Chapitre 12 - 2

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C'est aussi le moment qu'a choisi la presse française pour s'intéresser à moi. Plusieurs médias m'ont sollicité pour répondre à des interviews et quelques journalistes envisagent même de venir à ma rencontre ici, à Rome. Quand je leur ai annoncé que la Villa ne leur offrirait pas le gîte, une tradition pour mes prédécesseurs visiblement, certains ont décliné.

Seul France Culture a décidé de faire le déplacement et j'aurai le plaisir de les accueillir demain. Ce qui ne manque évidemment pas de faire réagir Alvaro :

« C'est donc demain que je t'abandonne aux Français.

— Tu parles de moi comme si j'étais investi Président de la République.

— Sous-entendrais-tu que j'exagère ?

— Assurément, comme souvent.

— Tu n'es pas aussi catégorique parfois ».

Je ne relève pas et lui tends la main afin de poursuivre notre escapade. Nous rejoignons le Château Saint-Ange qui depuis notre arrivée me tentait. J'avoue être un peu déçu sans pour autant négliger l'incroyable quartier dans lequel il se trouve. Si nous n'étions pas résidents à la Villa, j'aurais déjà mandaté Alvaro pour qu'il nous trouve un appartement ici.

« Tâche de ne pas dire cela demain aux journalistes !

— Et pourquoi pas ? Nos salaires nous permettraient largement de ne pas jouir des logements de fonction.

— Bien sûr. Mais tu es directeur de la Villa, tu dois prendre soin de tes pensionnaires ».

Il a raison. Et je m'efforce de le faire de mon mieux. Il ne passe pas une heure sans que je ne sois sollicité par l'un ou l'une d'entre eux. Souvent, il faut bien l'avouer, je dois transmettre le questionnement à mon secrétaire général, bien plus au fait des rouages de la Villa. Je ne suis nommé que depuis quelques semaines après tout.

J'ai cependant appris à les connaître. Même si je dois confier mes doutes, parfois, quant à certains de leurs comportements. Des rumeurs courent, avec insistance, sur de possibles orgies entre pensionnaires et avec d'autres artistes romains. Ils y trouveraient toute l'inspiration nécessaire afin de créer.

Si je respecte tous les processus créatifs, j'avoue avec honnêteté ma méfiance quant à ces pratiques. Je me moque des mœurs et des jugements, je m'interroge simplement sur la justification artistique de ces pratiques sexuelles libérées. Alvaro n'en sait rien, tout simplement parce qu'il s'agit d'une information professionnelle confidentielle qui n'a pas à être ébruitée.

Je l'ai appris sous le sceau de la confidence auprès d'une de nos collaboratrices qui avait entendu un long échange entre deux pensionnaires. Parce que garant du bon ordre de la Villa et surtout de la santé de ses résidents, je reste attentif à la situation sans pour autant m'alarmer. En espérant ne pas me tromper.

Pensif, je reste debout devant la Cour Suprême de Cassation, dont les locaux sont sublimes. Je me rappelle inévitablement mes années à la Cour des Comptes. Mais néglige toute forme de nostalgie. Elle serait malvenue.

Pour Les Medicis (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant