Chapitre 13 - 2

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« Quel bonheur d'être en ces lieux mythiques, cher Eliot. Et merci de me laisser vous appeler ainsi, nous gagnerons en fluidité.

— Quiconque franchit la porte de cette Villa doit se sentir en France, ce qui implique une convivialité et une chaleur, artificielle, celle-ci, incommensurables.

— J'imagine que de nombreux touristes français viennent visiter la Villa ?

— Vous avez raison. Et je m'efforce, lorsque je le peux, de venir à leur rencontre. Je suis un peu comme eux.

— Votre prise de fonctions est en effet récente. Votre installation a été facilitée par le cadre impressionnant dont vous jouissez au quotidien, j'imagine.

— Si Paris est une ville splendide et que les locaux de la Cour des Comptes sont somptueux, je crois que je ne pourrai jamais me lasser de ces jardins, de cette vue, de cette bâtisse.

— Vous vivez donc sur place ?

— Tout à fait. Pour des raisons logistiques mais aussi parce que la fonction a toujours été associée à cet incroyable privilège, à savoir vivre sur son lieu de travail.

— Et quel lieu de travail ! Même si j'imagine que finalement il s'agit-là d'un piège pour votre vie privée.

— Voulez-vous dire que la distinction entre ma vie professionnelle et ma vie privée en est plus effacée ?

— Parfaitement.

— Vous n'avez pas tort. Pour ne rien vous cacher, mes fonctions de magistrat financier me conduisaient déjà au même constat, sans pour autant que mon bureau ne soit chez moi. Je crois qu'il faut savoir s'accorder des temps de répit. Hier j'étais absent toute la journée pour ne profiter que de mon compagnon.

— Il se murmure en France qu'il a été votre premier soutien. Se réjouit-il de votre déménagement ? A-t-il pu retrouver ses repères ?

— En effet, il a ouvert un cabinet d'architectes qui déjà recherche ses premiers collaborateurs. Sa sensibilité artistique est un avantage immense.

— La vôtre n'en demeure pas moins développée.

— J'ai quelques épanchements, je le concède.

— Si vous deviez me confier votre livre de chevet, ce serait...

La nuit de feu, d'Eric-Emmanuel Schmitt. Et pas seulement parce que nous ne nous sommes pas encore acclimatés à la chaleur romaine ».

Mon interlocuteur éclate de rire et me confie qu'il souhaiterait effectivement migrer vers l'herbe. Je le comprends : les premiers jours, il m'était tout autant impossible de rester plus de quelques minutes au soleil. Sans doute le corps s'accommode-t-il de ces variations climatiques et finit par ne plus les sentir.

Nous nous installons et reprenons :

« Et les musiques qui vous permettent de dormir et de travailler ?

— Sans hésitation, Max Richter et Dead Can Dance.

— Si nous avons consacré des émissions au premier, je vous avoue ne pas connaître le second.

— Dans ce cas, rattrapez votre retard en allant consulter les pensionnaires de la Villa. Ce sont eux qui m'ont fait découvrir deux titres resplendissants. The Host of Seraphim ...

Pour Les Medicis (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant