Chapitre 22 - 3

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Nous sortons du palais au sein de la voiture d'Hélène. Peu habitué aux escortes policières, les sirènes heurtent mes oreilles jusqu'à la fermeture des fenêtres, me permettant de pleinement me concentrer sur la musique classique que l'on peut entendre.

« Je crois qu'il est temps d'aller déjeuner, messieurs. Nous mènerons le comité de pilotage de la politique internationale en suivant ».

Sans que nous n'ayons notre mot à dire, la voiture s'est fermée et a commencé à accélérer afin de respecter le protocole de sécurité des personnalités publiques. En démocratie, la vie d'Hélène vaut toutes les autres ; mais la République qu'elle représente ne peut souffrir d'insécurité.

Celle-ci mène d'ailleurs ses activités de front et nous délaisse, pour notre plus grand plaisir. Nous pouvons ainsi discuter et je peux préciser à Alvaro le contenu exact du rendez-vous, sans qu'Hélène n'y associe ses propres idées. Sa réaction est sans appel :

« Quelle que soit la source de nos problèmes, toi ou moi, je retiendrai toujours la confiance que l'on t'accorde. Et je m'en sens soulagé. Ils n'ont pas douté de nous quand tu leur as dit que tout n'était qu'un tissu de mensonge. Je ne l'oublierai pas ».

Nous avons été affectés durement, plus ou moins selon les périodes, par le poison de la calomnie. Aujourd'hui, nous sommes vaccinés. Alvaro le premier, sans doute parce que j'étais parvenu à le protéger en partie de tout cela. La période n'était pas facile mais j'aurais pu tuer pour qu'il ne souffre pas.

Le chemin que nous avons parcouru est intense. Je n'ai de cesse de penser à ma vie sans lui, à ce qui pourrait se passer, à la manière dont je devrais gérer le monde autour de moi. Plus précisément, à l'incapacité que j'aurais à le faire. Je sais que j'aurais d'autres libertés, d'autres manières d'aborder les hommes.

Mais à quoi bon. A quoi bon avoir une telle liberté si elle n'est qu'une ivresse solitaire. Je préfère largement la soumission à notre désir inébranlable d'amour. Pour rien au monde je ne voudrais perdre l'homme que j'ai en face de moi. Celui-là même qui ne cesse de tenter d'observer la capitale par la fenêtre.

Sa chemise blanche cintrée et très légèrement ouverte renvoie une image incroyable. Ne pensant pas croiser un officiel, Alvaro n'est pas rasé. Son charme n'en est que renforcé. Ses doigts fins ne cessent de se chercher, sans doute parce qu'une forme d'anxiété se saisit de lui. D'ailleurs, quand son regard croise le mien, ils ne cessent de s'activer.

Prenant conscience de l'observation méticuleuse que je mène depuis quelques minutes, l'homme qui est sûrement celui que j'aurai pour toute ma vie laisse apparaître quelques rougeurs de chaque côté de son nez. Je ne résiste plus et me penche vers lui pour obtenir un baiser que je suis convaincu de mériter.

Hélène, au téléphone, n'a cependant rien perdu de la scène, et affiche un sourire d'une sincérité éclatante. 

Pour Les Medicis (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant