi sur ce programme.
Programme. Il faudrait que je me prémunisse de toute envolée politique dans mes propos. Ce n'est clairement pas ce que l'on attend de moi. Nulle part. Ni ici, à la Villa, ni en France, quand j'étais magistrat, et encore moins dans ma vie personnelle. Non pas qu'Alvaro s'y opposerait. Mais tout de même.
Je n'aurai pas le temps de m'y rendre à pied. Je dois prendre un taxi de toute urgence. Heureusement, il suffit d'un simple bouton pressé pour qu'un véhicule, aussi proche que possible évidemment, ne vienne à ma rescousse. Je risque d'être en retard et je ne suis pas convaincu que le directeur des affaires culturelles du ministère apprécie.
Peut-être pourrai-je m'excuser en jouant la carte du néo-romain, perdu dans les rues qui sont bien trop semblables pour le citadin parisien que j'étais ? Je doute qu'il apprécie mon clin d'œil pourtant amical. Je me contenterai de la première partie de l'idée. Si jamais je suis en retard, bien sûr.
Mais puisque je ne vois aucun véhicule à la sortie de la Villa, je commence à croire à un report dudit rendez-vous.
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Pour Les Medicis (B&B)
General FictionEliot Preston vient d'être nommé directeur de la prestigieuse Villa Medicis. Son compagnon, Alvaro, plus discret, moins explicite que lui, n'en reste pas moins son plus fidèle allié et soutien. Ensemble, ils débutent une nouvelle vie romaine, après...